Marche des fiertésLe hashtag #Noisiel relance le débat sur l'homophobie en banlieue

Par Antoine Patinet le 28/11/2019
Noisiel

Une vague d'homophobie a déferlé sur Twitter après la diffusion de la sextape d'un habitant de Noisiel. Et relance le débat sur l'homophobie en banlieue...

C'est l'histoire d'une sextape qui a propulsé la ville de Noisiel en Seine-et-Marne dans le top des mots clefs les plus cités sur Twitter pendant plus de 24H, les 26 et 27 novembre derniers. Des dizaines de milliers de messages, dégueulant leur homophobie ordinaire, ont abondé sur le réseau social, provoquant la colère et l'indignation de militants LGBT, d'associations et d'hommes et de femmes politiques.

Cyberharcèlement

A l'origine, une vidéo de quelques secondes, où un homme reçoit une fellation par un autre homme, qui s'est retrouvée sur Snapchat et Twitter. Les deux protagonistes ne semblent pas à l'origine de cette diffusion massive, puisque l'un des deux hommes, qui a été reconnu, a du fuir la France face à ces nombreuses réactions, selon l'association Urgence Homophobie. La porte-parole de l'association Marine Giner-Dufour a raconté à l'AFP que «le cyberharcèlement, déjà très violent, s'est traduit par un harcèlement direct sur son numéro privé, des menaces et il a eu peur qu'on vienne l'agresser directement».

Il faut dire que, sur Twitter, les commentaires étaient particulièrement nauséabonds. « Un certain nombre de gens ont commenté, d'abord sur la présence ou non d'homosexuels à Noisiel, à la façon d'une guéguerre de bandes. Il y avait aussi des tweets visant les personnes de la vidéo. Puis la vidéo est devenue virale" a retracé le président de SOS Homophobie, Jérémy Faledam, contacté par Le Parisien. Ainsi, certains ont par exemple tweeté qu'ils ne remettraient plus jamais les pieds dans cette ville. Pour l'instant, aucune des deux victimes n'a porté plainte. Certains tweets sont condamnables et pourront faire l'objet de plaintes de la part des associations.

Récupération

La député LREM Laetita Avia, à l'origine de la loi visant à faire retirer sous 24H les contenus haineux circulant sur internet, a lourdement condamné le déferlement d'homophobie ordinaire qui a accompagné la parution de la vidéo. « Tout est sidérant derrière le hashtag #Noisiel. L'ignominie des propos homophobes et racistes, le cyber harcèlement en meute, la propagation virale d'une vidéo à caractère sexuel. Il est temps de responsabiliser les plateformes et ceux qui propagent ces contenus ». 

Mais au delà du cyber-harcèlement, cette affaire a relancé le débat de l'homophobie dans les banlieues. Certains, soudainement très sensibles aux droits des personnes LGBT, ont tenté de s'emparer du sujet. "Des réactionnaires y ont vu une nouvelle occasion de stigmatiser, encore une fois les banlieues, en disant que l'homophobie s'y exprimait de manière plus violente qu'ailleurs", raconte Jérémy Faledam à TÊTU. "Mais l'homophobie est partout, dans tous les milieux sociaux." 

La communauté LGBT divisée

Mais cette position n'est pas partagée par tout le monde, même au sein de la communauté LGBT. Interrogé par Atlantico, Mehdi Aifa est président fondateur de l'Amicale des Jeunes du Refuge considère que cet outing forcé est beaucoup plus qu'un "jeu d'ado". "Il s'agit là d'une mise à l'index pour rappeler à tout un quartier que l'homosexualité et par extension les homosexuels n'y ont pas leur place et qu'ils feraient mieux de bien se cacher ou de fuir." 

Si cette interprétation n'engage que son auteur, force est de constater que l'invisibilisation est toujours de mise pour les personnes LGBT en banlieue, comme le révélait une enquête parue dans le numéro 220 de notre magazine. Et les associations ne se sont emparées du sujet que récemment. SOS Homophobie vient de lancer un groupe "Au delà du périph" pour développer des actions "globales" de sensibilisation, de prévention, et assurer davantage de visibilité aux personnes LGBTI dans les zones périurbaines. La Pride de Saint-Denis, lancée pour la première fois cette année, fait aussi partie des initiatives ayant pour but de donner davantage d'espace aux personnes LGBTI en banlieue.