Deux youtubeurs français victimes d'un déferlement de propos homophobes

Par têtu· le 07/03/2016
youtubeurs propos homophobes

Deux youtubeurs ont été victimes d'un déferlement de propos homophobes depuis qu'Alain Soral a détourné une de leurs vidéos.

Nico et Arthus, que nous avons contacté, se mettent en scène dans des vidéos qu'ils publient de temps à autre sur leur compte Youtube, réellement alimenté à partir de septembre 2015. Selon les deux intéressés, leurs vidéos se veulent "humoristiques et légèrement provocatrices". Ils abordent aussi bien leurs voyages que leur vie de couple. Ils distillent également des conseils, plus ou moins avisés.

En somme, une chaîne assez "classique", très "Youtube" mais qui se veut "gay" et qui a donc pour but premier de partager des moments de leurs vies à qui souhaite les visionner. Chacun se fera sa propre idée...

Mais très vite les insultes homophobes se multiplient dans les commentaires sur leur vidéos. Fusent pêle-mêle : "anormal", "vous n'avez rien à foutre sur terre" ou "bande de dégénérés". Les références à Daesh, aux chambres à gaz, au IIIème Reich ou aux théories du complot en tout genre s'invitent également dans ces attaques.

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Jeuxvideo.com ou la permissivité condamnable du Web

En lisant le flot d'insultes homophobes qui inonde leur chaîne, ils découvrent rapidement qu'un bon nombre de ces commentateurs haineux proviennent d'un des forums les plus actifs de France : jeuxvideo.com. Le forum, qui n'a plus grand chose à voir avec un lieu d'échange entre passionnés de jeux vidéo, est un microcosme de bêtises, à en donner la nausée.

Il suffit d'aller faire un tour sur ce forum pour se rendre compte du climat antisémite, homophobe, raciste, xénophobe, sexiste, conspirationniste qui y règne (la liste est malheureusement loin d'être exhaustive). Jeuxvideo.com a déjà été dénoncé pour sa permissivité et son manque de modération, comme le relate le NouvelObs dans un article publié en septembre 2015.

Mais les deux jeunes youtubeurs ne sont pas au bout de leur peine. En effet, une de leurs vidéos, dont nous de débattrons pas du sujet - le propos étant ailleurs - a été relayée sur le site Égalité et Réconciliation, d'Alain Soral. Résultat ? Un pique à 38 000 vues alors que leurs vidéos n'en drainent généralement que 2 000. Lorsqu'ils voient à nouveau déferler un  torrent haineux et homophobe, ils décident de fouiller (et de modérer) lesdits commentaires pour en trouver l'origine. La réponse leur sera donnée au fil de leur lecture.

Quand la "fachosphère" s'en mêle

D'habitude, ils auraient laissé "couler", ne souhaitant pas donner de l'importance à ces quelques lâches dissimulés derrière leurs écrans et qui pensent que sur le Web on peut tout dire, en toute impunité. Car la "fachosphère", tenante du complot universel (orchestré par les franc-maçons ou les sionistes, au choix !), confond encore des concepts pourtant simples, en assimilant par exemple la pénalisation des propos à caractère homophobe à une entrave à la liberté d'expression, le tout soit-disant cautionné par un gouvernement soumis au lobby homosexuel... #BoucEmissaire

Les deux youtubeurs publient donc un droit de réponse. Et là, le déferlement de haine prend une nouvelle tournure puisqu'ils sont directement menacés : "vous vous êtes attaqués à Alain Soral, vous allez le regretter" ou "Daesh vous retrouvera...", pour ne citer que quelques uns des commentaires nauséabonds proférés à leur encontre.

Malheureusement, quand on connaît l'idéologie prônée par Alain Soral, on est guère étonné de voir fleurir ce genre de commentaires dans son sillage. En effet, Alain Soral, qui se définit lui-même comme un "nationaliste de gauche", est un ancien du FN (cherchez l'erreur !), qui grâce à un discours anti-système, populiste et conspirationniste draine des milliers d'internautes sur son site Égalité et Réconciliation. Il a été condamné à de nombreuses reprises pour incitation à la haine raciale, injures antisémites ou diffamation... Dans "l'analyse", pseudo psychanalitico-intello-éclairée, a laquelle il se livre suite au "droit de réponse" de Nico et Arthus, sa vision de l'homosexualité est consternante, inquiétante, pathologique.

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Avec Alain Soral les clichés ont la vie dure

On est en droit de se demander si Alain Soral n'a pas un problème personnel, quasi psychanalytique, avec l'homosexualité, et plus spécifiquement avec la sodomie. Car, pour lui, être homosexuel c'est se réduire à sa dimension sexuelle et n'être mû que par des pulsions incontrôlables. Ainsi, on peut lire tout un vocabulaire des plus alambiqués (il paraît que ça donne de la consistance à la vacuité de certaines idéologies) : "les divas de l'anus", "exploits recto-endoscopiques", "s’épanouir comme des bêtes", "ces deux clowns intestino-centrés", "reductio ad analum", "pulsions pathologiques", "besoins sexuels compulsifs"...

Il véhicule également toute une série de clichés plus affligeants les uns que les autres puisque pour Alain Soral ils "semblent vivre dans un pâté de maisons autour des bars et des backrooms de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie". Ne manque plus que l'assimilation de l'homosexualité à la pédophilie. On se dit qu'il n'oserait quand même pas s'y prêter. C'était mal le connaître : "on espère toutefois qu’ils ne touchent pas aux enfants, surtout quand ils vieilliront, car quand on atteint les 80 ans...".

Bien évidement, comme à son habitude, Alain Soral tente de minimiser ses propos en les édulcorant pour ne pas tomber sous le coup de la loi (lâcheté intellectuelle quand tu nous tiens !). Il nous fait donc croire que tout ça est "de la sociologie et de l’humour" et qu'il "réprouve" l'homophobie pourtant si bien attisée par sa mise en scène ambiguë. #OnEstPasDupes

On est évidement en droit de ne pas apprécier l'humour de Nico et Arthus, lequel peut vite tomber dans la vulgarité voire dans les clichés. Mais on ne peut tolérer les attaques dont ils font l'objet depuis plusieurs jours et plus généralement le déferlement de propos racistes et homophobes sur Internet, auquel on assiste impuissants. Internet ne peut devenir le théâtre de l'apologie de la haine de l'autre et un lieu de non-droit. Il est temps que les grands acteurs du Web (Google, Facebook, Twitter...), les fournisseurs d'accès, l'Etat et les internautes, eux-mêmes, travaillent ensemble à la définition d'un espace d'expression respectueux de l'autre et garant de lois fondamentales qui régissent notre société. Alors, la liberté s'en trouverait renforcée.