Après un vote éclair au Bundestag la semaine dernière, trois partis, dont celui d'Angela Merkel, ont décidé de saisir la Cour constitutionnelle fédérale...
Si la Chancelière Angela Merkel a ouvert la voie au vote du mariage pour tou·t·e·s en levant son opposition de principe lundi 26 juin, son parti pourrait être l'une des principales épines dans le pied de son entrée en vigueur. Alors que la loi a été votée après seulement 38 minutes de débat vendredi 30 juin, des voix se lèvent pour tenter d'empêcher son application.
Trois partis demandent des recours
Lundi 3 juillet, lors de la réunion conjointe des conseils d'administration de la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière) et de la CDU (le parti de la Chancelière), le ministre-président bavarois Horst Seehofer (CSU) a annoncé leur volonté de demander un recours auprès de la Cour constitutionnelle fédérale. Si l'on devait, toute prudence gardée, faire un parallèle avec la France, il s'agirait d'une saisie du Conseil constitutionnel.
Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur (CDU), et juriste de formation, a affirmé que cette loi avait été votée trop rapidement. Rappelons que la loi était prête et rédigée depuis quelques années déjà. Selon ses propos, rapportés par le quotidien Die Welt, la constitution aurait dû être amendée avant le vote de la loi.
Du côté de l'AFD, le parti d'extrême droite, la volonté est similaire et les arguments non feints. Alexander Gauland, l'une des figures du parti, a déclaré au journal Bild am Sonntag :
Nous examinons actuellement une plainte devant la Cour constitutionnelle fédérale car le mariage pour tous nuit à notre société.
Des précédents historiques
Rien de nouveau sous le ciel allemand puisque les recours sont légion lorsqu'il s'agit de légiférer sur les droits des LGBT. En 2001, la loi qui a permis aux couples homosexuels de s'enregistrer en “communauté de vie” (équivalent du Pacs français) avait déjà connu le même sort. Comme aujourd'hui, le recours avait été motivé par une supposée non-conformité avec l'article 6 de la loi fondamentale allemande. Un article relatif au mariage et à la famille. En juillet 2002, la Cour constitutionnelle avait tranché en défaveur des plaideurs. Même chose en 2013 lors de la mise en place de l'égalité fiscale entre tous les couples.
Ces recours ont donc un but principal inavoué, et sans doute inavouable : gagner du temps avant que la loi n'entre en application.
Des juristes confiants
Dans une tribune publiée par Tagesspeigel Causa, les juristes Frauke Brosisus-Gersdorf et Hubertus Gersdorf sont catégoriques :
La loi résistera à un examen de la Cour constitutionnelle fédérale
L'une des raisons avancées par ces juristes est la suivante :
Même si dans certaines décisions, la Cour constitutionnelle a défini le mariage comme une union entre un homme et une femme, cela n'a jamais été fait dans un contexte d'exclusion des couples de même sexe. La Cour n'a jusqu'à présent jamais défini de manière exclusive le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme.
À la lecture de la loi fondamentale allemande, aucune trace de l'identité de genre des membres du couple. Dans l'article 6 “Mariage et famille, enfants naturels”, seuls les termes “couple”, “famille”, “parents” et “autorité parentale” y figurent. L'unique terme genré est celui de “mère”.
Et après ?
Même si la loi sur le mariage pour tous résiste à son examen par la Cour, il restera encore de nombreuses lois à voter pour que les personnes LGBT aient les mêmes droits effectifs que le reste des citoyen.ne.s.
Alors que les élections fédérales approchent, les grands partis ont dévoilé leurs programmes. Lundi 3 juillet, la CDU et la CSU ont publié leur programme commun. Fruit d'une longue discussion entre Angela Merkel et son homologue de la CSU, ce “programme gouvernemental” occulte les droits LGBT. Les mots “gay”, “lesbienne”, “homophobie” ou “genre” ne sont mentionnés dans aucune des 75 pages rendues publiques. La seule mention liée aux LGBT concerne les “partenariats civils”. Risible mais surtout obsolète puisque trois jours auparavant la loi sur le mariage pour tous était adoptée au Bundestag.
La coalition adversaire, qui comprend le parti social-démocrate de Martin Schultz, consacre quant à elle un chapitre aux droits LGBT. Intitulé “Reconnaissance de la diversité des réalités”, il contient notamment l'ajout de la mention des discriminations liées à l'identité sexuelle dans l'article sur la “cohésion communautaire” de la Constitution. Actuellement, il stipule que “l'antisémitisme, la xénophobie, l'intolérance et la discrimination ne sont pas autorisés en Allemagne”.
Les élections auront lieu le 24 septembre prochain. Elles définiront la couleur d'un nouveau Bundestag et sa possibilité, ou non, de s'orner de quelques nuances arc-en-ciel.
Photo de couverture : Tobias Koch/Wikipédia