Marche des fiertésAlessio de Giorgi : "Le mouvement Svegliatitalia est historique"

Par Adrien Naselli le 01/02/2016
Svegliatitalia
Au mouvement Svegliatitalia (Italie, réveille-toi), qui a rassemblé de nombreuses personnes LGBT et leurs soutiens dans 98 villes le 23 janvier, la « Manif pour tous » italienne a répondu ce week-end en manifestant à Rome son opposition à l’adoption de l’union civile. Alors que le texte de loi est entré au Sénat le 28 janvier dernier, un premier vote pourrait avoir lieu demain, mardi 2 février. État des lieux en compagnie d’Alessio di Giorgi, rédacteur en chef du média LGBT gay.it.
Alessio de Giorgo
Pourquoi la population italienne est-elle aussi divisée au sujet de l’union civile ?
À Rome nous avons le Vatican, et le pape François exerce une influence fondamentale dans l’opinion. Ce qui bloque dans ce projet de loi, c’est la possibilité d’adopter l’enfant d’un des membres du couple une fois l’union civile contractée. Les catholiques intégristes ont réussi à transformer le débat sur l’union civile en débat sur la gestation pour autrui (GPA). Selon eux, la loi sur l’union civile obligera les politiques à légaliser la GPA, alors qu’elle ne fait pas partie du projet. On assiste donc au même phénomène qu’en France avec les détours de la Manif pour tous : il n’est question que d’adoption et absolument pas de GPA, mais le débat se cristallise là-dessus.
 
Certains députés du Parti démocrate ont fait volte-face : après avoir soutenu Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, et la porteuse de la loi, la sénatrice Monica Cirinnà, ils estiment aujourd’hui qu’il faut faire marche arrière. Pourquoi ?
Il faut dire que le cadre politique italien est compliqué. Nous avons déjà la chance d’avoir le Parlement le plus laïque de l’histoire italienne. Le Parti démocrate et Cinque Stelle (le Mouvement Cinq étoiles) sont de notre côté. Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, ne s’est jamais aligné sur les positions de la droite européenne et va voter contre la loi. La Lega Nord est fortement opposée, et il faut aussi compter sur les nouveaux groupes émergents à droite… C’est l’article 5 de la loi et cette confusion entretenue par nos opposants sur l’adoption et la prétendue légalisation de la GPA qui pousse des députés démocrates à se retirer. Mais les chiffres sont là, 65% de l’opinion est favorable à l’union civile, et je suis confiant.
 
Matteo Renzi fait preuve de ténacité alors que certains de ses ministres ne le suivent plus sur l’union civile. La coalition pourrait-elle voler en éclat si la loi ne passait pas ?
Je crois que tout le monde, chez les Démocrates, est réellement d’accord sur la loi. Le problème, encore une fois, c’est cet article 5 à cause duquel trente parlementaires démocrates vont voter contre la loi. Je pense que l’union civile va passer mais même si j’avais une boule de cristal, j’ignore si l’article 5 sur l’adoption va rester dans la version finale du texte. C’est un calcul politique car si on retire cet article sur l’adoption, Cinque Stelle a annoncé qu’il voterait contre la loi car elle serait incomplète.
 
La jeunesse italienne se sent-elle concernée par l’ouverture de l’union civile ?
La jeunesse italienne se sent Européenne. Les nouvelles générations soutiennent très majoritairement l’union civile, beaucoup voudraient même plus pour les LGBT en Italie. Le problème est d’ordre religieux : les pratiquants sont très nombreux, y compris chez les jeunes, et peuvent être influencés par les discours intégristes qui exercent un pouvoir certain.
 
La « communauté LGBT » est-elle impliquée, et dans quelles régions est-ce le plus visible ? On sait que le coming out en Italie est plus rare que dans d’autres pays européens.
Beaucoup d’homosexuels sont dans le placard en Italie, c’est vrai. Mais il faut noter que cela n’a rien de géographique ; en dépit des préjugés, il y a plus de coming out et de visibilité des LGBT dans certaines villes du Sud que dans certaines villes du Nord. Les rassemblements du mouvement Svegliatitalia du 23 janvier dernier sont historiques pour notre pays. Ce n’est pas une gay pride, et pourtant dans 98 villes ont eu lieu tous ces rassemblements comme une sortie du placard collective. La communauté gay en Italie est en train de grandir.
 
On prend les paris : quand aura lieu le premier pacte d’union civile selon vous ? L’été prochain ?
Le Sénat examine le projet de loi depuis jeudi dernier. Si la loi passe au vote demain (le 2 février), il faut encore que la Chambre des députés l’approuve sans rien changer. Si on surmonte les risques de renvoi au Sénat, on peut espérer qu’elle soit appliquée même avant l’été !