porno"L'Ornithologue" : premier premier rôle pour Paul Hamy

Par Adrien Naselli le 30/11/2016
Paul Hamy L'Ornithologue

Paul Hamy a fait une entrée fracassante dans le cinéma français. Premier premier rôle pour lui dans le film homo-érotique du Portugais João Pedro Rodrigues, L'Ornithologue. Rencontre.

TÊTU | Comment as-tu été approché par João Pedro Rodrigues pour ce premier rôle ?
Paul Hamy | Le cinéma portugais était en liquidation pendant quatre ans. Puis les banques ont rappelé les productions en leur disant qu'elles avaient cinq mois pour faire en sorte que le film puisse commencer à être tourné. Il voulait un acteur qui incarne une sorte de cowboy western. Quand j'ai lu le scénario complètement fou, ça m'a intéressé car on ne reçoit pas ce genre de scénario tous les jours. Notre rendez-vous a été très mutin : on se regardait beaucoup, lui n'était pas très expressif, on n'a pas du tout la même personnalité. Lui m'observait comme on observe un oiseau. Et pourtant il n'y avait pas la barrière de la langue car João Pedro parle très bien français. Je pensais qu'il ne voulait pas de moi et en fait il avait flashé sur moi.
Que pensais-tu de son travail avant cela ? Il produit un cinéma assez radical qui n'est pas forcément en lien avec tes premiers rôles.
J'ai regardé O Fantasma en streaming, et je ne l'ai trouvé que sur X-video, un site porno... Je me suis dit : c'est encore plus intéressant que ce que je croyais, du cinéma d'auteur qui se retrouve sur des sites pornos. J'ai beaucoup aimé la caméra, moins accroché au sujet...
Ta première réalisatrice était Emmanuelle Bercot pour Elle s'en va... Qu'est-ce que ça faisait de se retrouver, pour une première fois, directement aux côtés de Catherine Deneuve ?
Mon premier casting cinéma était déjà pour un film avec Catherine Deneuve. Le tournage s'est très bien passé, elle est adorable. Je sais qu'elle est une icône gay (sourire). Dans Elle s'en va, j'ai trois scènes avec elle. Quand on l'a tourné, c'était la première fois que je me retrouvais en tant qu'acteur devant la caméra ! Je devais lui dire : "C'est mieux d'acheter une cartouche que des cigarettes, ça coûte moins cher". J'ai commencé à transpirer, je n'y arrivais pas, c'était nerveux. Mais après ça, j'étais débloqué.
Tout s'est enchaîné assez vite pour toi; le cinéma français a l'air de t'apprécier. Comment choisis-tu tes projets ?
Dès que ça marche, tu reçois tellement de projets... J'ai la chance d'intéresser des gens intéressants. J'ai commencé par ce cinéma indépendant, je pense que je suis rentré par la bonne porte. On me propose parfois des films plus mainstream mais comme j'ai dit non, la porte s'est fermée.

Paul Hamy L'Ornithologue
Paul Hamy au Centre Pompidou, le 24 novembre 2016. Photo : Julien Fleurence

Je crois que c'est la première fois que tu joues un personnage homo avec L'Ornithologue. Comme lui, es-tu proche de la nature ?
J'adore ça. J'ai beaucoup fréquenté les Cévennes. J'allais me baigner dans les rivières. Je donne beaucoup plus d'âme à la nature que João Pedro. Je pense que ce qu'on appelle l'humain, en fait, est animal. Avoir peur, appréhender l'horizon, un espace, sentir qu'on aime bien une personne plus qu'une autre, on l'interprète comme de l'intelligence alors que ce n'est qu'une approche de l'environnement. Celle que tous les animaux ont.
Commet s'est déroulé le tournage de cette scène de bondage durant laquelle les deux Chinoises évangélistes te capturent ?
On a fait appel à une Portugaise qui vivait à Berlin. Il fallait tourner la nuit. L'installation du bondage mettait 20 minutes, et il fallait tout le temps recommencer ! En revanche j'avais une tendinite aux deux épaules et ça m'a soigné. Mais c'était une expérience douloureuse : je tenais sur le bout des pieds, attachés, et plongés dans l'eau à 10°.
Tu dois avoir une érection pendant la scène. C'est lié au bondage ?
C'est l'oiseau. Je vois la cigogne noire. Mais aussi la contraction des cordes, oui. Les parties génitales se remplissent de sang, et il y a une sorte de relâchement dans la contraction. Si tu es un grand maître du bondage, la personne ne sent pas qu'elle est totalement ligotée alors qu'elle a les pieds derrière les oreilles. C'est totalement contrôlé. Moi j'avais aucun mal à me laisser faire.
Tu as été très sérieux car tu as appris la langue portugaise pour les biens du tournage. Alors qu'au final, c'est João Pedro Rodrigues qui double ta voix dans le film !
Ca m'a pris deux mois et demi. J'ai eu des cours puis j'ai parlé avec les gens. Depuis, j'ai tourné trois films là-bas, dont le film de Fanny Ardant qui s'appelle Le Divan de Staline et qui sort bientôt. Pour la voix, c'est la vie : déjà par rapport au doublage c'est très bien fait, et ensuite j'ai appris le portugais. Donc maintenant je parle avec tout le monde. Le fait que je n'aie pas ma voix dans le film est un bon apprentissage du métier d'acteur. Le film appartient à l'autre, tu dois juste donner le meilleur.
 
 
L'Ornithologue est sorti en salles aujourd'hui
 
Crédit couverture : Paul Hamy au Centre Pompidou, le 24 novembre 2016. Photo : Julien Fleurence