Perpignan se réveille avec un nouveau maire : Louis Aliot, élu avec le soutien du Rassemblement national. Localement, l'association LGBT+66 regrette un maire qui "a une vision idéologique des dossiers".
Le Rassemblement national n'a pas brillé par son score au second tour des municipales : le parti a perdu deux des dix villes qu'il avait conquises six ans plus tôt (Le Luc et Mantes-la-Ville). Mais le parti de Marine Le Pen peut se targuer d'avoir gagné Perpignan qui devient la plus grosse ville dirigée par un allié du RN. Louis Aliot y a été élu avec 53 % des voix. L'association LGBT+ 66 regrette sa victoire. Interview de son président Jean-Loup Thevenot.
TÊTU : Quelles étaient vos relations avec Jean-Marc Pujol, le maire LR de Perpignan qui a dû céder sa place à Louis Aliot ?
On avait des désaccords sur de nombreux points mais on n'a jamais rompu le dialogue. Les deux sénateurs du même bord politique dans le département ont voté contre la loi bioéthique et notamment son volet sur la PMA et Jean-Marc Pujol a manifesté avec la Manif pour tous. Et pourtant, lorsque j'ai souhaité me marier, Jean-Marc Pujol a insisté pour que ce soit lui qui célèbre la cérémonie. Le maire sortant ne nous a jamais empêché de mener nos actions et de nous exprimer. Il a même doublé notre subvention entre 2017 et 2019 (passant de 400 à 1.000 euros). L'année dernière, la première journée des Fiertés a eu lieu à Perpignan. Je ne suis pas sûr qu'on puisse réitérer avec Louis Aliot aux commandes de la ville.
Craignez vous que Perpignan devienne une ville moins inclusive pour les personnes LGBT+ ?
Prendre la main de son compagnon dans la rue ici, c'est déjà compliqué. Il n'y a pas eu d'agression physique dans Perpignan, mais des injures, des quolibets inacceptables. Ce n'est pas de la faute de Louis Aliot, mais je ne vois pas comment il va apaiser les tensions. On nous a accusé de faire de l'anti-rassemblement national primaire : nous ne sommes pas partisans, mais nous défendons des valeurs. Ses prises de positions contre le mariage pour tous, lorsqu'il s'abstient au parlement européen sur l'égalité femme-homme... tout cela ne va pas dans le sens de l'histoire. Sur sa liste, il y a des LGBT+ mais ce sont des cautions qui n'ont jamais défendu l'égalité des droits. Mais on ne va pas refuser le dialogue au prétexte qu'il est l'ancien compagnon de Marine Le Pen. On espère qu'il va changer mais on sera exigeant.
Craignez-vous devoir réduire vos activités militantes ?
La plupart de nos actions sont autonomes mais je crains qu'on ait des difficultés à pouvoir réserver des salles de la mairie pour y échanger. Au conseil municipal, Louis Aliot s'est toujours abstenu ou a voté contre nos demandes de subventions. Heureusement, on a d'autres soutiens.
Quel type de dialogue vous attendez-vous d'avoir avec Louis Aliot ?
Louis Aliot a une vision idéologique des dossiers. Pendant la campagne, on a édicté une charte qu'on a soumise aux différents candidats pour qu'ils s'engagent sur certains points comme la formation des agents municipaux, la facilitation des démarches pour changer d'état civil ou encore la participation à la journée mondiale contre l'homophobie. Louis Aliot n'a même pas daigné nous répondre parce qu'il nous considère comme ses opposants. Pourtant, il a été invité à chacune de nos manifestations, mais c'est le roi du silence. Sauf pour nous insulter : sur Twitter, il écrivait en 2016 "le FN ne soutient pas la Marche des fiertés, symbole exhibitionniste d'un communautarisme militant et anti-FN". Cela donne un avant-goût des six prochaines années.
Crédit Photo : Pablo Tupin-Noriega (Wikimedia France)