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interviewMathieu & Alexandre de "L'amour est dans le pré" : "On s'en est pris plein la gueule"

Ils sont sur leur petit nuage et on les comprend. Grâce à la quinzième saison de L'amour est dans le pré, Mathieu et Alexandre se sont trouvés sans plus jamais se lâcher. L'un a 44 ans et élève des taureaux en Camargue, l'autre a 24 ans et est en pleine reconversion professionnelle. Au premier regard…

Crédit photos : Cécile Rogue/M6

Ils sont sur leur petit nuage et on les comprend. Grâce à la quinzième saison de L'amour est dans le pré, Mathieu et Alexandre se sont trouvés sans plus jamais se lâcher. L'un a 44 ans et élève des taureaux en Camargue, l'autre a 24 ans et est en pleine reconversion professionnelle. Au premier regard échangé, match instantané. L'alchimie est si présente que les deux tourtereaux ont achevé leur folle aventure en beauté, soit en se passant la bague au doigt. Une séquence vibrante qui n'a pas manqué d'émouvoir les internautes, dont de nombreux membres de la communauté gay ravis d'avoir enfin une digne représentation sur une chaîne publique.

Mais que les caméras tournent ou non, le parcours du nouveau couple n'aura pas été de tout repos. Pour TÊTU, Mathieu et Alexandre reviennent sur l'importance de leur baiser langoureux dans une telle émission, sur les messages pas toujours courtois auxquels ils ont dû faire face mais, aussi, sur leurs multiples projets d'avenir.

Comment ont été ces derniers mois passés ensemble après le tournage ?

Mathieu : On a pu officialiser notre relation sur les réseaux il y a seulement quinze jours et ça commençait à être long. Avant tout, on a un peu le cafard parce que notre aventure télévisuelle s'arrête. Pendant trois mois, chaque lundi, on revoyait notre rencontre depuis le début. Mais d'un autre côté, on est très heureux parce qu'on peut enfin assumer notre relation, en parler, faire taire toutes les mauvaises qui n'ont pas arrêté de colporter des rumeurs sur nous.

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Mathieu, c'est un sacré pari que tu as fait en t'inscrivant à l'émission. Chercher l'amour devant des caméras et la France entière, il fallait oser… 

Mathieu : Quand tu t'inscris, tu ne penses pas forcément à tout ça. Parce que c'est très loin. Tu jettes une bouteille à la mer et tu te dis qu'il y a très peu de chances que ça aboutisse. Une fois que ça commence à se concrétiser, tu y penses mais tu ne te rends compte de l'ampleur de la chose qu'au moment de la diffusion. Outre le fait que ça ait changé nos vies, on est rentrés dans la maison de plein de gens et on a reçu beaucoup de messages de gays qui avaient fait leur coming out ces trois derniers mois.

C'est génial ça !

Mathieu : Totalement, ça leur a donné du courage. M6 a aussi fait part d'un courage télévisuel de mettre en prime-time la séquence où on s'est roulé un patin sur la plage. Après ce moment, on a reçu des insultes, des menaces de mort… Mais je pense qu'on a contribué à banaliser quelque chose. On a vu deux garçons s'embrasser. Certains ont dû se dire que si on l'avait fait devant 4 millions de personnes, alors ils pouvaient parler de leur homosexualité à leurs parents.

Aviez-vous pensé à cette idée de représentation pour la communauté gay avant de faire l'émission ?

Mathieu : Pas du tout. En fait, tu t'en rends compte au fur et à mesure de la diffusion. Et heureusement qu'on est bien encadrés par l'équipe de production parce que tu peux exploser en vol. C'est une évidence. Quand on commence les tournages, on est complètement dans notre bulle. Les caméras ne sont que secondaires. Peut-être que pour mes camarades dans l'émission, c'est différent parce qu'ils ne sont peut-être pas tombés amoureux. Au moment où la diffusion commence, c'est là qu'on se rend compte de l'aspect sociétal des choses.

Alexandre : Après, on n'est pas non plus des militants, des fervents défenseurs de la cause. Mais ça nous fait juste du bien de voir que les choses évoluent et que les gens ont le courage de s'exprimer grâce à nous.

Alexandre, tu as mentionné une sorte de déclic en ayant vu la vidéo de présentation de Mathieu avant le tournage de l'émission. Qu'est-ce qui t'a attiré chez Mathieu et est-ce que ce sont des qualités que tu as su retrouver chez lui après la rencontre ?

Alexandre : Déjà, il y a le physique : il faut dire que Mathieu est très beau. Puis, toute sa personnalité. Le fait qu'il aille toujours de l'avant, que ce soit un bon vivant et qu'il ne se laisse pas abattre malgré tout ce qu'il a enduré. Je me suis retrouvé un peu là-dedans.

