violences sexuelles#MeTooGay : quand les internautes brisent le tabou des violences sexuelles dans la communauté gay

Par Antoine Patinet le 22/01/2021
#Metoogay

Sur Twitter, des centaines d'internautes témoignent des agressions et violences sexuelles qu'ils ont subies sous le hashtag #MeTooGay. Une libération de la parole attendue depuis longtemps.

Article mis à jour le 22/01/2021 0 16H57

Depuis jeudi 21 janvier, la parole se libère sur les violences sexuelles dans la communauté gay. Après qu'un internaute a accusé de viol et d'agression sexuelle l'élu parisien Maxime Cochard et son conjoint, Twitter a vu émerger le hashtag #MeTooGay - toujours très haut dans les tendances du réseau social - grâce auquel les internautes témoignent les agressions et violences sexuelles qu'ils ont subies.

Dans le sillage de #MeToo, et plus récemment, #MeTooInceste, des centaines d'hommes y racontent ces fois où leur consentement n'a pas été pris en compte, de l'enfance à l'âge adulte. "J’avais 10 ans, c’était quelqu’un de ma famille que j’idéalisai, en qui j’avais confiance. Je me souviens où et comment comme si c’était hier. C’est la première fois que j’en parle" raconte par exemple cet internaute.  

"C'était mon petit ami"

Les premières fois sont aussi pour beaucoup des personnes qui témoignent des expériences d'agressions sexuelles traumatisantes. "J'ai toujours considéré que ma première fois c'était juste mal passé mais que au moins c'était réglé et que j'avais plus à m'en occuper, En lisant vos témoignages je me rappelle que j'étais pas bien ce soir là, il le savait, il en a profité pour me faire venir chez lui" raconte un tweetos.

Les internautes relatent également de nombreux faits de sexe forcé, de rapport de domination et d'influence d'hommes plus âgés ou en position de pouvoir - ou pouvant dévoiler l'orientation sexuelle des victimes alors qu'elles n'ont pas fait leur coming out. De nombreux témoignages insistent également sur le viol conjugal : "C’était toujours le matin, je ne réagissais pas aux avances dans le lit en espérant qu’il arrête d’insister, je me retournais pour signifier le non, je cédais en faisait le mort pour éviter les disputes, c’était mon petit ami" raconte par exemple cet internaute.

A LIRE AUSSI : Violences conjugales : "On devrait faire beaucoup plus pour l'accompagnement des victimes LGBT+"

"On ne s'amuse plus en fait"

Mais le milieu de la nuit est aussi pointé du doigt, comme lieu où le consentement serait fréquemment ignoré. "Mon #MeTooGay remonte à peu, je connaissais mon partenaire. Il était dans un état second et ignorait tous mes refus, revenant à la charge constamment, insistant, forçant, me disant "mais t'inquiète pas on s'amuse". Bah non on ne s'amusait plus en fait. Pas moi." "Même à 30 ans passés, ce genre d'agression peut exister. A tout âge, sur toute personne, dans toute situation." Les témoignages de viols ou d'agressions sexuelles sur des personnes droguées ou alcoolisées sont également nombreux.

Autre cas fréquemment évoqué : le stealthing, fait de retirer le préservatif sans l'accord de son partenaire. "Difficile de raconter mais c'est, je crois, nécessaire. Alors voilà : la capote a craqué, je lui ai demandé d'arrêter et il n'a pas voulu, j'ai réussi à m'échapper de son appart, sous ses insultes. J'ai couru aux urgences pour un traitement post exposition" raconte cet internaute. 

Réactions politiques

Cette libération de la parole a provoqué une vive émotion dans la communauté gay, et des hommes et des femmes politiques ont témoigné de leur soutien aux victimes, notamment Elisabeth Moreno, ministre de l'Egalité entre les Femmes et les Hommes, en charge de la lutte contre les discriminations.

Dans l'après-midi du 22 janvier, Anne Hidalgo a "salué le courage des victimes qui brisent le silence. La libération de la parole doit faire avancer la lutte contre les violences sexuelles, a-t-elle écrit sur Twitter. Soutien à celles & ceux qui ne peuvent encore mettre de mots sur leur histoire. Je suis à vos côtés."

Les associations LGBT+ ont également apporté leur soutien aux victimes. "Ces personnes doivent être entendues et protégées, a tweeté l'association de lutte contre les LGBTphobies. On vous croit et on vous soutient." 

Depuis #MeToo, beaucoup s'étonnaient de ne pas voir émerger de témoignages sur les violences sexuelles dans la communauté gay. En septembre, le journaliste Matthieu Foucher dans Vice s'interrogeait sur les raisons de ce tabou persistant dans la communauté gay. « Quand on a traversé ce parcours identitaire qui n’est pas si simple qu’on le raconte, même à Paris en 2020, est-ce qu’on n’a pas envie d’arrêter d’exposer sa difficulté ? Il faut de la force pour se positionner comme victime, être réévalué, jugé par les autres. Ça répète beaucoup de choses avec le coming out » jugeait alors Nadège Pierre, psychologue au centre de santé sexuelle le 190.

Dans le sillage de la prise de parole de la victime présumée de Maxime Cochard et de son conjoint - qui nient les faits qui leur sont reprochés et ont annoncé porter plainte pour diffamation - la parole se libère enfin. En espérant que celle-ci conduise à un examen de conscience collectif au sein de la communauté gay.