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coming out« Je dois rappeler ma pansexualité à mon père tous les trois mois » : le difficile coming out pan

Par Adélaïde Tenaglia le 23/09/2020
pansexualité

Pour Léa, Oriane et Marion, mettre le bon mot sur leur orientation sexuelle a été un soulagement. Mais comment assumer pleinement sa pansexualité, quand l’entourage peine à en comprendre la signification ? Témoignages.

C’était comme « trouver chaussure à son pied ». Après plusieurs années de questionnements sur sa sexualité, Léa, désormais étudiante, finit par comprendre au cours de sa classe de première qu’elle est pansexuelle. C’est une libération. Pourtant, elle a mis du temps à assumer ce terme. « J’avais des préjugés sur les pansexuels, alimentés par ce que je lisais sur internet, comme quoi c’était une définition transphobe de la bisexualité ou que c'était juste des 'bi qui n'assumaient pas' », se souvient Léa. Aujourd’hui âgée de 19 ans, elle est fière de dire que quand elle est attirée par une personne « son identité de genre n’est pas un critère qui rentre en compte ». Mais il est difficile de faire comprendre à la société... et à fortiori, à ses parents. 

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Méconnaissance du grand public

Le coming out « pan » doit donc s’accompagner d’une bonne dose de patience et de pédagogie. Car un entourage peu compréhensif sera d’autant plus enclin à nier ou minimiser s’il est persuadé que la pansexualité n’est au fond qu’un autre terme pour désigner la bisexualité, voire une simple invention. Malgré la popularisation de ce terme ces dernières années, notamment grâce à des artistes comme Miley Cyrus ou Christine and the Queens, la pansexualité reste victime de la méconnaissance du grand public.

« Mon père a eu énormément de mal à saisir ce terme quand j’ai fait mon coming out », raconte Oriane, 19 ans. « Je crois qu’il ne comprend toujours pas la différence avec la bisexualité ». Sa mère quant à elle, n’a pas pris la chose au sérieux tout de suite : « elle s'est moquée de moi en disant ‘oh vous, vous avez toujours besoin de vous trouver des nouveaux noms et de créer encore plus de cases, c'est ridicule’ ». Pendant plusieurs années, les parents d’Oriane ont considéré que ce n’était qu’une « phase », qui passerait. Encore aujourd’hui, son père semble oublier régulièrement la signification du mot pansexuel. « Une fois tous les trois ou quatre mois, je parle du fait que je suis pan, et mon père me regarde, interloqué en me demandant ‘pan ?!’ », raconte Oriane. Mais pour l’étudiante en philosophie ce n’est pas une mauvaise chose. Selon elle, son père oublie simplement ce que cela signifie. Elle y voit une preuve de la tolérance de ses parents : son orientation sexuelle à finalement peu d’importance pour eux. 

« Il oublie »

Peu importe donc si elle doit refaire son coming out tous les trimestres, pour rappeler la définition de la pansexualité à son père. Elle en plaisante même sur twitter : « Hâte qu'un jour je me marie avec une fille, et que lorsqu'il m'amènera à l'hôtel et verra ma femme dans sa robe sirène il me regardera en mode ‘une fille ?’ parce qu'il aura ENCORE oublié », écrit-elle. Elle s’amuse même des jeux de mots de son père sur son orientation sexuelle. Dans un tweet elle raconte : « je pourrais avoir un père intolérant mais à la place j’ai le droit tous les trois mois à ‘du coup t'es pan, mais plutôt paon qui fait la roue ou plutôt flûte de pan ?’ et après il rit pendant 20 minutes (et il oublie) »

« Je sais qu'il est d'une génération où il n'y avait pas tout ça, il vient d'une famille assez fermée », l’excuse Oriane. « Pourtant il fait preuve d'énormément d'ouverture d'esprit, alors si je dois lui expliquer plusieurs fois la même chose ça ne me dérange pas du tout, maintenant il est beaucoup plus au courant et toujours dans l’acceptation », se réjouit-elle. Avant d’ajouter « mais je pense que les jeux de mots avec ‘pan’ vont continuer ». 

 

Réactions négatives

Marion, elle, préfère ne pas en parler à sa famille. Elle n’a pas peur d’une mauvaise réaction, « ma famille n'est pas homophobe », assure-t-elle. « Mais je n'ai eu qu'une seule relation jusqu'à présent, et c’est avec un homme. Ils risqueraient de ne pas comprendre ». L’étudiante de 21 ans redoute de se voir rétorquer qu’il s’agit d’un effet de mode. « Et je n'ai pas l'énergie de me lancer dans de grandes explications ». Car définir la pansexualité sous-entend que la personne en face accepte l’idée qu’il n’existe pas qu’un genre masculin et un genre féminin. « C'est là qu'on atteint les limites », estime Marion.

N’ayant jamais d’autres relations qu’avec qu’un homme, l’étudiante a déjà été confrontée à des réflexions du type « comment tu peux savoir que tu es pansexuelle, si tu n’as jamais été avec une femme ? ». « Mais on ne demande jamais à des hétéros comment ils ont su qu'ils étaient hétéros, s’énerve-telle. « On ne leur dit jamais ‘comment tu peux dire ça si tu n'as jamais été avec quelqu’un du même genre que toi’, par exemple ». Elle choisit donc avec attention les personnes à qui elle parle de son orientation sexuelle, pour se protéger des réactions négatives. 

Devoir se justifier même au sein de la communauté

Mais contre tout attente, celles-ci peuvent également venir de personnes issues de la communauté LGBT+. « Il y a des débats incessants  sur les réseaux sociaux où l’on accuse les pansexuels de transphobie », soupire Marion. Ces débats mêmes qui avaient empêché Léa de se définir comme pansexuelle dans un premier temps, avant qu’elle ne comprenne que cela venait en réalité d’une mauvaise définition de la pansexualité.

Ce sentiment de devoir se justifier en permanence, même au sein de sa propre communauté, « est usant », confie Marion. Mais heureusement, sur sa route elle a également croisé des allié.e.s. Notamment sa soeur, seule personne de la famille à connaître son orientation sexuelle : « Elle est plus jeune que moi est dotée d’une grande ouverture d’esprit ». Mais aussi son compagnon actuel, un homme hétérosexuel, qui ne connaissait pas l’existence de la pansexualité avant de rencontrer Marion. Avec lui aussi, elle a dû se montrer pédagogue dans un premier temps. « Il a d'abord posé l'habituelle question : ‘mais ça veut dire que tu as deux fois plus de chance de tomber amoureuse de quelqu'un d'autre que moi ?’ Je lui ai donc expliqué qu'être pansexuelle ne signifiait pas être plus infidèle qu'une autre sexualité ». Puis il s’est montré ouvert et compréhensif. « Il a beaucoup appris et depuis ce jour il n'a jamais eu de mot négatif ou intrusif », se réjouit-elle.