Le média LGBT Yagg.com annonce sa fermeture par liquidation judiciaire. TÊTU a recueilli les réactions du président de la société, Christophe Martet, du rédacteur en chef, Xavier Héraud, et de la journaliste Maëlle Le Corre.
L'équipe de Yagg a annoncé une triste nouvelle dans un texte publié sur son site ce mercredi 26 octobre 2016, soit huit ans après le lancement du site :
Le tribunal de commerce de Paris a prononcé hier la liquidation de LGNET, la société éditrice de Yagg. Une offre de reprise de l'entreprise avait été proposée à l'administrateur judiciaire, mais ce dernier a considéré qu'en l'état, elle n'était pas satisfaisante [...] En pratique, une liquidation signifie que l'entreprise n'existe plus. Tou.te.s les salarié.e.s sont licencié.e.s et tous les actifs de l'entreprise (cela va des ordinateurs à la marque, en passant par les archives) vont être mis en vente [...] L'équipe de Yagg est immensément triste. C'est la fin d'une aventure qui a débuté le 6 mai 2008 - avec la création de l'entreprise par Judith [Silberfeld], Christophe [Martet], Yannick [Barbe] et Xavier [Héraud], puis le 4 novembre de la même année - avec le lancement d'une première version de Yagg.
Triste mais fière. Du travail accompli, des milliers d'articles, des milliers de rencontres.
L'entreprise ferme, mais peut encore être rachetée
A la mi-septembre, la société éditrice de Yagg.com avait été mise en redressement judiciaire. Les craintes de l'équipe sont donc confirmées avec la liquidation judiciaire prononcée hier au tribunal de commerce, comme le détaille Xavier Héraud, le rédacteur en chef :
Depuis qu’on est entré en redressement judiciaire, on sait que c’est une des issues. Nous avons eu plusieurs approches de repreneurs intéressés, nous y avons un peu cru à ce moment-là. Après, ce n'est pas forcément la fin de tout. L’entreprise peut encore être rachetée. C’est à peu près ce qui est arrivé à TÊTU en juillet 2015. Si quelqu’un se présente dans les 15 jours, il sera obligé de reprendre tout le monde. Si ce quelqu'un arrive plus tard, il fera ce qu'il veut.
Xavier Héraud est encore dans les bureaux de Yagg avec toute l'équipe, forcément émue : "Beaucoup de tristesse quand la liquidation a été prononcée devant nous. On s’est battus jusqu’au bout. Nous sommes très reconnaissants aux gens qui ont fait des dons : sans cela, nous aurions même arrêté début septembre. Tristes, fiers, et reconnaissants." Christophe Martet, le directeur de publication, est dans le même état d'esprit que Xavier :
Je me sens triste pour nous, pour les salariés, c’est une période difficile que nous avons traversée. Cela a été rapide, nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour trouver une solution. Le moment de tristesse va durer un peu mais je veux garder en tête tout ce que Yagg a permis de faire. Ne pas oublier qu’il y a plein de journalistes qui ont travaillé ici. Créer des emplois, c’est toujours une satisfaction. On a inventé une autre forme de presse LGBT, une nouvelle façon d'aborder ces questions qui ne sont plus à la marge, même si elles sont parfois traitées de façon polémique.
"Avoir fait quelque chose de bien"
Maëlle Le Corre est journaliste à Yagg depuis 2012. Elle a été embauchée après son stage de fin d'études et a eu le sentiment de "faire quelque chose de bien" en travaillant pour le média en ligne :
Traiter des sujets qui te touchent personnellement sans perdre ta place de journaliste, c’est hyper gratifiant, il y a un investissement très fort. On est salarié, donc on fait notre travail comme tout un chacun, mais on touche à quelque chose qui nous concerne personnellement et en tant que membre d’une communauté. On ne bosse pas dans n’importe quel média, pas dans n’importe quelle entreprise. Quand ça s’arrête c’est très émouvant.
Pour Maëlle, la disparition de Yagg équivaut à la disparition "du seul média LGBT en France" et elle est inquiétante pour la représentation des minorités dans les médias : "Le fait d’avoir été le seul média LGBT, c’est une responsabilité. Si je prends de la hauteur, je trouve que c’est dommage qu’il n’y ait pas d’autres voix car la communauté LGBT est diverse. Chaque personne a le droit d’être informée, représentée, visible."
Maëlle Le Corre admet que la presse généraliste s'empare aujourd'hui des sujets LGBT, mais elle apporte une nuance :
Les débats sur le mariage pour tous ont fait évoluer les choses ; les médias généralistes s’emparent plus souvent de ces questions. Ils ont compris qu’il y avait des sujets de société importants. Les sujets qui n’étaient traités que par Yagg à l’époque sont maintenant repris. L’Existrans a été couverte par Le Monde, par Konbini, etc. Je ne le regarde pas de manière inquiète, je trouve ça bien. En revanche, un média LGBT a une manière bien à lui de traiter ces sujets : on les connait, on les suit, on est concerné, et cela ne veut pas dire qu’on perd notre déontologie ni notre sens journalistique.
L'auteur de cet article tient à adresser un message de soutien personnel à une équipe bienveillante et rigoureuse qui l'a accueilli et formé dans le cadre d'un stage au sortir de ses études de journalisme.
Pour en savoir plus :
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