Ultra-tendance à l'aube des années 2000, l'enseigne américaine de prêt-à-porter Abercrombie & Fitch s'est essoufflée. Un documentaire disponible en streaming sur Netflix retrace la chute inévitable de cet empire de la mode qui faisait de l'exclusion son credo.
Aux États-Unis, de la fin des 1990 au début de ce siècle, il était impossible d'ignorer Abercrombie & Fitch. La marque de prêt-à-porter savait miser sur des campagnes qui attiraient le regard, réunissant de jeunes apollons au sourire enjôleur n'ayant pas peur d'exhiber leur torse ciselé. Mais derrière cette vitrine aguicheuse, élitisme, discrimination à l'embauche et prédation sexuelle vinrent ternir le tableau. C'est précisément ce que décortique White Hot: The Rise & Fall of Abercrombie & Fitch, le documentaire flambant neuf de Netflix, disponible dès maintenant en streaming sur la plateforme.
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Abercrombie, blanc et sexy
Le reportage démarre sur ce que la marque laissait voir en surface. Un style vestimentaire preppy (très "propre sur soi") qui ciblait surtout les ados sportifs et les membres de fraternités. Le tout emballé dans des boutiques à l'esthétique minutieusement élaborée : chaque magasin plaçait à l'accueil de jeunes éphèbes à l'allure de mannequin, dans une ambiance digne d'un nightclub et – petit détail qui fait la différence – un parfum "masculin" musqué conçu sur mesure. En plus de viser une catégorie sociale précise, Abercrombie & Fitch valorisait ainsi par son marketing une vision étroite (et hétéro) de la masculinité et du beau.
De la ligne singulière et excluante de la marque, White Hot fait essentiellement porter la responsabilité à Michael Jeffries, PDG de l'entreprise depuis sa relance fructueuse – la marque existe depuis 1892, bien qu'elle ne se soit pas tout de suite orientée vers le prêt-à-porter – jusqu'à son déclin progressif en 2014. Le documentaire ne manque pas de souligner la dimension homoérotique avec laquelle jouaient fréquemment les campagnes Abercrombie & Fitch, également à travers les fresques murales que l'on pouvait admirer dans plusieurs de ses boutiques. Un aspect que le docu associe aussi à Mike Jeffries, désormais ouvertement homosexuel, et ses goûts en matière d'hommes.
Un modèle révolu
En majeure partie, White Hot explore comment l'enseigne avait fait de la discrimination à peine dissimulée sa marque de fabrique. Les personnes blanches, minces et jugées attirantes pouvaient être en rayon, là où les personnes racisées et peut-être moins dans les standards de beauté de l'époque étaient releguées en arrière-boutique – si elles étaient embauchées. Mais le documentaire évoque aussi les allégations à l'encontre de Bruce Weber, le photographe gay quasiment attitré des campagnes A&F, accusé par un grand nombre de modèles de violences sexuelles.
Plus qu'un documentaire sur une marque et ses engrenages problématiques, White Hot, réalisé par Alison Klayman, s'impose comme une analyse affûtée des secteurs de la mode et du marketing. À bien des niveaux, Abercrombie & Fitch est présentée comme un cas d'école de ce qu'il ne faut pas – ou plus – faire. L'enseigne s'est pris les pieds dans le tapis en voulant ériger l'homme blanc, musclé et sexy comme le cool kid par excellence. Mais aujourd'hui, ce modèle réducteur n'a plus lieu d'être : heureusement, l'inclusivité est devenue tendance !
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Crédit photo : Netflix