[Interview à lire dans le magazine têtu· du printemps] Quand Lorie Pester a annoncé remonter sur scène pour une tournée anniversaire, on a d'un coup retrouvé la "positive attitude" dont on a grandement besoin en ce moment.
Photographie Kevin Jordan O'Shea pour têtu·
"À 20 ans rien n'est impossible", entonnait Lorie en 2003, alors au sommet de sa notoriété avec son deuxième album, Tendrement. Il semble bien en être de même à 42 ans : sa tournée anniversaire, Lorie Party, est un succès tel que si vous vous pressez, vous trouverez peut-être encore des places pour mai… 2026 ! Lorie Pester, de son nom complet, évoque par son simple prénom toutes les années 2000, les pantalons taille basse et les extensions capillaires ultra raides. C'est aussi 8 millions d'albums vendus, et une tournée en 2004 qui avait rempli cinq Bercy et sept Zénith à Paris. Depuis, notre Britney à nous a continué d'enregistrer des chansons, a accouché d'une fille conçue par PMA, a joué dans plusieurs téléfilms et la série Demain nous appartient, et a témoigné de son endométriose dans un livre, Revivre (éd. Robert laffont)). Mais l'appel de la scène était trop fort, et c'est tant mieux : on n'oublie jamais sa meilleure amie.
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- Les places de ta tournée sont parties si vite qu'il a fallu rajouter une tournée des Zénith dans toute la France. Tu t'attendais à un tel engouement pour ton retour sur scène ?
Pas du tout ! Au début, mon tourneur avait mis des options sur le Trianon et je trouvais déjà ça audacieux. On avait un an pour remplir les dates, je me disais que ça pouvait le faire avec une bonne promo sur les réseaux sociaux et que, dans le pire des cas, on ferait des jeux concours pour offrir les places invendues. (Rires.) Finalement, un tas de gens râlaient parce qu'ils n'avaient pas réussi à avoir de place. C'est dingue !
- Tu as l'impression d'avoir maintenu un vrai lien avec tes fans depuis 25 ans ?
Carrément ! Au début des années 2000, il n'y avait pas encore de réseaux sociaux. J'avais créé un fan-club et une newsletter mensuelle de quatre à six pages, avec des photos de tout ce que j'avais pu faire et des petits textes que j'écrivais. C'était un contact différent car moins immédiat, comme un journal intime que je partageais avec mes fans. J'aimais bien faire ça, je pouvais ainsi montrer l'envers du décor aux gens qui me suivaient. Ça a créé une fidélité.
- C'est pour eux que tu es remontée sur scène ?
Dès que tu as goûté à la scène, c'est comme une drogue : c'est un tel tsunami d'amour, de bienveillance, de fête, de positivité… Bon, je fais ça depuis plus de vingt ans et je flippe toujours avant de paraître devant un public, mais une fois que j'y suis c'est incroyable. Et là, comme c'est une tournée symbolique dont la majeure partie du public est venu à mes concerts d'avant, il y a une pression supplémentaire. Je ne veux pas refaire le même show. Je veux arriver avec quelque chose de nouveau, de surprenant, mais j'ai surtout vraiment envie de faire la fête, comme si c'était mon anniversaire et que j'invitais tous mes potes.
- Ceux qui t'ont vue à l'époque savent qu'en plus du chant, tu donnais tout dans tes concerts : des looks, des chorégraphies… Une vraie bête de scène !
C'est ce que j'aimais en tout cas. Je ne me voyais pas chanter sans danser ou sans tableaux travaillés derrière. Juste rester assise derrière un micro, ça ne m'allait pas, boring ! (Rires.) Des artistes le font très bien et ça fonctionne, mais ce n'est pas moi du tout.
- Tu n'en as pas eu marre qu'on te présente comme la Britney française ?
C'était l'ambition de mon producteur de l'époque, et ça m'allait parfaitement. Britney venait de sortir "Oops!… I Did It Again", que j'adorais, que ce soit la choré, la mélodie pop, les petites couettes… Je n'ai jamais vécu cette comparaison comme une pression. Ça me poussait à bien faire et à aller toujours plus loin, un peu comme elle. J'avais des tenues marquantes, des visuels forts, des danseurs à chaque passage télé… On a tout donné !
- Tu étais l'idole des ados des années 2000 : "Près de moi", "Week-end", "Toute seule"… Quel regard portes-tu aujourd'hui sur ton répertoire ?
