cinémaCannes 2025 : avec "Alpha", Julia Ducournau revisite en métaphore l'émergence du sida

Par Florian Ques le 20/05/2025

Déjà auréolée d'une Palme d'or pour Titane en 2021, la réalisatrice Julia Ducournau revient au Festival de Cannes avec un nouveau film, Alpha, fresque familiale prenante qui trouve sa poésie dans une évocation métaphorique des morts du sida.

En seulement deux longs-métrages, Grave en 2016 et Titane qui lui a valu la Palme d'or en 2021, Julia Ducournau a cimenté un ADN cinématographique fort, et reconnaissable : des héroïnes tourmentées, des images surréalistes, des corps malmenés, une affection pour le gore… On retrouve un peu de tout cela dans Alpha, son troisième film, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2025 et au casting quatre étoiles : Golshifteh Farahani, Tahar Rahim, et la révélation Mélissa Boros dans le rôle-titre.

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Alpha, 13 ans, rentre d'une soirée débridée où elle n'aurait pas dû se trouver. Sur son bras gauche, un tatouage réalisé à l'arrache par un inconnu. Quand sa mère s'en aperçoit, elle voit rouge, craignant que sa fille n'ait été contaminée par un dangereux virus, apparu des années plus tôt et qui transforme petit à petit ses victimes en statues de marbre. Chamboulée par la peur qui l'envahit, la jeune maman doit se confronter à son passé et à celui de son frère, Amin, qui avait lui-même contracté la maladie. Quant à Alpha, une crise identitaire commence pour elle…

Un hommage aux victimes du sida

Vous l'aurez compris, le nouveau Ducournau est une exploration de la crise sida. En se déployant sur les décennies 1980 et 1990, le récit retranscrit la peur de cette époque où personne ne sait encore rien et où la panique gagne. À travers une intrigue secondaire mais essentielle, qui concerne le personnage gay incarné par Finnegan Oldfield, Alpha montre d'ailleurs l'impact de ces lourdes années sur la communauté homosexuelle.

Comme un certain Leos Carax, dans Mauvais Sang (1986), Julia Ducournau fait cependant le choix de ne jamais nommer le virus. À l'approche de leur fin, les malades se muent peu à peu en statues, telles des divinités, solides et imperturbables. Comme si, en glissant ainsi vers le fantastique, la réalisatrice tenait à rendre leur dignité aux victimes et à essuyer les dégâts d'un fléau historique. Plus qu'un hommage aux morts du sida, Alpha est une histoire de deuil, celui qu'on repousse et qui nous rattrape au moment où l'on s'y attend le moins.

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Crédit photo : Diaphana Distribution