Les comédiens Mauro Costa et André Cabral illuminent Feu Follet, film inclassable présenté à la Quinzaine des réalisateurs du dernier Festival de Cannes. Ils se confient à têtu· sur cette expérience.
Quand João Pedro Rodrigues, réalisateur de films gays cultes tels que O Fantasma et Mourir comme un homme, se lâche, ça donne Feu follet, un film d’un peu plus d’une heure qui brasse histoire du Portugal et des problématiques contemporaines (racisme post-colonial, dérèglement climatique, sexualité) sur fond d’humour grinçant et de comédie musicale camp. Au cœur du film, Mauro Costa (Alfredo) et André Cabral (Afonso) sont absolument réjouissants de queeritude.
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Pour Mauro Costa, 22 ans, ce film a été une vraie première expérience professionnelle au cinéma après trois ans d’école d’art dramatique. Pour André Cabral, 32 ans et danseur professionnel qui a commencé par le hip-hop en 2006 et poursuit une carrière qui lui permet de fréquenter les scènes et plateaux de clips, c’est aussi une première expérience comme acteur.
L'histoire du Portugal
"J’étais dans une émission télé qui parlait de sujets de société, se souvient Mauro Costa, et j’interprétais le rôle d’un vendeur séropositif. L’équipe du film a vu cette scène et m’a contacté, j’avoue avoir été très surpris quand ils m’ont parlé d’une comédie ! Alfredo, mon personnage, est mal compris où qu’il aille, il est victime des circonstances, de jugements, de critiques : dans sa famille, ou dans une caserne de pompiers. Le seul moment où il est justement considéré, c’est lors de ses funérailles !".
"Une balade à travers les conventions et la conscience collective."
André Cabral
"Afonso, mon personnage, poursuit André Cabral, est quelqu’un de calme et un peu renfermé qui prend son métier de pompier instructeur très au sérieux mais, au fur et à mesure, certains aspects de sa personnalité font surface mais pas avec n’importe qui ! Ce film, je le décrirais comme une balade à travers les conventions et la conscience collective qui permet de créer un lien entre les générations et invite à repenser de nombreuses perspectives tout en faisant rire."
"C’est basé sur l’histoire réelle du Portugal, reprend Mauro Costa, mais avec des nombreux twists ! C’est le portrait d’une famille très conservatrice confrontée à un monde moderne qu’elle ne comprend pas vraiment parce qu’elle vit dans une bulle. C’est un pur et délicieux chaos intellectuel… Cela ne va pas jusqu’au 'non-sens' mais on reste sur quelque chose de très fantaisiste. C’est vraiment très drôle à faire et cela a plus de sens que la plupart des comédies. Le monde est un endroit de folie et de chaos et c’est fort de retrouver ça dans un film. Parler des pompiers et des incendies rappelle que la situation est très compliquée au Portugal, notamment depuis les grands incendies de 2014 qui ont mis le pays sens dessus dessous. Le système de communication d’urgence incendies ne fonctionne que depuis cette année !"
Sexe et nature
La question de l’environnement est au cœur du film, qui parvient à lier fantasmes sexuels, arbres et forêts. On y cite, dans une scène très drôle, les mots de Greta Thunberg, et on y baise dans la nature dans une scène hot qui n’a rien à envier à L’Inconnu du lac.… Mais le film parvient aussi à brasser d’autres thématiques très actuelles, comme le souligne Mauro Cabral : "Le film parle ouvertement et avec humour des problèmes liés au racisme, à l’homophobie, au passé colonial du pays, c’est très sain sur le fond et très rafraîchissant sur la forme. Cela peut ouvrir les discussions, les échanges sur des sujets graves. On sait bien que le problème c’est l’éducation, c’est la peur de la différence ou l’ignorance, donc tout doit être fait pour parler de ces sujets sans tabou."
La carrière de comédien de Mauro Costa et d’André Cabral est désormais lancée. Le premier a passé l’été à jouer le rôle mythique de Puck dans Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, le second a déjà joué dans un autre film, Nação Valente (Nation vaillante) de Carlos Conceição, présenté en août dernier au festival de Locarno, et qui évoque lui aussi, avec un titre ironique qui reprend des mots de l’hymne national portugais, le passé colonial du pays. Le cinéma portugais n’a pas son égal pour mêler le queer et le politique, et les deux comédiens embrassent avec foi et engagement cette modernité au cœur de Feu follet, le film le plus fou (ou folle) de cette rentrée cinéma…
>> La bande-annonce de Feu Follet :
Crédit photo : Feu Follet | JHR Films