Mieux vaut tard que jamais : en 2020 aux États-Unis, les indémodables téléfilms de Noël apprennent enfin l'existence de personnages non-hétéros. Mais cela change-t-il vraiment la recette de ces comédies festives ? Pas tout à fait.
La magie de Noël, c'est le chocolat chaud près de la cheminée. Le petit train électrique au pied du sapin. Les centres commerciaux qui bombardent "All I Want For Christmas Is You" à longueur de journée. Mais c'est, aussi, les téléfilms sirupeux diffusés et rediffusés jusqu'à overdose sur les chaînes de la TNT. Et de l'autre côté de l'Atlantique, c'est la même rengaine. À une subtile différence près : cette année, ces longs-métrages à budget serré ont décidé d'inclure des personnages LGBTQ+. Une grande première.
Un Noël arc-en-ciel
Les festivités ont démarré avec Happiest Season qui, précisons-le, n'est pas un téléfilm de Noël à proprement parler. Un temps prévue pour les salles obscures, cette rom-com est finalement sortie sur la plateforme de streaming Hulu – et elle est disponible en achat digital dès ce jeudi 17 décembre en France. Niveau pitch, le film raconte comment Abby (jouée par Kristen Stewart) passe des vacances un peu gênantes avec sa belle-famille. Pourquoi ? Tout simplement parce que sa girlfriend, Harper (Mackenzie Davis), n'a pas encore fait son coming out, la mettant dans une situation délicate et parfois désopilante.
Dans The Christmas Setup, Fran Drescher (oui, l'inoubliable "nounou d'enfer") interprète une maman poule qui force le destin pour pousser son fils dans les bras d'un gendre idéal. Du côté de Dashing in December, un businessman retourne dans sa ville natale pour les fêtes et finit par s'amouracher d'un cow-boy altruiste trop beau pour être vrai. Enfin, dans le cas de The Christmas House, un couple gay profite tant bien que mal de leurs vacances en espérant que leur processus d'adoption soit enfin finalisé.
Rendez-vous en terres hétéros
Autrement dit, en 2020, les protagonistes queers ont aussi droit à la magie de Noël. Bien qu'ils soient de qualité variable aussi bien en termes de réalisation que d'acting, ces différents longs-métrages ont le mérite de faire avancer les choses. Tout du moins, en surface. Car si les tourtereaux au cœur de l'intrigue ne sont plus un homme et une femme, les rouages narratifs demeurent inchangés. Ces comédies romantiques misent en grande partie sur le conflit (l'idée de mondes qui s'opposent est persistante), sur le quiproquo, sur le dilemme. Presque inhérente au genre, la dimension théâtrale est ici une valeur sûre.
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Les esprits les plus cyniques feraient remarquer que ces films, aussi queers puissent-ils être sur le papier, renforcent une certaine hétéronormativité. Ils valorisent une vision du couple monogame et exclusif, orienté vers le mariage et les enfants. Un idéal réaliste auquel beaucoup de personnes LGBTQ+ aspirent et ce n'est pas un problème. Le fait est que ces longs-métrages ne montrent qu'une seule et unique perception. Dans cette même optique, ces œuvres mettent aussi sur un piédestal les liens du sang, là où une rom-com de Noël pourrait par exemple mettre l'accent sur la famille que l'on choisit, faite d'ami·e·s et d'allié·e·s, comme c'est le cas avec beaucoup de personnes LGBTQ+, toutes générations confondues.
Une avancée symbolique
Mais en réalité, ces reproches pourraient être faits au film de Noël dans son ensemble. Customisable sur la forme mais immuable sur le fond, ce genre cinématographique particulier n'a jamais été synonyme d'avant-gardisme. Les valeurs prônées – famille, amour, bienveillance – sont les mêmes. La morale reste souvent simpliste, avec un dénouement dans la droite lignée des contes de fées de l'enfance. Il y a toujours cette atmosphère rassurante, supposément car ces longs-métrages s'inscrivent dans un contexte plus global qui est, pour beaucoup, symbole de réconfort et de chaleur. Facile mais toujours efficace.
Existe-t-il alors une réelle plus-value à ce que ces films de Noël deviennent plus queers ? Sur le plan de l'humour, en un sens, oui. Dans le cas de The Christmas Setup, quelques vannes ne fonctionnent que chez un public averti. Et par averti, on veut surtout dire gay ou gay-friendly. Et même si le film en question ne mise pas suffisamment sur des blagues référencées, l'initiative est tout de même appréciable.
Au bout du compte, l'existence de ces films de Noël LGBTQ+ s'apparente à un enjeu de visibilité. En dépit de leurs grosses ficelles scénaristiques et de leurs dialogues prémâchés, ils permettent aux personnes queers de réclamer un espace duquel elles ont trop longtemps été écartées. Et de s'approprier ainsi des valeurs positives et des idéaux – fonder une famille, être dans une relation stable et épanouie – qu'on leur a souvent interdits. Ces œuvres prônent l'acceptation, aussi bien par leur intrigue que leur simple existence. Et bien qu'elles ne réinventent pas la roue sur le plan narratif comme esthétique, elles permettent aux LGBTQ+ d'exister dans un monde qui leur était jusqu'alors réfractaire. Mine de rien, c'est un début.
Crédit photos : Sony Pictures Entertainment / Hallmark Channel