cinémaChemsex, parents, coming out... Dans l'oeil de Ricky Mastro, trop méconnu cinéaste queer

Par Elisa Hendrickx le 04/11/2020
Ricky Mastro

Ricky Mastro sort 7 minutes, son premier long-métrage. Le réalisateur brésilien, connu des cinéphiles queers, part à la rencontre d'un père, dont le fils, gay, est mort d'une overdose. Un portrait touchant sur la communauté LGBT+, comme il en a le secret.

Dans 7 minutes, le dernier né de Ricky Mastro, le film s’ouvre sur une scène de sexe dans une chambre d’hôtel entre deux jeunes garçons. Sous l’œil de Kevin déjà nu, Maxime prépare un mélange de cocaïne et de GHB. C'est ce cocktail, mortel s'il est mal dosé, qui emportera l'un des personnages du film, comme il a emporté l'un des amis de son réalisateur. « Eux aussi étaient deux dans une chambre d’hôtel. C’est une réalité épidémique pratiquée par la communauté gay ». Pourtant, le réalisateur l’assure : 7 minutes n’a pas vocation d’être un film sur le chemsex.

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Car au delà de la pratique du chemsex, et loin de tout jugement moral, le film dépeint avec justesse la volonté et la difficulté d’un père à rationaliser la disparition de son fils, Maxime. « Tu as vu le Roi lion ? » lance le réalisateur, enjoué. « Mufasa explique à Simba que perdre un parent c’est le cycle de la vie ». Dans 7 minutes, la perte de l’enfant déboussole, elle est « anaturelle » comme la qualifie Ricky Mastro. Le cycle de la vie est fracturé. Petit à petit, le deuil du père se mue en désir de pénétrer l’univers dans lequel son fils évoluait, de le comprendre. Une vie bercée entre les nuits endiablées au club Bisou et les prises régulières de stupéfiants, « au fond, nous ne connaissons jamais entièrement quelqu’un » analyse le réalisateur.

Chemsex, parents, coming out... Dans l'oeil de Ricky Mastro, trop méconnu cinéaste queer
Le duo Maxime (Valentin Malguy) et Kévin (Paul Arvenne).

La lucarne parentale

Ce n’est pas la première fois que Ricky aime donner à voir le regard d’un parent sur les désirs et les secrets les plus profonds de son enfant. Dans le film éponyme Xavier, le petit Xavier se meut sous le regard attentif d’un père, en constant équilibre entre présence et retenue. Cet œil, doux et bienveillant, c’est aussi celui sous lequel a grandi le réalisateur « Avec mes parents, tous deux médecins, il n’y avait aucun tabou, encore moins sur la sexualité ». C'est peut-être pour cela que la bienveillance du regard parental, est souvent exploré, fouillé et décortiqué par Ricky Mastro.

Une bienveillance qui point même chez ses personnages les plus difficiles. Dans son court métrage La plus forte, une mère en proie au déni le plus complet refuse l’homosexualité de son fils et ce, jusqu'à la mort de ce dernier. Mais par un jeu subtil de mise en scène, on comprend, à la fin, qu'elle aussi a fini par accepter.

Chemsex, parents, coming out... Dans l'oeil de Ricky Mastro, trop méconnu cinéaste queer
Dans le regard du père (Antoine Herbez).

« Entièrement libre »

Si le cinéma commence à s'emparer des sujets LGBT+, avec plus ou moins de réussite, Ricky Mastro,  profite de son indépendance et de son identité de personne concernée pour élargir le champs sur le vécu des personnes LGBT+. Du balbutiement avec les premiers émois de Xavier à la sénescence de Cinco Minutos qui dépeint l'adieu déchirant d'un amour lesbien séparé par la vieillesse, de l’homosexualité dans 7 minutes au transgenderisme de Divina Nubia dans le film documentaire Um dia na vida de uma estrela... Le réalisateur met un point d'honneur à ce que sa liberté serve à raconter la vie de ceux qui n'ont pas la parole. Comme il le dit lui-même « c’est mon boulot de raconter des histoires importantes pour la société." 

Plus jeune, il tourne ses premiers films au Brésil alors que « la politique s’y prêtait encore ». Et rencontre depuis un joli succès d'estime. Pour preuve, en 2014, il fait partie du jury de la Queer Palm, une récompense LGBT décernée depuis 2010 lors du Festival de Cannes. Aujourd’hui installé à Toulouse, il se dit « chanceux » de pouvoir tourner en France, « un pays où le cinéma LGBT est soutenu » et où les « garçons sont beaux » lance t-il dans un éclat de rire. Difficile de lui donner tort.

 

7 minutes de Ricky Mastro, 14 projections à partir du 27 janvier au cinéma Saint-André des Arts à Paris.

7 MINUTES TEASER - ENG SUBTITLES from Ricky Mastro on Vimeo.

 

Cet article a été réalisé par un.e étudiant.e en journalisme, en partenariat avec le Centre de Formation Professionnelle des journalistes.