En alliant animation épurée en rotoscopie et témoignages sensibles, Francisco Bianchi signe une série de courts-métrages innovants qui déconstruisent à leur manière la notion de masculinité.
Souvent érotisé, le corps masculin est rarement observé avec vulnérabilité – et c'est bien dommage. Mais avec son dernier projet en date, Francisco Bianchi compte rectifier le tir. Ces dernières années, l'illustrateur a développé Les garçons bleus, une initiative à la fois artistique et subtilement engagée. Le concept est limpide : un homme se déshabille devant sa caméra. À coups de stylo Bic (évidemment) bleu, il dessine le corps de son modèle par-dessus des captures d'écran de la vidéo enregistrée. Les esquisses sont ensuite scannées, montées et étalonnées, pour donner des courts-métrages ingénieux animés en rotoscopie.
Mais la spécificité de ce projet, c'est sa dimension encore plus intimiste. Car au-delà d'une littérale mise à nu, chaque modèle se livre en fond sonore sur son rapport au corps, sur ses réjouissances, sur ses complexes. Des témoignages authentiques qui soulignent l'existence d'une masculinité aux multiples facettes. "On associe beaucoup la nudité au sexe et il n'y a pas vraiment de raison à ça, dit Francisco Bianchi. Ce que j'ai voulu avec ces illustrations et cette série, c'est normaliser et désexualiser la nudité. Mais voir aussi des corps qui ne sont pas dans les standards, ça m'intéresse beaucoup".
Une démarche au long cours
S'il a d'abord fait appel à des hommes issus de son entourage pour passer devant l'objectif, l'artiste s'est vite tourné vers d'autres méthodes. "On tenait beaucoup à avoir de la diversité et de la représentativité donc on a commencé à chercher des voix qui n'étaient pas celles qu'on entendait déjà dans les médias, explique-t-il. Je me suis donc mis à chercher des modèles sur Instagram". Il a ainsi sélectionné douze profils qui ne se ressemblent pas : Davi, l'homme trans bien dans ses baskets, Jérémie, l'adepte de naturisme, ou encore Naïs, le danseur sensible. Leurs corps diffèrent, tout comme leur perception de ceux-ci.
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Côté coulisses, chaque prise de vue prenait environ une demi-heure, à laquelle il fallait ensuite ajouter une trentaine de minutes de discussion pour la partie audio du projet. "C'est très difficile, voire impossible, de faire le portrait de quelqu'un en une minute, estime Francisco Bianchi. J'ai essayé de trouver une partie intéressante dans chaque entretien, et ça passe aussi par la façon dont le modèle parle, comme il dit les choses. Parce que ça montre clairement des aspects de sa personnalité". Venait ensuite l'étape du dessin : au total, il réalisait environ 540 dessins par épisode, ce qui équivaut à environ 20 dessins par jour. "Dans la vie de tous les jours, je suis vraiment bordélique, confie avec légèreté l'illustrateur. Mais pour ce travail, j'ai dû être organisé, avec d'ailleurs un tableau Excel pour surveiller mon avancée". Des efforts qui ont payé.
Tous les épisodes des Garçons bleus sont disponibles gratuitement sur France.tv Slash juste ici.
Crédit photo : Francisco Bianchi