monde"Elles risquent d'être tuées" : deux militantes LGBT arrêtées en fuyant l'Afghanistan

Par James Gregoire le 23/04/2025
Maeve et Maryam ont été arrêtées en cherchant à quitter l'Afghanistan.

Alors qu'elles allaient embarquer dans l'avion qui devait les emmener loin de l'Afghanistan, deux jeunes femmes queers ont été arrêtées par les talibans à la fin du mois de mars. Emprisonnées par un régime sexiste et LGBTphobe, sans État de droit, elles risquent la peine de mort.

"Nous étions seulement à deux heures d'échapper à nos problèmes mais tout a été ruiné", raconte Parwen Hussaini, dans un mélange de chagrin et de désespoir. En mars, la jeune militante lesbienne a réussi à fuir l'Afghanistan, et se trouve désormais en Iran en attendant qu'un pays non LGBTphobe accepte de l'accueillir. Mais il en va autrement de sa compagne depuis trois ans, Maryam Ravish, 19 ans (au centre sur la photo), ainsi que de son amie et camarade de lutte, Maeve Alcina Pieescu, femme trans de 21 ans (à gauche sur la photo) : elles qui devaient faire le voyage le 20 mars ont été arrêtées à l'aéroport de Kaboul par les talibans, les fondamentalistes religieux qui ont repris le pouvoir en 2021. Accusées de "traite d'êtres humains", elles sont emprisonnées et risquent la peine de mort.

À lire aussi : Géorgie : la loi anti-LGBT promulguée malgré l'opposition de la présidente

Depuis le retour au pouvoir des talibans, les femmes ont à nouveau interdiction de voyager sans un homme de leur famille. "Un jour avant le départ, je suis allée voir les autorités avec mon frère pour obtenir une autorisation de voyage", explique à têtu· Parwen (à droite sur la photo). C'est grâce à ce document que la jeune femme a pu quitter le pays sans tuteur masculin. Malheureusement, la famille de sa compagne, qui avait menacé Parwen de mort, a été beaucoup moins coopérative : son père comptait d'ailleurs la marier de force avec l'un de ses amis.

Arrestation à l'aéroport

Aidée par l'association américaine Roshaniya, qui vient en aide aux LGBTQI+ d'Afghanistan, la jeune femme a fait appel pour Maryam à un passeur qui devait jouer le rôle de son tuteur masculin. Mais au dernier moment, l'intermédiaire l'a abandonnée et a demandé à Maeve de se faire passer pour le cousin de la jeune femme, les talibans ne reconnaissant évidemment pas la transidentité. À l'aéroport, les autorités ont eu des soupçons, ont fouillé son téléphone et y ont découvert son activisme queer ; Maryam et Maeve ne passeront pas.

"En trente secondes, mon monde a changé. Les rêves que j'avais avec Maryam, tous les espoirs qu'on avait, sont partis. Je ne pouvais pas y croire. Je tapais les murs, pensant que ce n'était qu'un cauchemar, mais non", témoigne Parwen. "Je suis dévasté. Ce n'était pas le plan et je ne l'aurais jamais accepté !" s'emporte Nemat Sadat, président de Roshaniya. Avec son association, il avait réussi à réunir les 5.000 dollars nécessaires à l'évacuation des trois jeunes femmes. "Les talibans ont dit à Maeve : « Vous n'êtes pas lié à Maryam, donc pourquoi vous voulez la faire sortir ? Vous êtes un trafiquant d'être humain ! », nous détaille-t-il pour expliquer le chef d'accusation retenu. Leur évacuation était une priorité : Maryam allait être forcée de se marier et aurait été violée régulièrement."

Maryam et Maeve en danger

Le sort des deux militantes est particulièrement préoccupant. "En prison, elles risquent d'être torturées ou même tuées", s'alarme Nemat. Comme lors de leur précédente prise de pouvoir, entre 1996 et 2001, les talibans ont violemment restreint les droits des femmes depuis 2021. Et les personnes LGBTQI+ sont désormais particulièrement visées : la loi de Promotion de la vertu et de Répression du vice interdit spécifiquement l'homosexualité masculine (déjà illégale sous le précédent régime, mais peu poursuivie) mais aussi féminine, ainsi que le sexe anal, y compris hétéro.

Dans cette théocratie totalitaire, nul État de droit : le sort des deux jeunes femmes est entièrement entre les mains des talibans. "Son père est allé en prison et a demandé à rendre visite à Maeve mais ils ne l'ont pas laissé la voir, déplore sa mère. Seul Dieu sait comment elle va. Si quelque chose arrive à mon enfant, je ne serais plus capable de vivre."

Les talibans n'ont donné aucune information sur le sort des jeunes femmes depuis leur arrestation. "La famille de Maryam m'a dit qu'elle a été tellement torturée qu'elle ne peut plus tenir sur ses jambes", rapporte Parwen. Depuis l'Iran, elle se démène pour alerter l'opinion internationale sur leurs cas. "Je ne fais que survivre. Je n'aurais jamais imaginé être loin de Maryam, glisse-t-elle. La seule chose qui me permet de rester forte et optimiste, c'est l'amour que j'ai pour Maryam. Grâce à cet amour, je n'abandonnerai jamais, et un jour je réussirai."

À lire aussi : Iran : "On ne sait pas combien de temps encore on va pouvoir se battre"

Crédit photo : Maeve Alcina Pieescu

monde | Afghanistan | Asie | droits LGBTQI | droits humains | news