En Égypte, en Irak, au Liban, en Tunisie ou encore en Jordanie, de nombreux témoignages rapportent une utilisation des applis gays de rencontre par la police pour arrêter des homos, alerte Human Rights Watch (HRW), qui appelle à une mobilisation des plateformes concernées.
Après dix jours de détention provisoire en février 2021, Maamoun, un Égyptien gay, est finalement libéré. Ce jeune homme de 24 ans, originaire du Caire, était dans le viseur des forces de l'ordre pour "débauche et activités immorales". Pour lui mettre le grappin dessus, la police lui avait tendu un piège sur Grindr. Malgré des doutes, Maamoun s'est rendu au rendez-vous, où quatre hommes en civil l'ont menotté avant de le faire monter dans un mini-bus, direction le commissariat.
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Ce qui est arrivé à Maamoun n'est malheureusement pas un cas isolé. Dans un rapport intitulé "Toute cette terreur à cause d'une photo", l'ONG Human Rights Watch (HRW) rapporte une vingtaine de cas d'utilisation des applis de rencontre par les forces de l'ordre afin d'y traquer des personnes LGBTQI+, dans plusieurs pays du monde arabe : en Égypte, en Irak, au Liban et en Tunisie, qui criminalisent l'homosexualité, ainsi qu'en Jordanie où les personnes LGBTQI+ ne sont protégés par aucune loi. Les plateformes sont donc d'urgence appelées à protéger davantage leurs utilisateurs.
Des aveux extorqués
"Son accent sonnait faux et forcé. J'ai essayé de lui parler en anglais et je n'ai reçu aucune réponse. Il n'a pas voulu m'envoyer d'autres photos que celui de son profil et a refusé de faire un appel vidéo avec moi", se souvient Maamoun, qui témoigne dans le rapport. En arrivant au point de rendez-vous fixé, il ne le sent plus. Mais alors qu'il commande un Uber pour rentrer chez lui, il est arrêté par un policier et menotté, son téléphone confisqué. Depuis sa cellule insalubre, Maamoun entendra les insultes des policiers qui lui feront signer des aveux indiquant qu'il se livrait régulièrement à des relations homosexuelles en échange d'argent.
Les conditions de détention de Maamoun ont été terribles. Le jeune homme a été placé à l'isolement en raison de sa séropositivité, avant d'être réuni avec 45 criminels avec dans une cellule où il aurait été violé. Si Maamoun a été libéré sans être inculpé, il n'est pas sorti indemne de cette histoire. "J'avais perdu beaucoup de poids parce que je ne mangeais qu'une miche de pain sale par jour et qu'on me refusait mes médicaments contre le VIH. J'ai perdu mon emploi à cause de mon arrestation et je suis toujours au chômage. Je fais constamment des cauchemars relatifs à ce qui m'est arrivé et je ne sors plus de chez moi", détaille-t-il.
HRW en appelle aux plateforme
"Les autorités égyptiennes, irakiennes, jordaniennes, libanaises et tunisiennes ont intégré la technologie dans leur surveillance des personnes LGBT+", alerte Rasha Younes, chercheuse sur les droits LGBT+ à Human Rights Watch. D'autres types d'abus sont mis en évidence dans le rapport, notamment du doxxing, c'est-à-dire la divulgation d'informations intimes, du cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux et des extorsions en ligne, les victimes étant menacées d'outing si elles ne paient pas les sommes réclamées.
Parmi les 90 personnes LGBTQI+ recnontrées par HRW, de nombreux témoins font part de conséquences psychologiques allant parfois jusqu'à la tentative de suicide. L'ONG appelle à une action de la part des plateformes, au premier rang desquelles Facebook et Instagram, Twitter et Grindr. À l'heure où celles-ci créent des versions payantes ouvrant des avantages à leurs abonnés, HRW les exhorte à modérer davantage leurs contenus en langue arabe. L'organisation invite également les plateformes à instaurer un dialogue, lors de l'élaboration de leurs politiques de modération, avec les associations locales de défense des droits des personnes LGBTQI+.
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Crédit photo : illustration, Mohamed el-Shahed/AFP