Le documentaire de la réalisatrice turque Ayse Toprak, Mr Gay Syria, a besoin de soutien pour "alerter l'opinion internationale. Nous en avons vraiment besoin !"
Texte de Patrick Thévenin.
Le 23 avril 2016, Hussein Sabat, 24 ans et réfugié syrien à Istanbul, se voyait refuser son visa pour se rendre de Turquie à Malte où il était censé représenter la Syrie lors de la finale d’un des événements LGBT les plus médiatisés au monde : Mr Gay World. Une compétition, loin du simple concours de beauté, visant à promouvoir des ambassadeurs qui défendront auprès des médias les droits des homosexuels dans le monde. Un coup dur pour le premier Mister Gay Syrien de l’histoire de la compétition qui comptait bien se servir de cet événement hautement médiatisé pour alerter l’opinion sur la situation des LGBT dans son pays natal :
Je veux montrer au monde entier que les homosexuels Syriens ne sont pas juste des corps jetés du haut d’un building par Isis, déclarait Hussein au DailyMail quelques jours avant la compétition finale, nous avons aussi des rêves, des idées, et nous voulons vivre notre vie.
C’est cet éveil au militantisme que documente la journaliste et vidéaste turque Ayse Toprak avec ce reportage doux-amer dont la narration se construit au fur et à mesure que le cours des événements change et que les protagonistes prennent petit à petit confiance en eux. Mr Gay Syria est ainsi l’histoire d’une petite bande de gays syriens réfugiés en Turquie qui vont élire leur candidat avec les moyens de bric et de broc dont ils disposent et relever un drôle de défi : infiltrer la très officielle compétition Mr Gay World. Cette idée, saugrenue de prime abord, on la doit au militant Mahmoud Hassino. Activiste et fondateur de Mawaleh, le premier magazine LGBT syrien online, l’ancien journaliste est désormais, pour des raisons évidentes de protection, en sécurité à Berlin où il travaille dans un centre qui accueille et aide dans leurs démarches les réfugiés LGBT. Pendant plus d’un an la caméra suit alors Mahmoud et ses tentatives pour convaincre ces jeunes adultes de l’importance de concourir au titre de Mr Gay Syria et de faire porter leur voix, eux qui ont été habitués à se cacher. Et le documentaire s’attarde, et c’est sa force, avec infiniment de précautions sur les prétendants au titre et leur éveil progressif au militantisme. Comme Hussein, coiffeur et père d’une petite fille, qui a fui son pays natal après que son fiancé a été décapité, et vit désormais avec ses parents, dans la peur qu’ils le découvrent via sa participation à la compétition son homosexualité. Ou Omar, bear solaire, qui n’attend qu’une chose, le visa qui lui permettra d’enfin rejoindre son fiancé en Norvège, et qui offre une lueur d’espoir à ces destins tragiques et ces gays marqués si jeunes par la discrimination, la culpabilité, la peur et la violence.
Bien sûr, la promesse de la compétition mondiale va se heurter de pleine face à la difficile condition des réfugiés et la veille de son départ Hussein va apprendre que le visa qui lui permettrait de se rendre à Malte pour la finale de la compétition lui a été refusé. C’est en entrecroisant ces destins qui résistent, et qui petit à petit prennent conscience de l’importance du militantisme LGBT, pour eux mais aussi pour les autres, que le documentaire se fait le plus touchant, s’approche, entre fous rires et larmes, au plus près des protagonistes, et nous ouvre les yeux sur la dure réalité vécue par ces jeunes hommes :
La plupart des réfugiés LGBT s’échappent de leur pays d’origine parce que leur vie y est en danger, précise Mahmoud, on ne peut pas les placer dans des camps de réfugiés classiques où ils risqueraient de croiser justement les gens qui les rejetaient dans leur pays natal. Ce sont souvent des personnes extrêmement traumatisées. On ne peut pas les mettre dans des situations où ils risqueraient de se faire agresser de nouveau.
Difficile en effet pour les gays de rester dans les camps mis à disposition des réfugiés Syriens par la Turquie. L’homosexualité étant un des plus gros tabous, et péché, en Syrie, c’est les exposer aux plus grands dangers, les confronter à une homophobie souvent prégnante. « Comme ils n’ont pas le droit de travailler comme tous les réfugiés en Turquie, précise la réalisatrice Ayse Toprak, ils sont souvent obligés de se prostituer pour survivre et ce n’est pas sans danger. » Récemment, un jeune syrien a ainsi été violé et égorgé en périphérie d’Istanbul et l’été dernier l’assassinat de Hanse, travailleuse du sexe et militante emblématique, dont le corps a été retrouvé entièrement brûlé et torturé à secoué l’opinion internationale et la communauté LGBT turque de plus en plus sous les radars répressifs du gouvernement :
Etre LGBT et réfugié syrien à Istambul c’est la double-peine, résume amèrement Ayse Toprak. Je ne pense pas que mon documentaire fera changer le gouvernement et la répression actuelle contre les LGBT, mais j’espère qu’il alertera l’opinion internationale et que tous ces jeunes homos syriens et réfugiés, par leur vécu et leur courage, délivreront un message d’espoir. Nous en avons vraiment besoin !
Pour avoir une chance d’être sélectionné dans différents festivals, le documentaire Mister Gay Syria a lancé une campagne de crowfunding pour l’aider à boucler sa post-production. Tous les détails sont sur le lien suivant : https://www.kisskissbankbank.com/mr-gay-syria-film