Après notre article sur une proposition de loi émanant du parti Les Républicains qui associe mariage pour tous et pédopornographie, le député Daniel Fasquelle demande un droit de réponse à TÊTU et annonce le retrait du projet.
En décembre 2017, il y a déjà fort longtemps, Ouest France relayait les regrets du député Jean-Charles Taugourdeau d’avoir signé une proposition de loi jugée très maladroite, associant dans l’exposé de ses motifs la lutte contre la pédopornographie et "corrélativement" les conséquences du mariage pour tous, réunis au nom d’un objectif global de "protection de l’enfance".
"C’est un langage de juriste", se défend le député du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle, porteur de la loi et professeur de droit. 95 articles composent cette proposition de loi, dont la "correction" des effets de la loi Taubira, c'est-à-dire l’ambition de la déplacer dans le code civil pour en changer les conséquences sur la filiation (adoption plénière par les couples homosexuels notamment). Cela n'explique toujours pas l'utilisation de l'expression "corrélativement" : "C’était rédigé de façon maladroite, je veux bien en convenir", nous a expliqué le député le 21 décembre dernier...
Après notre article, une bronca sur les réseaux sociaux et le relais par des médias régionaux, SOS homophobie avait en effet vivement réagi : "L’association de la pédopornographie, du mariage pour toutes et tous et de la protection des enfants relève de l’incitation à la haine et à la violence envers les personnes lesbiennes, gay, bi et trans (LGBT), écrivait l'association. En appelant au remplacement dans le code civil du terme 'parents' par 'père et mère', ce texte nie l’existence des familles homoparentales et met en cause la situation et les droits de nombreux enfants que ces député.e.s prétendent protéger".
SOS homophobie avait demandé le retrait de la loi, ce que – selon nos informations – les députés s’apprêtent à faire. Daniel Fasquelle nous a demandé un droit de réponse. Mais il n'a pas répondu à toutes nos interrogations…
TÊTU : Qu’entendez-vous par la "corrélation" entre mariage pour tous et pédopornographie énoncée dans l’exposé des motifs de cette loi ?
Daniel Fasquelle : Ma proposition de loi est un texte qui a été travaillé avec des universitaires spécialistes du droit de la famille (dont les noms ne nous ont pas été communiqués malgré nos demandes, ndlr). Il est ambitieux, comprend plus de 90 articles et traite donc de sujets très différents qu’il faut envisager séparément comme on le ferait dans un code ou dans un projet de loi. En particulier il n’a jamais été question, bien évidemment et à aucun moment, d’associer homosexualité et pédopornographie. La structuration du texte, divisé en chapitres, me semblait très claire à ce sujet. Visiblement ce n’est pas le cas. Par conséquent et pour mettre fin à toute polémique et clore définitivement ce sujet, je proposerai à la rentrée parlementaire de janvier à mes collègues de retirer la proposition de loi en l’état. Je reprendrai ensuite dans des textes séparés chacune des questions : mise en conformité du droit français par rapport à la convention de New-York sur les droits de l’enfant, statut du beau-parent, lutte contre la GPA, protection civile et pénale de l’enfant. Des propositions de loi différentes et retravaillées permettront d’éviter toute possibilité de confusion et tout malentendu.
Le député Jean-Charles Taugourdeau avait décidé de ne plus soutenir cette proposition de loi. Quelle est votre réaction ?
J’ai été blessé par les accusations insensées portées contre mes collègues et moi-même sur l’amalgame que nous ferions entre homosexualité et pédopornographie dans notre proposition de loi. Cela n’a aucun sens. La proposition de loi comprend 95 articles ce qui est très rare. Elle traite d’un très grand nombre de sujets dans des chapitres bien distincts. La question de la protection de l’enfant contre toutes formes de violence et d’abus est abordée dans un chapitre 4 bien à part des autres. La structure même du texte montre clairement qu’il n’y a donc, bien évidemment et définitivement, aucun lien entre la question du mariage de personnes de même sexe et celle du renforcement nécessaire de la lutte contre la pédopornographie.
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Avec ce texte, souhaitiez-vous remettre en cause le mariage pour tous ? Vous inscrivez-vous dans la ligne de pensée Fillon/Wauquiez/Manif pour tous ?
Concernant la question du mariage de personnes de même sexe, la proposition de loi ne remet à aucun moment en cause cette nouvelle forme d’union. Je profite de cette occasion pour rappeler qu’au moment des débats sur la loi Taubira, j’avais personnellement proposé une union civile célébrée en mairie et qui avait les mêmes effets patrimoniaux que le mariage. Je n’ai pas été suivi à l’époque par mon groupe et mon parti. Pour revenir à la proposition de loi, il est suggéré de modifier la place de ce mariage dans le code civil dans le but, comme cela apparaît dans le point 3 de l’exposé des motifs de "lutter efficacement contre la gestation pour autrui". Je ne connais pas les positions de Monsieur Wauquiez sur le sujet… Mais il n’est en aucun cas question de revenir sur la loi entre les personnes de même sexe.
En quoi la PMA (procréation médicalement assistée, soit don de sperme ou d’ovule déjà possible dans le cadre de couples hétérosexuels) conduirait-elle à la GPA (la rémunération ou l’utilisation non-rémunérée, dite éthique, de la fonction de gestation des femmes) ? Êtes-vous pour la reconnaissance des enfants nés de GPA à l’étranger ?
Je suis convaincu, en effet, qu’au nom du principe d’égalité (entre couples gays et lesbiens, ndlr), la jurisprudence, qu’elle soit française, européenne ou internationale, débouchera sur la reconnaissance de la GPA que je combats. La solution technique que nous proposons permettrait d’éviter efficacement une telle dérive qui nous semble, sinon, inévitable.
Le statut de tutelle et le statut de beau-parent que vous proposez viendraient-ils remplacer une situation déjà existante comme l’adoption plénière ? Voulez-vous supprimer l’adoption plénière par les conjoints dans les couples homosexuels ?
Non en aucun cas, ce statut de tutelle est différent, il pourrait convenir à des couples homosexuels qui ne veulent pas forcément adopter, et ne viendrait pas remplacer l’adoption plénière.
Certaines questions posées sont restées sans réponses. Nous les laissons à votre appréciation :
Vous souhaitez remplacer la notion de "parents" par "père et mère". Est-ce qu'une famille constituée de deux pères ou de deux mères est une vraie famille pour vous ?
Pourquoi ne pas citer d'autres dangers comme la protection des enfants de chœur ou des scouts par exemple ? Pourquoi ne pas renforcer les services de protection de l'enfance ? Ou même la lutte contre l'homophobie et la transphobie qui sont des dangers pour l'épanouissement des enfants LGBT ?
Soutenez-vous les actions de sensibilisation de SOS homophobie dans les écoles ?
Nul doute que ces axes de protection de TOUS les enfants seront intégrés dans les prochaines propositions.
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