Thomas Jolly, Barbara Butch, Nicky Doll… Le parquet de Paris a ouvert plusieurs enquêtes après le cyberharcèlement et les menaces de mort dont ont été victimes des personnalités LGBTQI+ depuis la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024.
La cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 a magnifiquement incarné un universalisme queer. La joie aura toutefois été de courte durée pour les personnes LGBTQI+ qui y ont participé, qui subissent depuis le vendredi 26 juillet les attaques incessantes des homophobes. À tel point que le parquet de Paris vient d'ouvrir une enquête pour menaces de mort après une plainte déposée par les organisateurs de la soirée : son directeur artistique Thomas Jolly, son directeur exécutif Thierry Reboul et Alexandre Billard, directeur général adjoint de l'agence Ubi Bene qui a participé à l'événement.
À lire aussi : Tony Estanguet : "Le sport doit vraiment porter un message d'acceptation"
Le ministère de la Culture s'est dit prêt à se porter partie civile "aux côtés de tous les artistes menacés qui ont participé à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques". Car sur les réseaux sociaux, aiguillonné par des élus d'extrême droite comme l'eurodéputée Marion Maréchal, qui a qualifié la cérémonie de "propagande woke", chaque conservateur y va de son petit commentaire haineux, variant entre homophobie et transphobie, à grand renfort d'émojis scatophiles. Depuis 2018, ce cyberharcèlement en meute est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende (par exemple, en 2022, onze hommes avaient été condamnés pour avoir harcelé Eddy de Pretto).
Thomas Jolly, Barbara Butch, Nicky Doll…
Une enquête pour cyberharcèlement a également été ouverte après une plainte de Thomas Jolly, "cible sur les réseaux sociaux de messages, de menaces et d'injures critiquant son orientation sexuelle et ses origines israéliennes supposées à tort", a précisé le parquet à l'Agence France-Presse (AFP). Matriarche du fameux tableau "Festivité" de la cérémonie, une bacchanale foisonnant d'artistes queers assimilée à tort à une représentation de la Cène, la DJ Barbara Butch n'a pas été ménagée non plus. "J'ai reçu beaucoup de messages grossophobes m'invitant à brûler en enfer dans toutes les langues, des croix gammées", des messages "d'une violence inouïe dans toutes les langues", a-t-elle témoigné sur France Inter. Des investigations ont été lancées le 30 juillet après une plainte pour cyberharcèlement aggravé et menaces de mort.
De son côté, la drag queen Nicky Doll a porté plainte pour diffamation à l'encontre du populiste et ancien acteur britannique Laurence Fox, qui a comparé – auprès de ses 527.000 abonnés – les artistes drag de la cérémonie à des "baiseurs d'enfants" et à des "petits pédophiles déviants". "Ces messages dépassent largement la critique artistique, et véhiculent pour certains des amalgames odieux et diffamants, assimilant performances drag et pédophilie", pointe Me Anne-Sophie Laguens, avocate de la juge de Drag Race France. Le parquet de Paris estime que les faits peuvent "s'analyser en injures publiques à raison de l'identité de genre ou de l'orientation sexuelle".
Le harcèlement de journalistes et athlètes
Tous les comptes des artistes queers ayant participé à la cérémonie sont assaillis de commentaires haineux, mais tous n'ont pas porté plainte à cette heure. "J’ai dépassé le stade d’avoir quelque chose à faire de ces commentaires, a évacué, auprès de nos confrères du Monde, la mannequin trans réunionnaise Raya Martigny qui défilait lors du tableau. On vit dans un climat d’angoisse. Les gens trouveront toujours quelque chose à dire. Nous, les personnes queer, recevons souvent des menaces de mort." La drag queen Piche, révélée par Drag Race France, a décidé de répondre par l'humour : comparée à Chewbacca par l'eurodéputé Rassemblement national Matthieu Valet sur un plateau de CNews, elle a imité sur Instagram le personnage emblématique de Star Wars.
Le harcèlement ne s'est pas arrêté à la cérémonie d'ouverture : le commentateur des épreuves équestres de France Télévisions, Jean-Baptiste Marteau, a lui aussi dénoncé les "insultes et menaces homophobes" qu'il reçoit depuis le début des Jeux, rendant la situation "insupportable". Si le présentateur de France 2 dit être "habitué" à ce type de messages depuis son coming out médiatique en 2018, il juge auprès de Brut que "c'est devenu de plus en plus fort, de plus en plus nombreux, et avec un sentiment d'impunité chez certaines personnes".
En roue libre, le lobby anti-LGBT cible également des athlètes : la boxeuse algérienne cis Imane Khelif fait l'objet d'insultes transphobes en raison de son taux élevé de testostérone. Là encore les commentaires de personnalités du lobby réac, comme la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, l'autrice JK Rowling ou encore le candidat républicain à la présidentielle américaine, Donald Trump, ont nourri son cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Auprès d'Associated Press, Imane Khelif a répondu à ses détracteurs : "Je lance un appel aux peuples du monde pour respecter les principes de la Charte olympique et éviter le harcèlement des athlètes. Ce comportement peut détruire des individus et diviser les peuples."
À lire aussi : "Plus de tabou ni de honte" : Antoine Dupont en une de têtu· contre l'homophobie
Crédit photo : France Télévisions