Abo

magazinePhimosis, quand tu nous tiens

Par Thomas Rietzmann le 29/09/2023
phimosis

[Article à retrouver dans le têtu· de l'automne disponible en kiosques, ou sur abonnement.] Où l’on vous parle de glands qui veulent sortir, de prépuces trop serrés, de pénis jamais décalottés, et de la solution au phimosis.

Avoir un pénis, c’est entretenir un rapport très personnel avec lui. Enfant, je n’avais pas conscience du mien. C’est un soir d’été, en colonie de vacances, que les choses ont changé. Alors que nous nous masturbions avec deux camarades de chambre – car rien ne saurait arrêter les hormones d’ados de 13 ans –, ma bite est devenue subitement le centre de l’attention : "Pourquoi elle est comme ça, la tienne ? Tu t’es jamais décalotté ? Il faut le faire quand t’es petit sinon après ça fait trop mal, m’expliqua l’un d’entre eux. Moi, mon cousin, il l’a fait tard, à 16 ans j’crois, et il a eu trop mal." Ces mots ont longtemps résonné dans ma tête d’hypocondriaque.

À lire aussi : "Je voulais parler d'émotion" : Eddy de Pretto, notre Personnalité de l’année 2023

En érection, les autres pouvaient faire coulisser leur prépuce de haut en bas, dévoilant leur gland à leur aise. Pas moi. Au repos, aucun problème. Mais quand je bandais, ma verge restait bloquée une fois la moitié du gland découvert. La faute à un prépuce, ce repli de peau mobile entourant le gland, trop serré. Le mien était un phimosis dit “incomplet”. Son autre forme, la “complète” empêche la sortie du gland même au repos, d’où peut résulter un inconfort, des problèmes d’hygiène, voire des complications de santé. Dans des cas extrêmes, la miction peut s’avérer difficile, la verge se remplissant d’urine comme un tuyau d’arrosage bouché.

Apeuré, je m’imaginais condamné. L’un de mes camarades de chambre me préconisa de tenter d’y remédier dans un bain chaud : “Mon cousin, c’est comme ça qu’il a fait. Ça dilate la peau, c’est plus facile. Et puis ce sera moins dégueu si tu saignes.” Je ne suivis fort heureusement pas ses conseils, car j’appris plus tard qu’en forçant son ouverture j’aurais pu finir aux urgences avec un paraphimosis, rendant le décalottage “définitif” – le prépuce serre alors la base du gland, risquant de l’asphyxier.

Se tourner vers les professionnels

Pour avoir l’avis d’un professionnel, je suis entré en contact avec Jérémie Gallon, chirurgien urologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris : “En activité hospitalière, nous voyons très peu de phimosis. Ils représentent 1 à 2% des patients.” Le reste est concerné par toutes autres sortes d’afflictions de la verge (frein préputial court, courbures, fracture, dysfonctions érectiles…) mais aussi de l’appareil urinaire.

Dans sa chanson sur les zizis, Pierre Perret évoquait “le gros touffu” et “le grand ridé”, mais pas “le tout coincé”. Et pour cause : selon le site de l’Assurance maladie, on estime que 99% des adolescents peuvent décalotter entièrement leur prépuce. Généralement, le décalottage s’effectue tout seul lorsque l’enfant vit ses premières érections. “Il ne faut rien faire avant 4 ans, avertit Jérémie Gallon. Si une adhérence entre le gland et le prépuce persiste au-delà, on peut tirer doucement sur le prépuce au quotidien. Mais ça ne s’applique pas passé un certain âge.” Pour ma part, j’ai longtemps fait comme si mon problème n’existait pas, me contentant d’être exclusivement passif et veillant à ce qu’on ne s’approche pas trop de mon pénis. J’aurais évidemment pu remédier à ce problème plus tôt en en parlant à mes parents, mais il était inenvisageable pour moi d’aborder ce sujet intime avec eux durant l’adolescence. 

"Je ne voulais pas trop qu’on me touche parce que j’avais peur d’avoir mal. Ça me bloquait niveau cul."

C’est progressivement que je me suis rendu compte de mon phimosis, à l’âge de mes premiers rapports, vers 16 ans, raconte Julien*, qui s’est fait opérer à 23 ans. Je ne voulais pas trop qu’on me touche parce que j’avais peur d’avoir mal. Ça me bloquait niveau cul.” Aujourd’hui, sur internet, des gens partagent leur expérience, s’entraident, et des sites suspicieux vendent même des kits d’écarteurs pour prépuce – “j’ai du mal à voir comment ça pourrait être efficace”, m’informe le docteur Gallon.

Comme un petit col roulé

Moi, j’ai pris rendez-vous avec un urologue à 26 ans, après des années d’errance sexuelle, où l’idée même d’avoir un rapport m’angoissait. D’abord, on m’a prescrit une crème dermocorticoïde qui n’a eu aucun effet. “L’efficacité est rare, aux alentours de 10 %”, m’avait prévenu le médecin. C’est pourquoi les urologues préconisent d’autres recours, comme la plastie de frein ou la posthectomie partielle – “une opération qui conserve un peu de muqueuse, comme un petit col roulé”, m’indique le docteur Gallon. La plastie de Duhamel permet quant à elle l’élargissement du prépuce (“J’aurais tendance à déconseiller cette technique qui donne souvent un aspect inesthétique, en « ailes de Batman »”). Mais chaque cas diffère, et lorsque la situation le requiert, la circoncision s’impose. C’est ce vers quoi je me suis tourné.

Pour ne rien vous cacher, la convalescence fut rude. Il fallait prendre le plus grand soin à nettoyer mon appareil génital malgré les points de suture, m’habituer au contact du gland avec les vêtements, et surtout ne pas me masturber pendant quatre à six semaines. Autant vous dire qu’au moindre rêve érotique impliquant Patrick Fiori, j’étais réveillé d’une douleur à nulle autre pareille : le durcissement de mon pénis tirant sur les fils. Ma première masturbation post-convalescence et la renaissance sexuelle qui a suivi m’ont vite fait oublier tous ces désagréments. Si j’avais su, j’aurais d’ailleurs pris la décision beaucoup plus tôt, faisant fi de mes craintes infondées – la revue scientifique Journal of Urology a révélé que la circoncision n’est pas liée à une perte de sensibilité au niveau du gland sur le long terme, comme on peut l’entendre.

Alors ce papier n’est pas du prosélytisme. Je ne vous dis pas de vous faire circoncire, mais d’écouter votre gland. Ne l’ignorez pas ! Surtout s’il vous dit que votre prépuce l’étouffe. La vie est courte, le destin vous rattrape vite. J’aurais voulu qu’on me donne ce conseil et avoir le courage de passer à l’acte plus tôt. N’hésitez pas à en parler, et répétez après moi : phimosis, tu ne me fais pas peur. 

À lire aussi : Fétichisme : "Les pieds, j'ai besoin que ça sente"

Crédit photo : Science Photo Library via AFP