Le film Almamula, du cinéaste argentin Juan Sebastián Torales, ausculte le mal-être d'un jeune garçon gay qui développe une fascination pour un monstre folklorique tapi dans les bois. Un récit en partie autobiographique à découvrir en salles à partir de ce mercredi 7 août.
Tout commence par une agression homophobe. Nino, 12 ans, est traqué par d'autres jeunes de son âge qui finissent par le rouer de coups et l'abandonner, inconscient, à l'arrière d'un pick-up. Il va sans dire que la scène d'exposition d'Almamula, le premier long-métrage de Juan Sebastián Torales, est d'une cruauté qui prend aux tripes. Le reste du film n'est pas moins déstabilisant, alors que la mère du garçon décide de l'envoyer à la campagne pour les vacances d'été afin d'être au calme et de renouer avec sa foi.
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Lors de cette prétendue pause loin de tout harcèlement, les journées de Nino sont rythmées par les leçons de catéchisme et les remarques déplacées venant de sa propre famille. En guise d'échappatoire, il se prend de fascination pour l'Almamula, une figure du folklore argentin. Punie après avoir été violée par son père, cette femme devenue créature malfaisante hanterait la forêt environnante, prête à châtier quiconque s'adonnerait au péché, en premier lieu celui de chair. Convaincu que cet être existe bel et bien, le jeune garçon va essayer d'aller à sa rencontre…
Une horreur multiple
"Enfant, j'étais très attiré par cette légende, j'allais même dans le Monte [le nom de la forêt du film, ndlr] pour la chercher, explique le réalisateur. Je n'ai jamais eu peur de l'Almamula. Alors avec mon film, je voulais écrire ma propre légende et redorer l'image de cette femme mal jugée par Dieu et les habitants de son village. J'ai fait un parallèle avec ma propre histoire, qui est aussi l'histoire de tant d'autres ayant traversé le même chemin."
Sur la forme, Almamula emprunte beaucoup au cinéma horrifique, optant pour une mise en scène anxiogène et un creature design délicieusement flippant que James Wan (Insidious) n'aurait pas boudé. Sur le fond, c'est évidemment une métaphore de nos traumatismes d'enfance, précisément de la honte que la société nous fait ressentir lorsqu'on se découvre homosexuel. "Je me demande souvent ce qui aurait pu se passer si j'avais grandi dans une famille à qui j'aurais pu parler de toutes mes souffrances, reprend Juan Sebastián Torales. L'adolescence est un moment très fragile de notre existence. On a la peur de décevoir, d'être jugé, de ne plus appartenir. Tout prend des proportions démesurées à cet âge si on n'a pas les outils."
Pour le cinéaste, Almamula est le fruit d'une longue psychanalyse qui l'a d'abord aidé à se reconstruire lui-même après une jeunesse en partie similaire à celle de son héros. "Avant d'être agressé physiquement et psychologiquement, j'étais un enfant libre, hyperactif, blagueur, précoce et curieux, retrace-t-il. Après la violence, cet enfant s'est complètement éteint et s'est enfermé dans une bulle noire qui a été mon fil rouge pour le film. Le but est de ressentir tout ce que Nino traverse : la culpabilité, la honte, la révolte. Je voulais plonger le public dans cet univers très particulier et oppressant et qu'il le vive main dans la main avec le protagoniste." Bienvenue dans nos angoisses.
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Crédit photos : Outplay Films