À 33 ans, ce joaillier parisien essaie de se faire une place sur les réseaux sociaux avec un but précis : combattre les discriminations dont sont victimes les personnes sourdes et lutter pour une meilleure accessibilité en France.
Être sourd et queer dans notre Hexagone, ça n'est pas chose facile. C'est ce constat amer qui a poussé Adrien Giron à migrer sur Instagram et prendre la parole. Afin d'être compris. D'être entendu. Et, idéalement, d'enclencher une prise de conscience. "Pour moi, être un sourd queer, c'est la volonté de tout foutre en l'air et de changer le monde, nous explique-t-il. Nous ne sommes pas des inadaptés sociaux. C'est la société qui refuse de s'adapter à la diversité. Donc tout ce qu'on a à faire, c'est de continuer à exister, à s'exprimer, à lutter pour justement avoir de la visibilité". Un combat qu'il défend ardemment.
Un parcours singulier
Issu d'une famille d'artistes, Adrien grandit à Blois, dans le Loir-et-Cher. "Je suis sourd de naissance", nous apprend-il d'entrée de jeu. La découverte de sa identité queer se fait, elle, un peu plus tard. Il évoque un rejet des petites voitures, jouet emblématique (et genré) des garçons, qu'il n'hésitait pas à jeter dans les toilettes avant de tirer la chasse d'eau. Au final, il leur préfère les poupées de sa sœur. Mais son véritable éveil est provoqué par un certain boys band des 90's. "J'étais amoureux de Filip des 2be3, avance-t-il. J'aurais donné ma vie pour lui ! Mais il n'a jamais répondu à ma lettre. J'avais 9 ans, j'ai été terrassé".
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Pour son coming out, il aura tout de même attendu quelques années. C'est à l'âge de 16 ans qu'il décide d'aborder la question de son homosexualité avec ses parents, "à table, lors d'une repas de famille". Une étape majeure qui s'est bien déroulée. "Ma mère me signait 'bah enfin Mimi, on le sait depuis que tu es petit', raconte-t-il. Je suis extrêmement fier et heureux d'avoir des parents aussi ouverts". Par la suite, Adrien Giron élit domicile au sein de la capitale, où il débute sa carrière en tant qu'artiste bijoutier.
Un savoir pratique qu'il parvient à associer avec son talent d'illustrateur pour défendre ses valeurs : en effet, Adrien confectionne des bijoux, des pins et autres stickers qui font du bien à la communauté LGBTQ+ comme à la communauté sourde. De par sa propre expérience, il s'est trouvé un combat primordial à mener : la lutte contre l'audisme. Ce néologisme désigne une forme de discrimination bien spécifique dont sont victimes les personnes sourdes. Elle peut se traduire par des préjugés, de l'hostilité, voire un violent rejet. Des travers d'autant plus mis en lumière durant la pandémie de Covid-19.
Une prise de conscience urgente
Avec le port du masque rendu obligatoire, il devient de plus en plus difficile pour les sourd·e·s de comprendre et de se faire comprendre. À son échelle, Adrien Giron reconnaît que les choses ont empiré depuis l'an passé. Et s'il y a bien un détail qui l'a rendu dingue, c'est de voir des internautes de moquer de l'interprète LSF du président Macron durant ses prises de parole télévisées. "Vous savez qu'on se bat pour l'accessibilité et pour ne pas être en décalage quant à l'accès aux infos, explique-t-il. Il faut faire attention avec l'humour, il y a tout un contexte et une culture sourde. En 2020, ce n'est ni le lieu, ni l'endroit".
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Mais comme le montre sa présence sur les réseaux sociaux, Adrien Giron sait être polyvalent et mener d'autres combats de front. Comme, par exemple, sa croisade contre la grossophobie. Entre deux captures d'écran de Sex and the City, son compte Instagram regorge de clichés de lui, dont une kyrielle où il exhibe fièrement son torse velu. Il dénonce "une société où la minceur est valorisée" et assure qu'il faut "arrêter les messages culpabilisants et cesser d'associer obésité et surpoids". Membre de la communauté gay, il reconnaît notamment que cette dernière a un véritable problème avec les personnes grosses.
2021, l'année du changement
Selon lui, une majorité des gays ont tendance à rejeter les hommes en surpoids ou, parfois, à les fétichiser et les objectifier. "J'aime bien les ronds" ou "toi qui as l'air d'aimer la bouffe, tu dois bien sucer" sont des réflexions typiques qu'Adrien a pu entendre. Sur les applis de rencontres, le trentenaire évite d'ailleurs de spécifier qu'il est sourd. "Sur Grindr, j'ai déjà discuté un moment avec des mecs et s'ils souhaitent me rencontrer en réel, je les informais que j'étais sourd, détaille-t-il. Ils m'ont directement bloqué. C'est pour ça que j'ai décidé de ne pas dire ma surdité". Un manque d'acceptation auquel il faut remédier.
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Pour ce faire, Adrien Giron est membre de Mains paillettes, un collectif de personnes sourdes queers et signantes. Créé par le youtubeur et comédien Lucas Wild (aperçu dans Skam France) et l'interprète de LSF Eve Caristan, il œuvre activement contre l'audisme, particulièrement au sein de la communauté LGBTQ+. En guise d'exemple, il se bat pour une meilleure accessibilité en LSF des événements militants queers, en plus de mettre en valeur les enjeux autour de la surdité. 2021 doit être l'année du changement : c'est Adrien qui l'a dit !
Crédit photo : Adrien Giron