C'est rigolo parce qu'une chanson comme "Je serai (ta meilleure amie)", tu peux la prendre au premier degré en te disant que c'est enfantin et superficiel. Aujourd'hui, je la chante en guitare-voix et elle prend un autre sens. Même si elle est faite de mots très simples, j'y découvre une autre profondeur. J'ai 42 ans et l'amitié reste toujours importante. Mes copines, c'est comme mon mec, et je les ai dans ma vie depuis une trentaine d'années.
- Et tu es aussi restée la meilleure amie des gays…
J'ai l'impression d'avoir été soutenue par la communauté LGBTQI+ depuis le début de ma carrière. En tout cas, je m'en suis rendu vraiment compte quand j'ai commencé à évoluer musicalement vers un univers plus électro avec “Je vais vite" et "Play". Et les gays sont toujours là aujourd'hui, je le vois bien ! Il y a une forme de loyauté entre nous. Ça peut m'arriver d'avoir des moments de doute, mais je sais que je peux compter sur eux.
- Tu as conscience d'avoir représenté l'éveil sexuel de bien des jeunes lesbiennes ?
Oui, parce que certaines me l'ont dit frontalement ! (Rires.) J'ai eu droit à des déclarations d'amour de garçons et de filles. Aujourd'hui encore, des mecs m'avouent avoir été amoureux de moi dans les années 2000. Et quelques filles tentent toujours le coup, en mode : "Mais t'es sûre que t'es hétéro ?"
- Et donc, tu es sûre ? Ou est-ce qu'une femme t'a déjà ensorcelée ?
Je ne pense pas avoir déjà été attirée sexuellement par une femme. J'avoue que j'aime bien trop le corps d'un homme…
- Récemment, pour le double EP Hyper Lorie, tu as revisité tes tubes avec de jeunes artistes queers comme Bilal Hassani, Piche, Kalika…
Plusieurs avaient dit dans des interviews avoir mis des posters de moi dans leur chambre d'ado, ou que j'avais été leur premier concert… Et aujourd'hui, c'est moi qui les écoute ! C'est comme ça que j'ai eu l'idée de ressortir mes anciens titres avec la jeune génération. Dans le cas de Piche, j'y ai pensé après avoir vu sa battle dans Drag Race France contre Ginger Bitch sur "Je vais vite". J'ai alors eu la vision de "Je serai (ta meilleure amie)" avec une drag barbue qui y ajouterait un couplet rap. Franchement, c'était le pied ! Je ressors grandie de ces collaborations.
- En 2024, tu as fait une apparition au Pride Comedy Show en plus d'avoir performé dans plusieurs soirées gays. C'est une façon de cimenter ton statut d'alliée ?
Je sais que c'est important. Pendant les Jeux olympiques, j'ai halluciné des messages de haine que Piche, entre autres, a pu recevoir. Les gens qui font ça ne se rendent pas compte qu'ils ont des êtres humains en face d'eux et qu'ils n'engendrent que de la souffrance. J'ai l'impression que l'humanité se perd, notamment sur les réseaux sociaux…
- Tu es nostalgique de l'époque d'avant les réseaux sociaux ?
Disons qu'on ressentait moins de séparation qu'aujourd'hui. À l'époque, si les gens ne t'appréciaient pas, ils n'allaient pas souvent prendre le temps de t'envoyer une lettre papier pour te le dire ! De nos jours, il suffit d'ouvrir une application pour défoncer tout le monde derrière un écran. Bon, là c'est la vieille qui parle ! (Rires.) Quand on a sorti notre collaboration avec Piche, je me rappelle avoir reçu des messages vraiment virulents. Mais fuck ! Si tu n'aimes pas, n'écoute pas, passe ton chemin. Je sais qu'en faisant un duo avec Bilal ou Piche, je ne peux pas plaire à tout le monde, mais je m'en fiche. Je fais ce que je veux.
- Quand on voit l'état du monde en 2025, comment on garde la "positive attitude", comme disait Jean-Pierre Raffarin ?
On se rappelle qu'il y a toujours des belles personnes qui sont peu mises en avant et qui essaient de faire bouger les choses. On se dit aussi qu'il y a une nouvelle génération bruyante et engagée qui veut prendre soin de nous et de notre planète. Tout ça peut prendre du temps, mais il faut défoncer des portes si on ne nous les ouvre pas. Je crois toujours qu'on a besoin d'amour ! (Rires.)
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