Marche des fiertésPourquoi l'armée israélienne a-t-elle choisi un couple gay pour sa campagne ?

Par Jérémie Lacroix le 16/03/2017
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L'armée d'Israël a profité de la Journée de la famille pour poster sur Twitter une photo d'un couple gay. Un choix applaudi par certains, dénoncé par d'autres.

Chaque année en Israël, entre le 30 janvier et le 1er mars, a lieu la Journée de la famille, un moment privilégié pour célébrer l'amour mutuel que les membres de la famille se portent. Cette année, l'Armée de l'air d'Israël (IAF) s'est jointe aux célébrations en postant plusieurs photos de famille sur ses réseaux sociaux, notamment sur Twitter.
Parmi les nombreuses familles représentées, les internautes ont pu découvrir la photo d'Adir Gabbai et Dean, un couple gay avec leur chien. En légende, on pouvait lire : "C'est nous, nos familles, les gens derrière l'Armée de l'air d'Israël. Joyeuse Journée de la famille en Israël". Cette initiative de Tsahal (autre nom de l'Armée d'Israël) n'est pas passée inaperçue et a suscité beaucoup de réactions sur Twitter.

L'Armée d’Israël communique

"C'est le post le plus émouvant que j'aie lu aujourd'hui. C'est une fierté que l'Armée de l'air publie ce post contre les préjugés", s’enthousiasme une internaute. De nombreux commentaires homophobes ont aussi été postés. Ils n'ont pas tardé à faire réagir les personnes en charge de la gestion des réseaux sociaux de l'IAF, lesquels se sont fendus d'une réponse sans équivoque :

Pour célébrer le jour de la famille, nous avons décidé de faire un projet avec toutes les familles qui servent dans l'Armée de l'air et parmi elles, il y en a des homosexuelles. Pour nous, elles sont toutes égales. Nous sommes tous une grande et même famille.

Tsahal est connue pour son engagement en faveur des soldats LGBT. Ces dernières années, elle a autorisé ses membres à participer à la Pride de Jérusalem et a pris des mesures afin de mieux intégrer les soldats trans. Déjà en 2012, elle communiquait avec un couple gay sur les réseaux sociaux.
En revanche, beaucoup dénoncent la communication ciblée sur les sujets progressistes comme une tentative de manipulation en temps de guerre avec la Palestine. Pourquoi cet engouement des autorités israéliennes pour les droits LGBT ? Des associations et activistes dénoncent depuis plusieurs années «une stratégie délibérée de dissimulation de la violation persistante des droits humains des Palestiniens derrière une image de modernité» (Sarah Schulman). On appelle cela le pinkwashing, ou comment utiliser l’argument de la tolérance pour mieux détourner l’attention de l’opinion publique de l’occupation militaire, de la colonisation et même des «crimes de guerre» commis par l’armée israélienne dans la bande de Gaza (selon un rapport des Nations-Unies). Selon plusieurs journaux et organisations de défense des droits de l’homme, le Shin Bet (les services secrets israéliens) aurait ainsi forcé des gays palestiniens à lui fournir des renseignements, sous peine de voir leur vie privée révélée à leurs proches.
Du point de vue de sa législation concernant les droits des personnes LGBT, Israël fait figure d’exception dans la région : l’homosexualité y est légale (comme en Turquie, en Irak, en Jordanie ou en Cisjordanie occupée), les couples de même sexe peuvent adopter un enfant ou conclure une forme d’union civile (mais pas de mariage, qui n'est que religieux en Israël), les trans peuvent demander le changement d'état civil, les lesbiennes ont accès à la fécondation in vitro et les discriminations au travail sont explicitement bannies. Largement portée par des campagnes de communication régulières sur l'aspect gay-friendly de Tel-Aviv, puis désormais par de la communication institutionnelle sur les réseaux sociaux, le pays a vraisemblablement gagné sur l'image. Reste qu'elle ne peut pas tromper la vigilance quant au respect réel des droits humains, partout.