cinéma"Luciérnagas" : portrait sensible et sensuel d'un migrant gay

Par Martin Zerr le 22/01/2020
Luciérnagas

Deuxième long-métrage de Bani Khoshnoudi, Luciérnagas suit les premiers pas au Mexique d’un jeune iranien gay ayant fui son pays pour échapper aux persécutions.

A Veracruz, Ramin (Arash Marandi) enchaîne les petits boulots pour quitter cette ville dans laquelle il s’est retrouvé par erreur alors qu’il espérait gagner l’Europe. Iranien et homosexuel, il fuit son pays et son gouvernement qui emprisonne et torture les personnes LGBT. Ramin n’a d’autre choix que de vivre au jour le jour tout en essayant de mettre de l’argent de côté pour repartir.

Errances nocturnes

Veracruz est belle et anxiogène : on y suffoque dans la chaleur entre les murs décrépis des immeubles abandonnés. Ramin y déambule, las. Il lui est de plus en plus compliqué de communiquer avec son petit-ami, resté en Iran. Et les conversations skype foireuses atteignent rapidement leurs limites. Certains soirs, l’errance nocturne se transforme en séquence de cruising. Le sexe, territoire ou les problèmes de langues n’existent pas, se révèle être un refuge contre la solitude.

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Ramin est pris entre nostalgie et désir d’une vie nouvelle. Sa solitude s’estompe lorsqu’il rencontre Rosy (Ishbel Mata) qui travaille dans l’hôtel où il séjourne. Rapidement, une complicité nait entre ces deux êtres écorchés vifs. Entre anglais et espagnol, ils tissent peu à peu leur amitié.

"Luciérnagas" : portrait sensible et sensuel d'un migrant gay

Testostérone

Sur un chantier, Ramin rencontre Guillermo (Luis Alberti), une gueule cassée, tatouée, qui transpire la testostérone. Le colosse aux airs de caïd rêve de s’enfuir à Los Angeles et le met en garde sur cette ville « tu peux facilement rester coincer ici. » Une tension érotique s’installe entre les hommes mais elle est stoppée net par Guillermo qui rejette ses propres pulsions.

L'exil est une notion que Bani Khoshnoudi connait bien. La réalisatrice iranienne a quitté son pays pour les États-Unis dans sa jeunesse. Après avoir habité 10 ans en France, elle  est aujourd’hui installée au Mexique qu’elle filme pour la première fois.

Dans ce deuxième long métrage, elle filme avec pudeur l’errance et le désir d’un exilé, anonyme, de passage dans une ville qu’il n’a pas choisi. En plein triomphe du concept "female gaze" (qui consiste à proposer à travers des films ou des séries un autre regard sur les femmes), le regard d'une cinéaste sur la sexualité homosexuelle masculine est intrigant. Pour la réalisatrice, les lucioles de Veracruz sont tous ces êtres de la nuit « qui se [rapprochent] sans jamais se toucher. »

Avec sensibilité et sans effet de manche, elle filme la manière dont une ville l'où l'on n'est pas né, peut nous attraper et devenir un foyer. Aussi imparfait soit-il.

"Luciérnagas"de Bani Khoshnoudi. Sortie en salles le mercredi 22 janvier 2020. Optimale Distribution