130 médecins français s'engagent pour l'ouverture de la PMA

Par Julie Baret le 18/03/2016
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Dans une tribune au Monde, des professionnels de la santé dénoncent les incohérences législatives françaises en matière de fertilité. Le point sur leurs revendications.

Jeudi 17 mars, 130 médecins et biologistes de la reproduction se sont emparés des colonnes du Monde.fr pour exprimer leur ras-le-bol concernant les incohérences du système législatif français, proposer un "plan contre l’infertilité" et plaider en faveur d'une ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA). Ce collectif est porté par les professeurs Michaël Grynberg et René Frydman, celui-là même qui avait participé à la mise au monde d’Amandine, premier "bébé-éprouvette" français née en 1982.

Dans la lignée de la lutte pour l’avortement

Dans un épisode qui n’est pas sans rappeler le « Manifeste des 331 » médecins affirmant avoir pratiqué des avortements avant la loi Veil, ces 130 professionnels de santé se disent aujourd’hui contraints de transgresser la législation française pour recourir aux besoins de leurs patients :

Nous, médecins, biologistes, reconnaissons avoir aidé, accompagné certains couples ou femmes célibataires dans leur projet d’enfant dont la réalisation n’est pas possible en France.

Par cette simple affirmation, ces 130 praticiens spécialistes de la reproduction encourent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 d’amende. En effet, il est interdit en France de transmettre à ses patients des informations concernant des organismes ou des établissements étrangers qui pratiquent des dons de gamètes selon des modalités non conformes à la loi française.
Un risque que ces 130 médecins et biologistes de la reproduction ont tout de même souhaité prendre pour exprimer leur mécontentement et leur point de vue d'experts sur un système français qui ne répond plus aux besoins des patients.

Remédier à la pénurie d’ovocyte

A travers cette prise de parole, les auteurs de la tribune pointent notamment du doigt la pénurie d’ovocytes disponibles en France, et le temps d’attente extrêmement long (plusieurs années) qui en découle, pourtant réduit à quelques mois dans d’autres pays. Cette différence s’explique notamment par des modalités de dons qui varient selon les Etats. Ainsi, alors qu’en Espagne les donneuses d’ovocytes sont rétribuées, la France ne propose que des dons anonymes et gratuits, qui étaient même réservés aux mères jusqu’en octobre 2015.
En plus de l’« échec » des dispositions françaises qui poussent certains Français à se rendre à l’étranger et à débourser des frais supplémentaires, le professeur Michaël Grynberg déplore l’ « hypocrisie » du système. En cause ? La Sécurité sociale française qui rembourse dans certains cas les frais engagés par nos concitoyens recourant aux dons d’ovocytes dans d’autres pays...
Sans plaider pour une rémunération du don d’ovocytes, les médecins signataires de la tribune proposent néanmoins un "dédommagement" des donneuses, et la mise en place de campagne d’information dont les sages-femmes pourraient par exemple être le relais.

Diminuer les échecs d’implantation

Les 130 médecins signataires de la tribune plaident également en faveur d’un élargissement du "screening génétique" en France.
Pratiqué par nos pays voisins, cette technique d’analyse génétique détecte les embryons dits "aneuploïdes". Ces derniers sont majoritaires (60% des embryons et même 80% passé 40 ans) mais ne peuvent pas donner lieu à une naissance car ils présentent des anomalies.
Pratiquée avant l’implantation, une telle analyse permet de sélectionner les embryons "euploïdes", évitant les transferts inutiles et augmentant les chances de grossesses.
Or en France, le diagnostic pré-implantation est actuellement soumis à d’important restriction : il est réservé aux seuls couples risquant fortement de transmettre une maladie rare à leur enfant, et n’analyse ne se fait que sur le chromosome concerné.

Favoriser la conservation des gamètes

Troisième problème soulevé par la tribune de ces professionnels de santé : l’interdiction de conserver ses propres ovules, sauf raisons médicales (notamment si la fertilité de la femme est menacée, en cas de chimiothérapie par exemple).
En octobre 2015, le gouvernement élargissait cette autorisation aux donneuses d’ovocytes qui pouvaient alors conserver une partie de leur don. Cette mesure mêlant conservation et don est pourtant critiquée par le professeur René Frydman, car elle diminue la quantité d’ovocytes conservée et donc les chances de grossesse.
C’est donc l’autorisation de l’autoconservation des gamètes qui est demandée par les médecins signataires de la tribune, telle qu’elle est déjà pratiquée en Grande-Bretagne, en Belgique et en Espagne. D'autant que cette autoconservation est déjà autorisée en France pour les hommes qui peuvent conserver leur sperme grâce à une simple ordonnance, alors que dans leur cas la production de spermatozoïdes n’est pas menacée avec l’âge

Le don de sperme ouvert à toutes

Last but not least, les 130 médecins et biologistes de la reproduction signataires de cette tribune s’expriment également en faveur du recours au don de sperme pour toutes les femmes, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles.
Ces professionnels s’appuient sur le fait qu’une femme célibataire étant "reconnue dans ses droits pour élever ou adopter un enfant", elle doit pouvoir bénéficier d’un don de sperme, indépendamment de "son mode relationnel actuel ou futur, homo ou hétérosexuelle". Ces derniers ne se prononce cependant pas sur la Gestation Pour Autrui (GPA), mais répète leur opposition à toute "commercialisation du corps humain".
Une prise de position franche en faveur d’un accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes lesbiennes, en couple ou non, une des promesses de campagne de François Hollande encore non accomplie.