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histoireJoséphine Baker au Panthéon : entrée d'une héroïne libre et paradoxale

Par Stéphanie Gatignol le 26/11/2021
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Première femme noire et bisexuelle assumée à entrer au Panthéon, lors de la cérémonie de ce 30 novembre 2021, Joséphine Baker avait aussi ses ambiguïtés. Figure d’émancipation, la star du music-hall ne fut pas totalement affranchie des carcans de son temps.  

2 octobre 1925. En programmant La Revue Nègre, le théâtre des Champs-Élysées compte étonner un Tout-Paris nouvellement épris de jazz. Pour ce qui est de la surprise, le public sera servi. Sur scène, soudain, un phénomène d'énergie sensuelle. Mêlant charleston fiévreux, déhanchements et mimiques expressives, la danseuse hypnotise la salle… qui n’a encore rien vu. En guise de tableau final, la voilà lancée dans un show débridé qu’elle exécute seins nus et ceinture de plumes autour de la taille avec son vigoureux partenaire. La chorégraphie est plus que suggestive, des spectateurs exultent, d’autres crient au scandale, on se bat même dans la rue, mais, en une soirée-tollé, une étoile est née. Joséphine Baker, 19 ans, vient d’entrer dans la légende avec une prestation désinhibée et follement libre. Libre, comme le sera sa couche ouverte aux deux sexes, mais pas forcément son rapport à l’homosexualité…

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À l’époque, le public européen ignore encore tout de sa nouvelle coqueluche américaine. Notamment ses deux mariages précoces qu’il ne découvrira qu’en 1976, soit un an après sa mort. Née en 1906 dans la misère d’un ghetto du Missouri, Joséphine Freda Mac Donald a à peine douze ans lorsqu’elle épouse un certain Willie Wells, serveur dans un restaurant. À quinze, elle convole avec William Baker, un temps jockey puis bagagiste. Suivront, en 1937 l’industriel Jean Lion grâce auquel elle devient citoyenne française, puis, en 1947, le chef d’orchestre Jo Bouillon avec lequel elle élèvera les douze enfants adoptifs de sa "tribu arc-en-ciel" au château des Milandes, en Dordogne. 

Le carnet de bal rempli de Joséphine Baker

Dans son carnet de bal, celle qu'on surnomme alors "la Vénus noire" collectionne aussi les amants. De Pepito Abatino, son manager exclusif, à Le Corbusier en passant par Jacques Pills, le futur mari d’Édith Piaf, leur liste est longue comme le bras. Auteur d’une enquête* remarquée sur le personnage, Emmanuel Bonini y mentionne cette confidence de Madame L., la femme du régisseur qui travailla aux Milandes jusqu’en 1947. "Joséphine nous racontait en riant que si tous les hommes avec lesquels elle avait couché avaient pu se donner la main, ils auraient formé une chaîne jusqu’à Sarlat". Sarlat, distante de 8 kilomètres, où on lui connaît aussi une relation avec une coiffeuse. Car la reine du music-hall, qui détestait en tous points les frontières, ne s’est pas privée de goûter aux plaisirs des deux sexes. ...