Aviez-vous donné une chance aux applis de rencontres avant de décider de rejoindre l'émission ?

Mathieu : Oui, bien évidemment.  On était sur Grindr, sur Hornet… On n'est pas non plus des saintes-nitouches [rires]. Mais je trouve ça tellement plus original de faire un dating champêtre, c'est beaucoup plus romantique et on en mesure tous les jours la chance. J'avais l'impression d'être retourné au XIXème siècle. On se fait la cour, on s'envoie des lettres. Aussi, on a la chance d'être dans la minorité sur Terre à pouvoir regarder notre propre idylle parce qu'elle a été filmée. C'est extraordinaire de se voir tomber amoureux.

Pensez-vous que l'émission vous aura permis de prendre le temps de vous connaître à une époque où on ne prend peut-être plus assez le temps de s'investir ? Comme un retour aux sources ?

Alexandre : Bien évidemment !

Mathieu : Le romantisme qui entoure cette rencontre via les caméras, le processus de lettres, fait qu'on avait tout pour vivre un début d'histoire formidable. Et tout est démultiplié pendant le tournage. Sur les réseaux, les gens ne comprennent pas pourquoi Jérôme et Lucile se disent "je t'aime" au bout de trois jours. Le programme est tellement intense qu'on est capable de dire "je t'aime" et, en plus, de le ressentir au bout de deux jours.

Alexandre : Il faut le vivre pour le croire. C'est l'alchimie, c'est le fait de ne pas pouvoir repartir en arrière. On n'a pas à se cacher derrière des écrans, c'est une vérité directe. C'est un contexte, tout simplement.

Quelle image aviez-vous de l'émission avant d'y participer ?

Mathieu : Moi, je suis fan depuis la deuxième saison. Je l'ai regardé pendant des années avec ma mère.

Alexandre : Je ne regardais pas, j'en avais entendu parler mais ce n'est pas un programme sur lequel je me suis beaucoup penché. J'ai juste vu le portrait de trois minutes de Mathieu sur Facebook et c'est ce qui a fait que j'ai voulu lui écrire.

Vous venez tous les deux de milieux qu'on n'imagine pas forcément très friendly pour les homos : l'élevage pour Mathieu, l'équitation pour Alexandre. Est-ce que ce sont des milieux aussi fermés d'esprit que ce que l'on imagine ?

Mathieu : Je vois qu'il commence à y avoir des changements. Le monde de l'agriculture et de l'élevage, c'est un milieu très macho. On y vit en huis clos. Et l'homosexualité, c'est quelque chose qui n'est pas encore dans le quotidien de tous ces gens-là. Par contre, c'est un milieu où il y a beaucoup d'amour. Il y a des liens incroyables. Et je me tue à dire que là où il y a de l'amour, il y a de l'acceptation. C'est ce que je dis aux jeunes agriculteurs qui me contactent : vous en avez l'impression mais ils ne vous jetteront jamais dehors pour ce que vous êtes. Il y a une vraie culture de l'amour.

Alexandre : Dans le milieu de l'équitation, ça peut aller mais c'est plus compliqué dans celui des courses où il a du vrai machisme. C'est beaucoup de non-dits : ça se cache, il ne faut pas que ça se sache. Il y a des homosexuels, bien entendu. Mais en cinq ans, je n'en ai connu que deux qui soient ouvertement gays. Pour ma part, dès que je suis arrivé dans une écurie, je ne l'ai pas caché, que ça plaise ou non. Je n'ai jamais eu de problèmes au boulot en tout cas.

Comment se sont passés vos coming out respectifs ?

Mathieu : Moi, ça date, c'était il y a 25 ans. J'étais avec une copine depuis deux ans. On devait partir en boîte avec ma mère et ma sœur mais les deux n'ont finalement pas envie de sortir. Donc je pars tout seul et là-bas, j'embrasse un mec. Et je me dis "c'est ça". Le lendemain matin, j'ai appelé ma copine pour lui dire que je la quittais. À midi, je mangeais avec ma mère pour lui dire que j'étais homosexuel. À 14 heures, je partais chez ma grand-mère à Grenoble pour lui partager la nouvelle et à 19 heures, j'étais chez mon père pour lui annoncer aussi. Et à 1h du matin, je suis retourné dans cette même boîte et j'ai dit aux gens que j'avais rencontrés la veille que j'avais fait mon coming out. Ils m'ont tous regardé avec des yeux… En gros, ça a été très rapide pour moi.

