LP : "En étant qui je suis, j'aide certaines personnes à être qui elles sont"

Par Jérémie Lacroix le 24/10/2016
LP

LP était sur toutes les ondes cet été, cartonnant avec son titre "Lost on you". TÊTU l'a rencontrée à quelques heures de son concert parisien.

LP (produite chez Elektra France) cartonne depuis cet été avec son titre "Lost On You", aux 21 millions de vues sur YouTube. Un immense succès qui en fait presque oublier l'artiste accomplie derrière la chanson. Car LP, pour Laura Pergolizzi, navigue dans le milieu de la musique depuis toujours. Elle a fait ses armes au contact des plus grands - notamment en écrivant des textes pour Rihanna, Christina Aguilera, Rita Ora ou Cher - avant de percer petit à petit grâce à sa propre voix, au timbre impressionnant.
Avant l'interview, les répètes s'éternisent mais sans rancune tellement l'entendre donner de la voix dans une salle encore vide est jouissif. Au-delà de ses textes et de sa voix, c'est son attitude et sa personnalité qui enchantent lorsqu'on la rencontre. Garçon manqué assumé, elle vous regarde de ses yeux pétillants cachés derrière sa tignasse bouclée tandis que son sourire illumine son visage. Nonchalante, drôle et brute, elle nous a reçus dans sa loge avant son premier concert à Paris.
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Peux-tu s'il te plaît te présenter à nos lecteurs français ?

Je suis LP, une chanteuse et compositrice américaine. Je suis clairement lesbienne (rires). Mais je n'ai jamais ressenti le besoin ou l'envie d'en parler outre mesure. Il y a tellement de choses qui se passent en ce moment, tellement de gens qui travaillent pour faire avancer notre cause. Mais, il y a toujours des gens qui en parlent timidement ou qui n'éprouvent pas le besoin d'en parler. Je pense qu'il y a un moment pour tout, qu'il faut attendre son moment comme ça a pu être le cas aux États-Unis avec les émeutes de Stonewell. Le temps était venu. En revanche, il ne faut pas être trop frontal, me semble-t-il, car à vouloir trop pousser les choses ont se heurte à de l'incompréhension, des gens diront « mais ils sont fous » et, au final, on perd des soutiens qu'on aurait pu avoir. C'est mon avis en tout cas et ça explique également en partie pourquoi je n'éprouve pas le besoin d'en parler. Néanmoins, je respecte énormément les gens qui se battent pour leurs idées et qui ont permis de faire avancer nos droits. On ne pourra jamais assez les remercier.

Fais-tu partie des ces artistes ? Penses-tu te battre à travers ta musique ?

Je n'appellerai pas ça « se battre ». Ca y ressemble mais c'est plus un combat subtil. Je suis très têtu (en français), comme tu le disais avant que l'on commence l'interview. Je refuse que mon m'enferme dans certaines représentations même si j'ai dû faire des concessions pour avancer dans la vie. On a tous dû en faire. Mais je pense que c'est principalement en étant qui je suis que j'aide certaines personnes, dans leur représentation, à être qui elles sont.

Tu dis avoir « dû faire des concessions », cela signifie-t-il que tu as dû cacher qui tu étais ?

Oui ! Quand j'étais une petite fille. Je suis impressionné de voir ces jeunes gamins, de 7 ou 8 ans, et qui disent « je veux qu'on dise 'il' ou je veux qu'on dise 'elle' ». Quand j'entends ça je me dis « Yes ! », dieu merci, c'est possible. Notamment, grâce à leurs parents qui sont suffisamment au fait de ces questions là pour savoir que forcer quelqu'un à être ce qu'il n'est pas ne peut que le plonger dans la détresse et mal-être.

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Pour rebondir sur le droit des trans, que suscitent chez toi toutes les lois anti-gay et anti-trans qui ont vu le jour, notamment en Caroline du Nord, après la légalisation du mariage pour les couples de même sexe par la Cour suprême ?

