cinéma"Marcello Mio" ou les Deneuve-Mastroianni au service d'un gros kiff de cinéaste

Par Franck Finance-Madureira le 22/05/2024
"Marcello Mio", de Christophe Honoré, en compétition officielle au Festival de Cannes

Entre irrévérence et hommage, Christophe Honoré plonge son actrice fétiche, Chiara Mastroianni, dans une crise identitaire sous forme d’autofiction dans laquelle elle prend les traits de son père, monstre du cinéma italien. À la fois burlesque et émouvant, ode au cinéma et à la (re)découverte de soi, Marcello Mio est un ovni délicieux, en compétition officielle au Festival de Cannes 2024…

En plein shooting photo hystéro, plongée dans une fontaine, Chiara Mastroianni rejoue la scène mythique de La Dolce Vita. En rentrant chez elle, l'actrice se confronte dans le miroir à ses traits communs avec son illustre père, héros du film de Federico Fellini. Prise d’un trouble étrange, elle ressent une présence qui agit comme un déclic, un besoin, celui de vivre une nouvelle vie en endossant les habits, le genre, la langue et les attitudes du légendaire Marcello Mastroianni. Exit Chiara, voici Marcello ! 

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Partant de cette situation fantaisiste, Christophe Honoré, qui creuse ici une veine décalée et fantasmagorique déjà entrevue en 2019 dans l’étonnant Chambre 212 ou en 2010 dans Homme au bain avec François Sagat (Chiara Mastroianni était déjà dans ces deux films), raconte ni plus ni moins qu’une crise identitaire spectaculaire et met en scène l’entourage de l’actrice avec humour et mélancolie. 

Un Marcello plus vrai que nature

Tel un drag king, Chiara va créer son alter ego, un Marcello plus vrai que nature (la ressemblance avec son père est plus frappante que jamais) avec costume sobre, perruque courte, petite moustache, et verticalité séduisante. Mais le Marcello de Chiara n’est pas réductible au personnage clownesque que pourrait laisser imaginer ce look à la Chaplin : il devient un pont. À l’image de celui sur lequel elle rencontre Colin (formidable Hugh Skinner, vu dans les séries Fleabag et Little Birds), un jeune militaire britannique en poste à Paris et qui attend chaque soir le retour de son bien-aimé, ce pont-Marcello va devenir sa façon d’être au monde, de se réinventer le temps d’un été.

La comédie se joue avec l’entourage de l’actrice, tous dans leurs propres rôles : ses ex dubitatifs (Benjamin Biolay, le père de ses enfants, et Melvil Poupaud, son amour de jeunesse), ses partenaires professionnels (Nicole Garcia et Fabrice Luchini, plus qu’heureux d’être enfin le meilleur ami du cultissime Marcello Mastroianni !), et bien sûr sa mère, Catherine Deneuve, à la fois hilarante quand son côté terrien relativise les situations et extrêmement touchante quand elle évoque – in situ, lors d’une hilarante visite de l’ancien appartement familial – les souvenirs de sa relation avec le père de Chiara. Avec Marcello Mio, le réalisateur plonge à nouveau dans les méandres de la cinéphilie et ouvre un champ passionnant sur la construction constante et capricieuse de l’identité. 

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Crédit photo : Les Films Pelléas

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