Christiane TaubiraDeux Twittos homophobes rattrapés par la Justice

Par Julie Baret le 12/01/2017
tweets homophobes Ian Brossat

L'anonymat du web n'est pas synonyme d'impunité. Un homme et une femme risquent plusieurs mois de prison avec sursis pour des tweets homophobes adressés à Ian Brossat, un élu parisien.

tweets homophobes Ian Brossat
Crédit photo Ian Brossat/Facebook

"Je porte plainte pour les centaines d'anonymes qui, sur les réseaux sociaux, ont reçu le même genre d'insultes et n'ont pas souhaité réagir" indiquait Ian Brossat à L'Obs en avril 2015. L'adjoint PCF au Logement à la mairie de Paris, également élu du 18e arrondissement, venait de recevoir une énième salve d'insultes à caractère homophobe. Celles-ci lui étaient nommément adressées sur Twitter, par des comptes parfaitement anonymes :

Tu te fais enfiler comme un clebs, tu te crois normal sale mysogine ? Pas de respect pour ces choses indiforme [sic.], non humaine, 2 cerveaux dans le calbard… Jlaisse pas le pouvoir aux chiens. Elu pd pouvoir danger. Le jour où jte plie ta seule gueule de petite trainée, c’est avec mes mains.

Ian Brossat décide alors de déposer une plainte "car derrière les mots, il y a des gestes. On ne peut pas banaliser les insultes reçues sur les réseaux sociaux lorsqu'on sait que les agressions physiques sont également monnaie courante". Depuis, les comptes orduriers ont été supprimés, les auteurs des insultes ont été identifiés et mis en examen : il s'agit d'un homme de 36 ans, ancien cadre bancaire, et d'une femme habitant le 18e arrondissement parisien, Christian et Nadia. Près de deux ans plus tard, ils comparaissent devant la justice. Le procès a débuté hier après-midi devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Seul Christian était présent; Nadia est actuellement en prison pour harcèlement téléphonique et menaces de mort dans une autre affaire.

C'est pas ma faute à moi...

Délesté de son pseudo et de son écran, Christian avait perdu tout le mordant qu'il affichait dans ses tweets crus et agressifs. Le Parisien décrit un homme mal assuré et bredouillant. "J'étais mal réveillé" aurait-il tenté d'expliquer la tête baissée à l'audience, sans conviction. "Je plaide la bêtise et l'immaturité" puis "bon alors juste la bêtise" dit-il en niant toute homophobie, et en justifiant ses tweets par son opposition à l'inauguration de HLM dans le XVIème arrondissement portée par Ian Brossat. "Aucun rapport" rétorque cependant la présidente. Son avocate a également insisté sur l'immaturité de son client qu'elle qualifie de "légèrement simplet" en pleine dépression. Par le passé, l'homme a déjà été poursuivi pour injure à l'encontre de Christiane Taubira, et avait récolté un stage de citoyenneté au Mémorial de la Shoah.
Nadia, absente à l'audience, avait expliqué qu'elle voulait "faire réagir" Ian Brossat car elle le trouvait "arrogant". Mais pour le procureur de la République, "ces tweets n'ont rien à voir avec une envie de débattre. C'est juste un déferlement de haine."
L'accusation retenue contre les deux prévenus est l'injure publique en raison de l'orientation sexuelle; le parquet requiert deux et trois mois de prison contre Christian et Nadia. Le jugement sera rendu le 22 février. Ian Brossat espère que la sanction aura "une vertu pédagogique" et que le procès sera "utile" pour encourager ceux qui souffrent en silence de porter plainte à leur tour. Car la lutte contre l'homophobie "passe aussi par des condamnations au tribunal".
 
Couverture : Crédit photo Javier Bano/Pixabay