Près de seize ans après son film inaugural Saving Face, la réalisatrice Alice Wu revient avec un teen movie lesbien empreint de romance, sous multiples formes.
En plus d'être la fête du travail, le 1er mai prochain s'imposera comme une journée très queer pour les abonnés de Netflix. C'est effectivement à cette date-là que le géant du streaming lâchera la première saison de Hollywood signée Ryan Murphy, certes, mais aussi un long-métrage plus confidentiel mais tout aussi important : The Half of It. Dans cette comédie adolescente, Alice Wu explore une thématique somme toute universelle : l'amour, avec un grand A mais pas que.
Bienvenue à Squahamish, bourgade essentiellement conservatrice des États-Unis. C'est là-bas que vit bien malgré elle Ellie Chu, étudiante modèle et réservée. Bien qu'elle rase les murs et fasse son possible pour qu'on ne la remarque pas, Paul, un des sportifs de son école, lui demande une faveur. Il n'est pas doué avec les mots et aimerait qu'Ellie l'aide à déclarer sa flamme à Aster, la fille populaire par excellence. Après maints refus, elle cède. Les textos s'enchaînent et une relation épistolaire passionnée démarre alors entre Aster et Ellie, camouflée sous l'identité de Paul. Tout dérape quand notre discrète héroïne s'éprend réellement de sa destinataire.
L'amitié avant tout
Sur le papier, The Half of It fait légèrement écho à une autre rom-com LGBT+ calibrée pour les ados, à savoir le film Love, Simon sorti en 2018. Les deux longs-métrages s'appuient, à leur manière, sur une histoire d'amour basée sur l'échange de messages. Pour autant, là où Love, Simon était inexorablement axée sur l'attirance entre deux lycéens, la nouvelle production de Netflix s'aventure hors des sentiers battus et décortique une autre forme d'amour.
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"Tout le monde met l'amour romantique sur un piédestal, fait remarquer Alice Wu, réalisatrice et scénariste de The Half of It lors de notre récent coup de fil. C'est une forme merveilleuse d'amour, mais c'est juste l'une de plusieurs. J'adore les comédies romantiques et j'ai plus ou moins réalisé que mes rom-coms préférées étaient celles où, ironiquement, la romance la plus profonde n'était pas celle entre les deux amoureux". En effet, si l'idylle florissante entre Aster et Ellie se révèle des plus touchantes, c'est bien l'amitié liant cette dernière à Paul qui finit par nous faire chavirer.
Néanmoins, que les téléspectatrices lesbiennes en quête de visibilité se rassurent, The Half of It n'est pas du queerbaiting. Si la potentielle amourette entre les deux personnages féminins n'est pas toujours sur le devant de la scène, il est bien ici question d'une héroïne en pleine découverte de sa sexualité. Leah Lewis, croisée dans la série Nancy Drew, délivre une performance toute en retenue, faisant comprendre avec une subtilité appréciable les affres qui tourmentent son alter ego à l'écran. Et, détail qui n'en est pas un, Ellie, comme l'actrice qui la joue, est sino-américaine.
Une question de visibilité
"J'ai passé quelques années à bosser dans cette industrie mais il y a dix ans, à cause des soucis de santé de ma mère, j'ai dû me retirer pour aller m'occuper d'elle à San Francisco, nous confie Alice Wu. Je n'ai rien écrit pendant un moment et ce n'est que trois ans plus tôt qu'on m'a appelée pour écrire quelque chose pour un grand studio. Après ça, je me suis dit que je devais écrire mon second film. [...] À ce moment-là, Hollywood n'avait pas vraiment découvert le concept de diversité, si on peut dire ça comme ça". En effet, ce n'est que depuis quelques années que des œuvres hollywoodiennes misent sur des stars d'origine asiatique en têtes d'affiche, preuves à l'appui avec Crazy Rich Asians ou encore l'excellent The Farewell.
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Bien qu'elle demeure sceptique face à ce soudain intérêt porté à la diversité – "est-ce un changement systémique ou bien juste quelque chose de façade ? Je ne sais pas. On ne sait jamais ce qui peut se passer avec le marché du cinéma", précise la réalisatrice –, Alice Wu n'a pas hésité une seule seconde en castant une héroïne sino-américaine, estimant qu'elle avait ce rôle à jouer.
Une autre tâche qu'elle s'est confiée à travers ce deuxième long-métrage est de faire évoluer les mentalités. C'est ainsi qu'elle a choisi de produire son projet avec le soutien de Netflix, dans l'espoir de toucher un public plus large à sa sortie. "J'espère qu'un gosse ou un parent dans un état conservateur en vienne à regarder ce film et peut-être qu'il le fera revoir ses positions, avance-t-elle. Ce serait déjà une petite victoire". Il n'y a plus qu'à croiser les doigts.
Crédit photos : Netflix