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pornoCombien gagne un acteur porno ? Un performer français fait ses comptes

Par Antoine Patinet le 01/02/2020
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Alors qu'un scandale sur les salaires des acteurs porno émerge aux Etats-Unis, on a voulu savoir combien gagnait un performer de X Français. Paul Delay, dans le business depuis 4 ans, a accepté de faire ses comptes avec TÊTU.

Le milieu du porno gay américain est en branle (sans mauvais jeux de mots - enfin si). Le 26 janvier dernier, le performer Armond Rizzo a jeté un pavé dans la mare, en accusant le studio BlackOnBoys de payer plus cher les actifs que les passifs. Avec ses 320.000 abonnés, le coup de gueule de l'un des meilleurs passifs du porno gay a rapidement trouvé de l'écho dans la presse spécialisée, et auprès d'autres acteurs de X. C'est ainsi que le lendemain, Joey Mills a attrapé la balle au bond, et dénoncé une dérive globale des studios, qui ont selon lui tendance à sous payer les performers les moins expérimentés.

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"J'ai entendu des histoires sur les tarifs des nouveaux modèles, et sur comment de nombreux studios très connus exploitent les jeunes acteurs de X" a-t-il tweeté, avant d'ajouter que "personne ne devrait être payé moins de mille dollars par scène." "Je veux juste que les performers connaissent leur valeur" a-t-il ensuite précisé dans un thread, pour ne pas jeter l'opprobre sur les nouveaux arrivants qui ne connaissent pas les tarifs. De nombreux acteurs ont alors réagi, partageant le constat de dévoiement de l'industrie.

TÊTU s'est donc demandé combien gagnait, en France, un acteur porno. Evidemment, on est très loin des Etats-Unis. Il ne reste qu'une poignée de studios dans l'Xagone de 2020, après la déferlante des tubes. Et le plus souvent, ceux qui restent sont en mode "costkillers" et les budgets des tournages sont resserrés au maximum. Alors forcément, les acteurs ne peuvent pas espérer des salaires à trois zéros.

200 euros pour sa première scène

Paul Delay est acteur en exclu chez French Twinks. Sa silhouette est longiligne, et ses cheveux bruns et ondulés lui donnent parfois un air de Timothée Chalamet. Pas étonnant donc que le studio lui ait tout de suite répondu quand il a postulé sur leur site. Le cachet de sa toute première scène, il s'en souvient : 200 euros. Une scène, c'est "en moyenne 5H de travail" explique le performer. "Mon tournage le plus court a duré trois heures. Et le plus long... deux jours !" Un débutant pour une scène gagne donc environ 4 fois le smic horaire, fixé à 10,15 euros de l'heure, au premier janvier 2020. Et il n'y a pas de différence entre les cachets des actifs et des passifs. En tout cas, chez French Twinks.

Mais contrairement à n'importe quel job en CDI, il faut s'armer de patience : quand on cherche à rester fidèle à un studio français, on ne peut pas tourner tous les mois. "Antoine Lebel, qui s'occupe de French Twinks, organise à peu près un tournage par mois. Et ça ne peut pas toujours être moi dedans !" plaisante-t-il. Donc Paul a un "vrai job" à côté. Un job du genre costume-cravate.

Bareback VS capote

Mais sa fidélité au studio paie. En tout cas chez French Twinks. Il n'y a qu'en restant "en exclu" que l'on peut espérer une augmentation : "Si tu tournes un certain nombre de scènes, ton cachet augmente régulièrement. Aujourd'hui, après plus d'une vingtaine de scènes, je touche 400 euros par séquence."

Il pourrait peut-être toucher plus, mais il est attaché aux valeurs de French Twinks : "On ne joue que safe, et c'est important pour moi. Je n'ai pas envie d'être associé au bareback. C'est un terme qui à une consonance à risque pour moi, parce qu'il est arrivé avant la PrEP. Et les studios se sont tous mis à faire du bareback sans jamais préciser si leurs acteurs étaient sous PrEP. Je ne suis pas opposé au porno sans capote, mais il faut le faire intelligemment. Il faut communiquer dessus, faire de la prévention." 

