streaming"Escort Boys" : le regard queer et sexy de Ruben Alves sur des gigolos en Camargue

Par Florian Ques le 13/12/2023
"Escort Boys", le 22 décembre 2023 sur Prime Video.

La première série de Ruben Alves, réalisateur du film Miss, sort le 22 décembre en streaming sur Prime Video. L'histoire de quatre potes en galère (Guillaume Labbé, Simon Ehrlacher, Corentin Fila et Thibaut Evrard) qui se lancent dans l’escorting en pleine Camargue.

Photographie : Enzo Tonati pour têtu·

En pleine Camargue, à deux pas des salins, quatre trentenaires enchaînent les pompes, torses nus et chapeaux de cow-boy vissés sur le crâne. Le soleil fait ressortir leurs triceps ; il fait beau, et ils donnent chaud. “Des fesses, un dos, une chute de reins… Il y a plein d’attributs physiques qui sont très beaux, souligne le cinéaste Ruben Alves. Mais le corps ne fait pas tout, c’est comment on le met en valeur. Une morsure de lèvre, un regard appuyé, une main qui se pose… Tout ça peut déjà être hyper sexy.” C’est d’ailleurs le mot d’ordre de sa première série, Escort Boys, disponible à partir du 22 décembre sur Amazon Prime Video (6 épisodes). Trois ans après la sortie de Miss, son long-métrage sur un garçon rêvant d’être couronné Miss France, le réalisateur français signe ici l’adaptation libre de la fiction israélienne Johnny and the Knights of the Galilee.

Guillaume Labbé – aperçu en ex revanchard dans Plan cœur sur Netflix – joue un comédien contraint de retourner dans son Sud natal pour reprendre l’entreprise d’apiculture de son père mort. Ayant besoin d’argent rapidement, il se tourne vers l’escorting et convainc quelques amis de monter un petit business de travail du sexe. D’où tout un tas de scènes de nu. “Avec les sports collectifs que j’ai faits, j’avais l’habitude de me retrouver à poil devant des gens”, raconte l’acteur, ancien rugbyman. De son côté, Simon Ehrlacher, par ailleurs prof de ju-jitsu, regretterait presque de ne pas avoir poussé plus de fonte avant le tournage : “Mais je me suis rappelé que mon personnage bossait dans une ferme, donc je ne devais pas non plus être taillé comme un bodybuilder.”

Zahia, Amanda Lear…

Pas besoin d’avoir une silhouette à la Schwarzy pour susciter le désir. Les jeux d’ombres et de lumières de la mise en scène de Ruben Alves subliment les corps, la peau et les poils de ces bruns ténébreux qui, de beaux, deviennent sexuels, bestiaux. Et si aucun des personnages n’est gay, on décèle un je-ne-sais-quoi d’homoérotique dans la façon dont ils sont observés par le cinéaste gay. Mais parce que se rincer l’œil n’est pas une raison suffisante de regarder Escort Boys, Ruben Alves s’est fait plaisir avec le casting des clientes : on retrouve ainsi une brochette d’alliées, comme l’égérie d’Almodóvar Rossy de Palma, l’actrice et ex-escort Zahia, Amanda Lear ou encore l’Américaine Kelly Rutherford (Melrose Place, Gossip Girl), démarchée lors d’un vernissage parisien où le réalisateur l’a croisée par hasard.

Ruben Alves réalise sa première série, "Escort Boys"

“Je trouvais ça plus subtil d’injecter un peu de fluidité et de queer dans des personnages hétéros sans interroger leur orientation sexuelle.”

Si Escort Boys a tout du soap – coucherie sur le lieu de travail, découverte d’un adultère façon voyeur caché dans les buissons… –, il ne faut pas se laisser berner par l’apparente banalité du format, qui cache une exploration moderne du désir et de la masculinité. “J’avais à cœur de confronter les points de vue et de faire des séquences où les garçons parlent de sexe entre eux sans barrières, détaille le réalisateur et scénariste. Je ne connais aucune série où des hommes discutent aussi librement d’éjaculation précoce ou de problèmes érectiles.” Les conversations que Ruben Alves avait avec ses acteurs ont d’ailleurs participé à donner un ton très naturel au scénario et influé sur le contenu des scènes d’intimité. Dans l’une d’elles, un des escorts se fait pénétrer par une cliente équipée d’un gode-ceinture : “Tu peux être hétéro et avoir du plaisir anal sans que ta sexualité soit remise en question, appuie le réalisateur. J’ai tenu à ces ambivalences. Je trouvais ça plus subtil d’injecter un peu de fluidité et de queer dans des personnages hétéros sans interroger leur orientation sexuelle.”

C’est ainsi qu’au fil de leurs expériences, souvent avec des femmes très au fait de leurs désirs, les gais lurons très hétéros d’Escort Boys s’affranchissent des tabous. Comme le personnage interprété par Simon Ehrlacher, gaillard bourru dont une des clientes est une femme trans. “Je me retrouve énormément dans cette liberté sexuelle, souligne-t-il. Il faut qu’on fasse sauter toutes ces barrières, qu’on casse tous ces codes.” Dans la série, le mâle ne performe pas la virilité, mais teste ses limites, sort de sa zone de confort et ne craint pas de se montrer vulnérable. “Leur sensibilité n’entache en rien leur côté masculin, soutient Ruben Alves. Moi, c’est ce genre de masculinité que j’ai envie de voir.” Une chance, puisque ses acteurs appartiennent à cette vague d’hommes moins coincés dans leur identité et leur hétérosexualité. “Même moi, je trouve beau un corps d’homme bien filmé, confie Guillaume. J’avais assisté au tournage d’une scène avec Simon et je trouvais que son cul, la façon dont il était mis en valeur, c’était sexy. Je trouve ça attirant. On a d’ailleurs blagué plusieurs fois en se disant qu’on allait finir par se choper.” Ça tombe bien, on ne demande que ça.

>> [Vidéo] La bande-annonce d'Escort Boys :

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