En Afrique du Sud, Mushin Hendricks, un imam gay, a ouvert une mosquée inclusive afin de réconcilier foi, orientation sexuelle et identité de genre...
L'Afrique du Sud est le seul pays africain à reconnaître, depuis 2006, le mariage entre personnes de même sexe. En outre, la Constitution du pays déclare que "l'Etat ne peut pas injustement discriminer directement ou indirectement quelqu'un en raison de sa race, son genre, son sexe (...), son orientation sexuelle...". Néanmoins, au quotidien, les personnes LGBT sont encore souvent victimes de discrimination, de violences voire de viols "correctifs", en vue de les "guérir".
Ces difficultés rencontrées au quotidien par les personnes LGBT sont sources de souffrance et de traumatisme, notamment pour les croyants homosexuels ou transgenres qui doivent affronter l'opprobre d'une partie de leur communauté qui juge leur "condition" incompatible avec les préceptes du catholicisme ou de l'islam.
Bénédiction religieuse des couples mariés
C'est pour réconcilier foi et orientation sexuelle ou identité de genre, ainsi que pour "promouvoir une communauté musulmane sans discrimination", que Muhsin Hendricks (48 ans), le premier imam ouvertement homosexuel d'Afrique du Sud, a décidé de s'engager en faveur des fidèles qui se sentaient rejetés par leur communauté religieuse. Celui qui a été marié pendant six ans avant de divorcer à l'âge de 29 ans, et qui est père de trois enfants, a fait son coming-out il y a presque 20 ans. Il confiait récemment à l'AFP :
Je me suis dit "plus de double vie", je dois être honnête avec moi-même et ça commence par faire mon coming-out.
Ensuite, Mushin Hendricks crée la fondation du "Cercle intérieur", un groupe de soutien pour les musulmans qui se sentent rejetés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Cinq ans plus tard, il ouvre sa propre mosquée, chez lui, avant de s'installer dans des locaux plus grands dans le quartier de Wynberg, au Cap. Tout le monde peut venir prier librement dans cette mosquée inédite : les hommes et les femmes sont mélangés ainsi que les homos et les hétéros. Les couples de même sexe peuvent également recevoir une bénédiction religieuse de la part de l'imam lors de leur mariage. Zaid Philander, l'un des membres du "Cercle intérieur", raconte son expérience :
J'ai choisi d'être dans un lieu où je me sens accueilli et où je peux faire partie de la communauté, où je peux avoir une relation avec Dieu, une relation saine, sans avoir l'impression d'être en permanence dans le pêché.
Un optimisme inébranlable
Cependant, cette ouverture, prônée par Mushin Hendricks, est loin de faire l'unanimité parmi les autres imams. Intérrogé par l'AFP, Yusuf Pandy, qui officie à la mosquée Mowbray, ne comprend pas qu'un imam puisse "encourager" les fidèles dans ce qu'il considère comme un pêché :
Comment peut-on être homosexuel ? C'est interdit ! Et le devoir d'un imam ou d'un musulman s'est d'aller leur parler et de dire [aux homosexuels] : 'il ne peut pas en être ainsi'.
Mushin Hendricks est optimiste et veut croire que les choses changeront petit à petit. Ainsi il déclare, inébranlable :
C'est une relation "à l'amour, à la haine" avec la communauté musulmane. Des fois, ils voudraient que je sois jeté du haut d'une montagne et d'autres fois, ils apprécient qu'il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu'eux-mêmes ne veulent pas accueillir.
Bien que ces initiatives soient encore rares, ce n'est pas la première fois qu'un imam fait son coming-out publiquement ou qu'une mosquée ouverte aux fidèles LGBT voit le jour. En Australie, l'imam Nur Warsame a fait son coming-out à la télévision publique en mai dernier. En France, c'est l'imam Ludovic-Mohamed Zahed qui a le premier ouvert une mosquée inclusive à Paris. En outre, ce docteur en sciences humaines et sociales sillonne le monde pour prôner un islam tolérant.
Crédit photo : Naib Mian/GroupUp
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