Marche des fiertésLa dernière capitale divisée du monde, réunie par la cause LGBT

Par Julie Baret le 24/10/2016
Chypre ILGA-Europe Nicosie

La semaine dernière à Chypre se tenait la 20ème conférence annuelle d'ILGA-Europe. Une occasion pour la partie nord et sud de l'île de marcher au même rythme.

"D'être dans cette ville scindée en deux par un mur, de ne pas pouvoir circuler librement, d'être soumis à des mesures de sécurité... C'était une ambiance vraiment très différente des années précédentes" nous confie Arnaud Gauthier-Fawas. Porte-parole aux relations internationales de l'Inter-LGBT, il était à Chypre la semaine dernière pour représenter la France lors de la 20ème conférence annuelle d'ILGA-Europe.

La militance LGBT à Nicosie, ville scindée en deux

Cette année, l'Association internationale des lesbiennes, gays, bis, trans, et intersexes fêtait 20 ans de lutte contre la transphobie et l'homophobie depuis le bassin Levantin. Quatre jours de conférences inaugurés par un gala au palais présidentiel de Nicosie, la capitale. Pour la toute première fois, des associations LGBT étaient reçues de manière officielle par l'autorité politique, ajoutant au climat progressiste qui souffle sur l'île.
Une première Marche des fiertés LGBT organisée il y a deux ans, la légalisation de l'union civile pour les couples de même sexe l'an passé... "Après plusieurs années de dormance, Chypre est une région qui avance rapidement" constate aujourd'hui Arnaud Gauthier-Fawas. Et ce, malgré un contexte politique gelé. Car Nicosie est aussi la dernière capitale du monde à être coupée en deux, par un mur semblable à celui qui divisait autrefois Berlin. S'étirant sur toute la longueur de l'île, la "ligne verte" isole la République de Chypre au sud, reconnue à l'échelle internationale, de la République turque de Chypre du nord, autoproclamée par l'occupation militaire turque.

"C'était fascinant de voir la communauté LGBT de l'île unie alors que le reste du pays est en froid"

Une division stricte qui s’est pourtant adoucie la semaine dernière en faveur des minorités sexuelles. Suivant la volonté de l'association chypriote Accept-LGBT Cyprus qui coordonnait l'organisation de la conférence au niveau local, l'intégralité du programme a été construit main dans la main avec les association LGBT du nord comme du sud de l'île. Mieux encore, pour échanger avec les militants de la partie nord du territoire - qui ont interdiction de passer au sud si leurs parents sont nés turcs - les organisateurs ont aménagé une zone de "no man's land" à cheval sur les deux territoires. Dans cet espace "hors-sol", des militants LGBT de l'Europe entière se sont rencontrés vendredi dernier pour aborder les droits des personnes trans en zone nord "turque".
Sur ce territoire est contrôlé par l’armée, Arnaud Gauthier-Fawas dessine les contours d'une situation similaire à la Turquie : il y existe des bars gays, une communauté LGBT et même une Pride, malgré la répression des autorités. Le territoire n'a d'ailleurs dépénalisé l'homosexualité qu'en janvier 2014 - il est le dernier d'Europe. Mais c'est surtout la vitalité d'une jeunesse en désir de réunification et les efforts communs des associations que retient le porte-parole de l'Inter-LGBT, de part et d'autres de la "ligne verte" :

Ce lien entre le nord et le sud n'était pas seulement anecdotique : il était vraiment symbolique. C'était fascinant de voir la communauté LGBT de l'île unie alors que le reste du pays est en froid.

Quelles avancées européennes en 2016 ?

Célébrant son vingtième anniversaire, ILGA-Europe a aussi dressé le bilan des avancées et des retours en arrière observés cette année. D'un côté, l'amélioration de la situation en Norvège, au Danemark, en Italie, en Grèce, au Portugal, mais aussi en Bosnie-Herzégovine et en Estonie. De l'autre, les manifestations et les pétitions opposées au mariage pour tous en Roumanie, ou la dégradation de la situation polonaise qui se retournait au début du mois contre le droit à l'avortement ; la prochaine conférence annuelle d’ILGA-Europe se tiendra d’ailleurs à Varsovie.
Pour Philippe Ayoub, professeur à la Drexel University interviewé par l'AFP, c'est la crise des migrants qui aurait provoqué une montée du conservatisme et des rhétoriques nationalistes, hostiles aux minorités.
Soit un bilan en demi-teinte, résumé dans une vidéo diffusée par ILGA-Europe ce week-end :
https://www.facebook.com/ilgaeurope/videos/10154673418232342/

Pour en savoir plus :

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Couverture : Photographie de Nicosie postée par @BastianBaumann sur Twitter le 19 octobre 2016 sous la légende "It wasn't me - but the city seems ready for @ILGAEurope #IENicosia2016".