cinémaQueer Cannes, épisode 2 : collages féministes et souvenir de Patrice Chéreau

Par Franck Finance-Madureira le 23/05/2022
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Notre chroniqueur cinéma et fondateur de la Queer Palm, Franck Finance-Madureira nous raconte de l'intérieur le festival de Cannes.

Les séances battent leur plein à Cannes et têtu· poursuit sa quête de queer sur la Croisette. De façon inattendue, c’est Sandrine Kiberlain qui a ouvert les festivités dans le dernier opus d’Emmanuel Mouret. La comédienne plus libre que jamais semble s’approprier la langue si particulière du cinéaste dans cette Chronique d’une liaison passagère (Cannes Première) qui lui donne l’occasion d’explorer l’amour lesbien avec une légèreté déconcertante.

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Isabelle Carré campe, elle, une fonctionnaire européenne lesbienne qui retrouve son fils, militant d’extrême gauche (formidable Théodore Pellerin, l’acteur québécois qui monte) dans La Dérive des continents (Quinzaine des Réalisateurs) du Suisse Lionel Baier. Les deux comédiens excellent malgré le côté souvent poussif de cette farce politico-burlesque sur la crise migratoire qui parle des réfugiés sans jamais vraiment leur donner la parole.

Motos et collages féministes

Avec son premier long-métrage, Rodéo (Un Certain Regard), Lola Quivoron suit à la trace son héroïne atypique, une femme folle de cross bitume qui n’imagine sa vie que dans ce milieu à la fois fermé et extrêmement masculin. Malgré quelques faiblesses d’écriture, le film dépeint ce parcours avec une foi immense dans le cinéma et inscrit au fond de nos rétines des images inédites, à la fois dures et sensuelles, de corps vrombissants et de motos indomptables à moins que cela ne soit le contraire. 

Des femmes fortes sont aussi au cœur du documentaire Riposte Féministe, présenté dimanche en séance spéciale. Ce documentaire fait le portrait des fameuses colleuses qui occupent l’espace public pour que chacun·e soit confronté·e, au coin d’une rue et sans prévenir, aux atrocités que vivent depuis trop longtemps les femmes : absurdités liées au système patriarcal, féminicides, violences du quotidien. Le film les suit au plus près dans leurs aventures nocturnes, seaux de colle sous le bras, pour lutter contre la banalisation et le silence. L’ambiance de la projection rappelait les belles heures des premiers combats féministe que racontait Catherine Corsini, présidente cette année du jury de la Queer Palm, dans son film La Belle saison. La force du film est de montrer à quel point le combat se renouvelle, se régénère et de donner la parole à cette génération qui a bien décidé de ne plus de laisser faire. Ces lettres noires peintes sur des feuilles blanches sont le symbole d’un féminisme nouveau, mouvant, inclusif et, plus que jamais, nécessaire. 

À l'école de Chéreau

L’émotion pure s’est invitée dimanche soir lors de la première du nouveau film de Valeria Bruni-Tedeschi, Les Amandiers (Compétition officielle). La cinéaste replonge dans ses années d’apprentissage dans la prestigieuse et foutraque école des Amandiers chapeautée par Patrice Chéreau dans les années 80. L’ambiance de l’époque, les intrigues de troupe, les ombres menaçantes du sida et de la dope, tout concourt à donner au film un souffle puissant et tragique. Avec ce film construit avec précision et profondeur du fil intime de ses souvenirs, Valeria Bruni-Tedeschi tisse une toile d’émotions d’une grande richesse et offre à son alter ego, Nadia Tereszkiewicz, vue récemment dans le génial Babysitter de Monia Chokri, un rôle qui lui permet de montrer l’étendue de son immense talent. Les paris sont pris pour le prix d’interprétation ! 

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Crédit photo : Les Amandiers - Ad Vitam Production – Agat Films et Cie – Bibi Film TV – Arte France Cinéma