Dans le docu-fiction La Fin de tout, la caméra de Vincent Dieutre parcourt un Los Angeles sous pandémie, où le réalisateur est parti retrouver un ancien amant. À voir sur Arte jusqu'au 24 décembre.
Cela fait trente ans que Vincent Dieutre, 63 ans, travaille à la création d'une œuvre inspirée de sa vie, et inextricablement liée à l'histoire du monde et des arts. “Quelque part, quelqu'un voyage furieusement vers toi, à une vitesse folle”, murmure le cinéaste dans le documentaire d'auto-fiction La fin de tout (This is the End), disponible en streaming sur arte.tv, sur lequel il applique sa voix chaude, narrative, et nous invite à le suivre à Los Angeles. Il y retrouve Dean, l'un de ses anciens amants, rencontré à New York quarante ans plus tôt.
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Le grand roman américain
La ville, gigantesque, est omniprésente à l'image. La route, tout d'abord, comme celle reliant l'aéroport à la maison de Dean, mais aussi les villas luxueuses du quartier de Hollywood Hills, où les deux hommes apprennent à se retrouver, à réapprivoiser leurs corps. Entrecoupé de scènes tournées dans un théâtre – The End Poetry Lounge, où différentes personnes, parmi lesquelles le comédien Jean-Marc Barr, slament un micro à la main dans la pénombre sur fond d'images de la ville –, La Fin de tout interroge le temps qui sépare et agit sur les êtres, et une époque qui, dans l'esprit de Vincent Dieutre, se veut crépusculaire… mais non sans espoir.
"Tout a pris fin, quelque part dans ces quarante années passées loin de Dean. Ou plutôt, la promesse américaine de mes vingt ans s’est retournée comme un gant, dans la réversibilité indolore de l’ironie, du profit. World Trade Center, Columbine et Orlando, Trump, les opioïdes et les ouragans, toutes les prophéties les plus noires du grand roman américain que je dévorais se sont avérées justes", prononce encore le réalisateur, qui n'en finit pas de filmer les rues depuis la voiture conduite par son amant, faisant de cette Fin de tout une exploration à la fois urbaine et personnelle. De ce monde finissant sur lequel plane la menace d'un séisme (le Big One), Vincent Dieutre tire un film mélancolique où la poésie, si elle acte les méfaits du monde et ses cruautés, porte également en elle une beauté salvatrice sur laquelle rebâtir, après l'effondrement qui vient.
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Crédit photo : Arte