À Tunis, l’association Mawjoudin – « nous existons » en arabe – tient depuis le 17 janvier le premier festival ciné d’envergure dédié au genre, à la sexualité et à la militance dans la région Mena.
« Les festivals viennent les uns après les autres, mais ils ne se ressemblent pas », énonçait prophétiquement la jeune association Mawjoudin depuis sa page Facebook en novembre dernier. Active depuis 2014, la structure tunisienne réalise des campagnes de sensibilisation aux droits LGBTQI, milite auprès des pouvoirs publics pour l’abolition de l’article 230 du Code pénal tunisien qui punit les rapports homosexuels de 3 ans de prison et collabore avec sa consœur féministe Chouf, elle aussi née de la révolution de 2011.
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Depuis une petite année, Mawjoudin organise également des projections cinéma dans ses locaux. Le MQFF (pour Mawjoudin Queer Film Festival, à ne pas confondre avec le Melbourne Queer Film Festival) est le prolongement de ce ciné-club. Jusqu’au 18 janvier, plusieurs courts et longs-métrages réalisés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ou en Afrique subsaharienne y sont projetés. L'entrée est libre et gratuite dans les limites des places disponibles. Le soir de l’ouverture, on distingue de nombreuses personnes debout dans la salle obscure avant que le docufiction Upon The Shadow, sensation aux Journées cinématographiques de Carthage, inaugure les festivités. Sur Twitter, l’association confirme que pendant la projection, « la moitié du public se tient debout, il ne reste plus aucune place. »
Projection of Nada Mezni’s "Upon the shadow" is happening now with almost half the attendees standing, no places left. #LGBTQI #Tunisia pic.twitter.com/c1hHcj39Nd
— Mawjoudin (We Exist) (@Mawjoudin) 15 janvier 2018
Les photos de la séance d'ouverture ici.
Conjuguer promotion et discrétion
Pour un coup d’essai, c'est un sans faute. L’identité visuelle est travaillée et la logistique emprunte celle des soirées branchées (bracelets, photographe, etc.). Le festival se tient à Tunis mais a une ambition nationale, comme le rappelait ce matin France Culture : « contre ce cliché d’un mouvement bourgeois réservé à la banlieue nord de Tunis, Mawjoudin avait organisé la campagne “Ici aussi, l’homosexualité existe” : un coming out collectif où chacun participait avec des photos et le nom de sa ville. » Dans les rangs de Mawjoubin, on conserve toutefois l'anonymat pour garantir sa sécurité ; il y a un mois, une autre association LGBT tunisienne, Shams, a lancé la première radio LGBT de la région, affrontant plusieurs milliers de messages d’insultes et de menaces de mort, à tel point que le directeur de la chaîne a dû se cloîtrer plusieurs jours dans le studio d’enregistrement tenu secret et gardé par les autorités.
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Pour le MQFF, pas de protection policière. Aucun lieu de projection n’a été rendu public, tout se joue par le bouche à oreille. « Nous voulons donner un espace aux gens queers en général pour échapper à la pression sociale et pouvoir s’identifier à quelque chose, trouver un moyen de s’exprimer », renseigne la militante Senda Ben Jebara à l’AFP. Un de ses camarades a réalisé deux bandes-dessinées qui seront exposées dans le cadre du festival, racontant le harcèlement sexuel dans les écoles et les lycées, et « la discrimination que subissent les jeunes adultes dans le cadre de mariages forcés », précise le coordinateur. Ses planches seront accrochées jeudi, jour de clôture du festival qui accueillera aussi la remise de récompense symbolique des courts-métrages.
Couverture : crédit photo Mawjoudin/Facebook