Dans son dernier rapport annuel, SOS homophobie cadre sur l'effervescence de la haine LGBTphobe 2.0., plus récurrente encore que le racisme, l'antisémitisme et d'autres formes de discrimination.
Selon SOS homophobie, Internet fut ainsi en 2016 le "lieu le plus propice au développement de la parole homophobe et transphobe". Presque un quart des témoignages recueillis par l'association au cours de l'année ont emprunté les écrans pixelisés. Et le phénomène ne cesse d'augmenter : +31% en douze mois.
Un défouloir anonyme
Sur la toile, les coups prennent la forme d'insultes, de rejet, et d'ignorance. Pourtant, les auteurs de ces propos ne présentent pas un profil type. SOS homophobie distingue ainsi celles et ceux qui font montre d'une homophobie ordinaire, en banalisant les insultes ou en croyant déceler partout l'action d'un prétendu "lobby LGBT", des appels à la haine véhiculés par des hashtags explicites (#EnsembleLuttonsContreLesPD, #SiTuVoisUnHomoDansTaFamille, #JournéeContreLesPD) ou des messages violents et ciblés.
Twitter serait ainsi, selon le seul observatoire des violences LGBTphobes en France, le terreau le plus fertile de l'homophobie en ligne.
L'homophobie plus fréquente que le racisme, le sexisme ou l'antisémitisme
Omniprésentes sur le Web, les insultes homophobes constituent même, selon SOS homophobie et une étude du Conseil de l'Europe menée en 2012, "le discours de haine le plus répandu et le plus banalisé, en particulier chez les adolescents."
L'utilisation d'insultes "hétéronormatives", que l'avocat Etienne Deshoulières définit comme celles qui sont proférées pour attaquer une personne quelle que soit son orientation sexuelle ("PD", "tapette", etc.), révèlent selon lui "une condamnation historique et sociale de l'homosexualité". Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer la désapprobation sociale qui s'abat également sur l'homophobie, selon ce que Louis-George Tin a déjà identifié comme un renversement du stigmate : ce n'est plus à l'homo de se justifier, mais à l'homophobe.
Suite à l'attentat d'Orlando, qui faisait 49 morts dans une boîte de nuit gay en Floride en juin dernier, quelques commentaires haineux avaient félicité la fusillade. Le journal L'Union (journal de presse quotidienne régionale dans les départements Marne, Aines et Ardennes) avait alors coiffé au poteau ces attaques postées sur son site web, en affichant en pleine page le pseudonyme, la photo, et les propos de ces internautes homophobes.
Des coupables difficiles à attraper
Le reste du temps, c'est pourtant l'impunité qui semble régner en maître une fois franchie la frontière virtuelle. L'anonymat et l'instantanéité des publications contribue à cette atmosphère du "tout est permis" où les législateurs peinent à appliquer les textes de lois. Suite aux innombrables alertes, Facebook, Twitter et Google avaient signé un "Code de bonne conduite" par lequel ils s'engageaient auprès de la Commission européenne à supprimer tout message haineux dans les 24 heures, sans trop d'effet. En faisant un test en ligne, SOS homophobie, SOS racisme et l'Union des étudiants juifs de France notaient que sur les 586 contenus racistes, antisémites et homophobes, seuls 77 avaient étaient retirés.
En février dernier, un homme et une femme ont été condamnés à plusieurs mois de prison avec sursis pour des tweets homophobes adressés à Ian Brossat, l'adjoint PCF au Logement à la mairie de Paris. Les témoins de l'audience ayant précédé le verdict avaient décrit l'un des prévenus comme mal assuré, prenant seulement conscience devant la barre de la portée de ses actes.
Couverture : capture du clip "Carmen" de Stromae
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