Je pense que dans plus de la moitié des cas, c'est pour des questions religieuses et je n'arrive vraiment pas à le comprendre. Je ne comprends pas comment un couple qui vit dans sa maison avec leurs enfants peuvent se préoccuper de ce que font deux autres personnes dans leur maison à l'autre bout de la rue. Ce qui me dépasse aussi, c'est qu'on puisse utiliser ces questions là dans un agenda politique. C'est ce qui s'est passé lors de la deuxième campagne présidentielle de Bush durant laquelle on a dit que le mariage entre personnes du même sexe allait ruiner l'institution du mariage. Alors que dans certains États du centre du pays, le Parti républicain remporterait 60% des voix quoiqu'il en soit. Alors, sérieusement, ce n'est pas les personnes de même sexe qui vont changer quoique ce soit, encore moins l'institution du mariage. Certains resteront même marié pendant 50 ans (rires). Quand j'étais plus jeune, je voulais être subversive et je me disais « j'en ai rien à foutre de votre putain d'institution » (rires). Mais aujourd'hui, j'ai des amis qui sont ensemble depuis 15 ou 20 ans, et je comprends qu'on puisse avoir envie de sécuriser certaines choses comme pouvoir aller rendre visite à l'hôpital à son conjoint...

Tu as des chansons dans lesquelles tu parles des questions LGBT ?

J'ai une chanson qui s'appelle « Free To love » et qui revendique le droit de se marier. A part ça, pas tellement. Après, je ne suis pas « gender neutral » dans mes chanson. Donc, si je veux parler d'une femme, j'en parle. Ma simple personne, la manière dont je me conduis, dont je marche dans la rue, montre déjà que je soutiens la cause LGBT. Quand j'étais en Roumanie, une jeune fan est venue me voir et m'a dit « Tu as changé ma vie ». C'est tellement cool d'entendre ça !

Bien sûr ! C'est important que des personnalités publiques – artistes, sportifs – fassent leur coming-out pour que tous ces jeunes aient des modèlent auxquels se raccrocher.

Exactement ! Quand j'étais plus jeune, je pensais qu'il fallait que je sorte absolument avec un mec qui était à fond dans le sport et tout, parce que je n'avais pas les bonne représentations (rires)

Tu as cartonné avec ta chanson « Lost On You » cet été mais tu as fait beaucoup de choses auparavant. N'est-ce pas frustrant, en tant qu'artiste, de rencontrer le succès tardivement alors que de précedents albums ont eu de très bonnes critiques. Je pense notamment à l'album Suburban Sprawl & Alcohol en 2004.

(rires) Je ne pense même pas à ça aujourd'hui. Je me dis que ça a été une longue route mais je profite seulement de ce qui arrive maintenant. Dans ce milieu, je fais vraiment partie des chanceux car j'arrive à en vivre depuis 10 ans maintenant. Signer avec un label, avoir une chanson qui passe à la radio... c'est déjà énorme. C'est comme pour percer dans les arts dramatiques ou le divertissement, c'est difficile. Donc je prends ça avec reconnaissance en gardant les yeux fixés vers l'avenir, la tête sur les épaules. La frustration, on peut toujours l'avoir. Ce n'est pas évident d'avancer et rester créative.

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Tu as écrit des chansons pour Rihanna et Cher, par exemple. Penses-tu continuer à écrire pour elles ou d'autres artistes ?

Oui, je le ferai si l'occasion se présente. De toute façon, je continue à écrire des chansons pour moi et certaines d'entre-elles marchent et d'autres non. Je ne veux pas écrire toujours la même chose parce que ça marche. J'en suis incapable. Je veux toujours venir avec des choses nouvelles. Le meilleur moyen de rester « frais », c'est de travailler avec les autres pour se nourrir de leur expérience.

C'est ta première fois en France ?

Non ! Je suis venue plein de fois à Paris. Et la mère de mon ex vivait à Montpellier. Je suis également allée à Nice et Cannes.

Mais c'est la première fois que tu joues ici, n'est-ce pas ?

Oui ! C'est mon premier concert officiel. C'est très excitant !

 
L'EP de LP est disponible en téléchargement. Elle sera en concert au Trianon le 4 décembre prochain. 
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Pour en savoir plus : 
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