La PrEP a, c'est vrai, changé le rapport du porno au préservatif, et les salaires des acteurs. Mais pas vraiment comme on pourrait le penser. "J'ai entendu qu'en Espagne ou aux Etats-Unis, certains acteurs se faisaient payer plus cher pour des scènes avec capote, comme une compensation. C'est vraiment une contrainte pour eux. C'est un peu ahurissant par rapport à la prise de risque." Effectivement, rappelons que si la PrEP protège de la contamination au VIH, elle ne protège toujours pas des IST, comme les hépatites ou la syphilis. Paul préfère donc rester fidèle à ses valeurs.

Intéressement sur les abonnements

Il faut aussi dire que French Twinks a mis en place un dispositif assez intéressant pour ses acteurs. "On a des commissions sur les ventes grâce à un programme d’affiliation. On fait la promotion de nos scènes (et celles des autres) sur nos réseaux sociaux, grâce à un lien spécial qui nous est propre, et on gagne 50% sur les abonnements affiliés". C'est à dire que si un internaute prend, disons, un abonnement à 20 euros pour un mois, Paul en touche 10."J’ai dû gagner environ 1000 euros grâce à ça depuis le début de mon activité."

Mais il admet qu'être chez FrenchTwinks est presque un privilège :"Je ne connais aucune autre prod qui paye aussi bien en France et qui fait bénéficier aux acteurs d’autant d’avantages." L'an dernier, il a été approché par une autre production française, mais "pour 150 euros la scène, ça ne valait pas du tout le coup de briser mon exclu." 

Toutefois, ses performances remarquées lui ont valu, en 2018, d'obtenir le trophée du meilleur acteur des PinkX Awards de PinkTV, et du meilleur twink aux Prowler Awards, à Londres. Et bien sûr, il y a eu quelques coups de fils, dont un de CockyBoys, qui cherchait des acteurs français pour un tournage à Paris. Et quand les américains débarquent, le salaire n'est pas le même. "Ils m'ont demandé combien je prenais, j'ai un peu gonflé mes prix." S'il ne veut pas dire exactement combien, il assure que c'est "en dessous des 1.000 dollars défendus par Joey Mills. Entre les deux quoi. Si j'avais eu 10 ans d'expérience et une renommée européenne j'aurais pu négocier plus." 

"Un peu plus confort"

En France comme aux Etats-Unis, il peut y avoir des "bonus". "Si la scène est plus hard, qu'elle comprend de l'uro, du fist-fucking, ou une double-pénétration par exemple, il y a un supplément de 100 euros." Et évidemment, les frais d'hôtel, d'avion ou de restaurant sont pris en charge par la production. Et si ces déplacements sont avant tout pour travailler, le jeune homme trouve qu'il y a souvent "une ambiance très familiale et festive, qui ressemble un peu aux vacances..." 

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"Je fais surtout du X pour le kiff, en 2020, très très rares sont ceux qui peuvent prétendre ne vivre que de ça", explique-t-il. "Après, c'est sûr que François Sagat n'aurait pas du tout le même retour d'expérience." Du coup, cette petite "prime", d'environ 2.000 euros par an lui permet d'être "un peu plus confort". "Je ne gagne pas 3.000 balles par mois dans mon job. Le porno ne double pas mon salaire, mais ça me paie mes vacances ou des petits plaisirs."

Pourrait-il se diriger vers la plateforme OnlyFans, pour gagner plus ? "On y pense avec Doryann Marguet. Je sais que c'est un complément intéressant, mais il faut produire du contenu très régulièrement pour garder tes abonnés. Il faut s'y consacrer quotidiennement pour gagner beaucoup je pense. Mais de toute façon, la plupart des modèles qui ont du succès sur la plateforme ont acquis une notoriété grâce aux studios. Donc l'un ne va pas sans l'autre." 

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