Épidémie oblige, les marches des fiertés françaises sont toutes annulées ou reportées. Mais les associations s’organisent : entre livestreams et “Prides au balcon”, le mois des fiertés s’adapte à la distanciation sociale. La priorité : rester présent·e·s.
La crise sanitaire aurait pu avoir raison des marches des fiertés françaises : entre reports (Paris, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse…) et annulations (Rennes, Strasbourg, Nantes…), la communauté LGBTQI+ française ne marchera pas cet été, puisque les rassemblements de plus de 5.000 personnes restent interdits au moins jusque fin août. Mais pas de panique, les organisations ont prévu de quoi se consoler, en transposant la pride sur internet.
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Pride internationale
Le 27 juin, une “global pride” aura lieu pendant 24 heures en ligne. Les organisations internationales InterPride et EPOA mettent en place un livestream avec concerts, prises de paroles publiques et animations, dont le thème sera l’intersectionnalité. Le but : “montrer la communauté LGBTQI+ sous son meilleur jour, faire preuve de solidarité dans une période où beaucoup d’entre nous sont en deuil”, explique J. Andrew Baker, le co-président d’InterPride. Pour les organisateurs, “il est essentiel que, cette année, nous fassions en sorte qu’il y ait une possibilité d’être en lien, même si cela doit se faire depuis chez nous”. Les associations du monde entier sont invitées à participer. Le Canada, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont déjà répondu présents.
Et la France a répondu à l’appel : les structures de Bordeaux, Paris, Montpellier, Lyon et Tours travaillent ensemble à un projet commun. Une des possibilités serait de monter un clip à partir de captations de marches, pour recréer l’engouement autour du sentiment de communauté. D’autres organisations pourraient participer de leur côté, comme l’indique Philippe, de “Pride Marseille”. “L’objectif est vraiment de montrer que 2020 n’est pas une année blanche”. Ils pensent faire une rétrospective sur les 26 dernières années de la Pride Marseille, et à continuer la dynamique engagée pendant le confinement : “certaines associations qu’on coordonne ont fait des soirées en ligne. On va le refaire. Il s’agit toujours de la même chose : créer du lien”.
“Se donner du courage aussi”
Même son de cloche du côté de la ville rose. Jérémy, de l’organisation Pride Toulouse, souhaiterait laisser la parole aux artistes LGBTQI+, aux shows drag par exemple, qui “eux aussi, ont dû arrêter toutes leurs activités et pâtissent de la précarité”. “On songe même à faire un mois entier de visibilité, où on encouragerait toutes les initiatives”, ajoute Jérémy. En attendant, l’association profite du hiatus pour prendre le pouls de sa communauté, à travers un questionnaire en ligne (ouvert jusqu’à la fin du mois de mai) : “l’idée, c’est de demander à ceux et celles qui viennent à nos événements ce qu’ils attendent des prochains mois. Quand on a la tête dans le guidon, on ne prend pas le temps de réfléchir à notre manière de faire. Là, on veut savoir ce qui les intéresse, pour pouvoir s’adapter. Et puis se donner du courage aussi”.
A Nantes, le centre LGBTQI+ Nosig a tout prévu pour se consoler de l’annulation de la marche du 6 juin et “retrouver d’une autre manière cette visibilité”. Plusieurs actions “Covid-compatibles” sont prévues en accord avec la Mairie : une grande campagne d’affichage de drapeaux arc-en-ciel, une couche de peinture fraîche sur les Marches des Fiertés (l’escalier arc-en-ciel “malheureusement régulièrement vandalisé”, rappelle l’association), et une opération “Pride au balcon” dès le 7 juin : les Nantais·e·s sont invité·e·s à mettre leurs drapeaux arc-en-ciel à leurs fenêtres et balcons. “Dans le même temps, nous demanderons aux participant·e·s de se prendre en photo avec leur drapeau pour une animation sur les réseaux sociaux”, indique Violette, Secrétaire Générale de Nosig. La communauté nantaise sera aussi présente pendant le livestream de la global pride avec une vidéo “colorée et festive” avec tous les visages des bénévoles. Le tout sur une chanson de Lady Gaga.
Un 17 mai en ligne
Du côté de la capitale, l’Inter-LGBT, association coordinatrice de la marche des fiertés parisienne (reportée à une date ultérieure) veut multiplier les actions pour rester présente. Elle doit encore préciser sa contribution à la global pride, mais, en attendant, son site présente une page dédiée aux initiatives de solidarité LGBT en temps de confinement. L’enjeu est de continuer à faire communauté, mais surtout de se faire entendre sur les droits et les discriminations, avance Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l’Inter-LGBT : “Il faut faire en sorte que nos problématiques ne soient pas passées sous silence à cause de la crise actuelle : nous continuons à nous battre pour la PMA, contre les violences (y compris intrafamiliales) et les LGBTphobies”.
Pour elle, il s’agira aussi d’honorer un devoir de mémoire, de rappeler le contexte dans lequel ont émergé les premières marches des fiertés (qui trouvent leur origine dans les émeutes de Stonewall à New York en 1969, NDLR).
Dans cette perspective, l’Inter-LGBT se mobilise dès cette semaine, autour du 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Elle travaille notamment avec la ville d’Ivry-sur-Seine pour sensibiliser autour des LGBTphobies. Toute la semaine, les habitant·e·s sont invité·e·s à poser des questions autour de la thématique, auxquelles Clémence Zamora-Cruz répondra lors d’un live sur la page Facebook de la Mairie d’Ivry, samedi 16 à 19h. Juste avant, à 17h30, la Ville diffusera un documentaire sur le sujet de l’homophobie. La médiathèque de la ville propose également sur son site une sélection sur la thématique. Enfin, l’inter-LGBT encourage les municipalités à mettre leurs sites aux couleurs du drapeau LGBTQI+.
Une question d'engagement
Interpeller les décisionnaires au niveau local, c’est ce que fait également l’association organisatrice de la Pride Toulouse. “Nous voulons qu’ils s’engagent autour du 17 mai”, explique Jérémy. “Leur demander de prendre leur part de responsabilité, de mettre en avant cette journée avec des campagnes d’affichage par exemple”. Il rappelle que “rien n’est encore acquis, notamment sur la PMA”, et que “c’est maintenant qu’il faut faire pression”, alors que l'examen du projet de loi en deuxième lecture à été repoussée à une date inconnue.
Rendez-vous donc sur les pages Facebook des associations organisatrices des prides pour suivre tous les événements en ligne, et sur l’événement facebook de la global pride. Et si le début de l’été LGBT sera numérique, les organisations croisent encore les doigts pour pouvoir marcher à Lyon (au cours de l’automne), à Marseille et Toulouse (le 5 septembre), à Paris, Lille et Bordeaux. Car pour ces associations, rien de tel que de se rassembler, comme le dit Jérémy : “Beaucoup de gens attendent la marche pour se renseigner, s’engager, s’affirmer. Et puis sans événement rassembleur, quel degré d’engagement aura-t-on demain ?”
Crédit photo : Romain Burrel pour TÊTU