Alexandre : Pour moi, ça a été plus facile du côté de ma mère. Je lui ai dit que je préférais les garçons. Elle le savait de toute manière. Elle m'a dit qu'elle me préférait heureux avec un garçon que triste avec une fille. Il faut dire que ma mère était très ouverte d'esprit vu qu'elle était bie. Pour mon père, ça a été un peu plus compliqué parce que c'est vraiment le mec macho. On ne s'est pas parlés pendant un an environ et je pense qu'il a ensuite regretté les paroles et les gestes qu'il a eus. Il est revenu vers moi et j'ai accepté. Depuis, il adore Mathieu.

Mathieu : On est allés manger chez lui l'autre jour. Pendant qu'Alex était aux toilettes, son père a pleuré en me disant qu'il espérait que je ne quitterais jamais son fils parce qu'il ne l'avait jamais vu aussi épanoui qu'aujourd'hui. C'est génial.

Aviez-vous peur des commentaires et des messages négatifs, voire potentiellement homophobes, à votre égard durant la diffusion de l'émission ?

Mathieu : On s'attendait à une homophobie et on l'a eue. Jusqu'au baiser, c'était quand même tolérable. Par la suite, ça a été de vraies menaces bien explicites. Là, ça s'est un petit peu calmé. Il y a quand même une majorité de personnes bienveillantes mais j'ai quand même dit à la production de s'assurer de la solidité psychologique du prochain candidat homosexuel si ça venait à arriver. Il faut être armé parce qu'on en prend plein la gueule. C'est pas évident.

Et on en prend plein la gueule aussi de la par du milieu gay. C'est beaucoup de remarques sur la différence d'âge, sur le pognon. Ils ne comprendraient pas qu'un petit jeune soit avec un vieux simplement pour sa richesse intérieure : il faut forcément qu'il y ait de l'argent derrière. On a déjà des combats à mener face à l'homophobie :  si on doit en plus se battre entre nous, on n'est pas sortis de l'auberge.

Avez-vous quand même l'impression d'appartenir pleinement à la communauté LGBTQ+ ?

Mathieu : Oui. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas militants qu'on n'y appartient pas.

Alexandre : Pour ma part, non ! Avant, oui. Maintenant, je ne m'y reconnais plus trop.

Mathieu : Après, la communauté LGBTQ+ est très vaste. Tu as des drag-queens, des personnes trans, des agriculteurs… C'est juste une communauté sexuelle, donc bien sûr que je m'y reconnais. Mais il y a beaucoup de différences par contre. Beaucoup de communautés au sein même de cette communauté.

Malgré les messages de haine, vous avez aussi reçu énormément de messages positifs, de la part de la communauté mais pas que.

Mathieu : On était chez Jérôme et Lucile ce week-end et une dame vient nous voir. Elle nous a dit que son père homophobe avait suivi tout notre parcours en disant que c'était une autre vision de l'homosexualité. On a touché des hétéros un peu borderline. On a peut-être tempéré les idées reçues et donné une nouvelle vision des homosexuels. Il y en a beaucoup comme Alexandre et moi. Il y a tellement de couples homos comme nous qui nous écrivent. Je remercie aussi M6 d'avoir montré qui on était vraiment sans chercher à faire du buzz.

À quel point la production était-elle présente pour vous coacher, pour vous accompagner ?

Mathieu : Pendant les tournages, on est assez libres. Pendant la diffusion, on est très bien entourés. Il y a un gros service après-vente. Déjà, au début de l'aventure, il y a une psychologue qui nous suit et qui rencontre tous les prétendants avant que je ne les rencontre. Je sais que je lui ai demandé à deux reprises de m'appeler. Pas parce qu'on se perd mais disons qu'il y a des aspects de la notoriété qui peuvent être grisants. Le but, c'est de trouver l'amour et on peut parfois dévier. Elle nous recadre alors gentiment.

Quels sont vos plans pour les mois, voire années à venir ? En plus du mariage, bien sûr.

Mathieu : La priorité, c'est de trouver une maison pour se rapprocher de notre élevage de chevaux et de taureaux. Il faut aussi restructurer le commercial parce qu'on se prépare à accueillir plus de monde. Puis, il y a le mariage à préparer. Et en ligne de mire, il y a le camping-car et l'enfant. Alex est inapte à cause de son accident, donc il va se trouver une formation dans l'immobilier.

Alexandre : J'ai hâte. Je n'en peux plus. Depuis août, je ne travaille pas et ça commence à peser.

Mathieu : Moi aussi, je me languis qu'il aille travailler parce qu'il me casse les bonbons [rires].

Alexandre : Figure-toi qu'on est H24 ensemble depuis le 2 juillet. Mais tout se passe bien pour le moment.

Par Florian Ques le 15/12/2020