SantéSida : l'autotest VIH, quel bilan trois ans après ?

Par Clément Boutin le 06/07/2018
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Depuis septembre 2015, les personnes qui le souhaitent peuvent, en toute sécurité, chez elles, se tester grâce à un autotest VIH et connaître leur statut sérologique. Un outil censé réduire le nombre de personnes ignorant être porteuses du virus.  Elles sont encore près de 25 000 en France. 

Vingt-cinq mille. C’est le nombre de Français.e.s qui ignorent être séropositif.ve.s, selon l’organisme Santé publique France. Environ 40% sont des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH), 40% des migrant.e.s hétérosexuel.le.s, principalement d’Afrique subsaharienne et 20 % des hétérosexuel.le.s né.e.s en France. Afin de diminuer ces chiffres alarmants, un nouvel outil de dépistage existe depuis bientôt trois ans au sein de l’Hexagone : l’autotest VIH.

Ce kit de dépistage permet à n’importe qui de connaître, chez lui, avec une seule goutte de sang et en 15 minutes, son statut sérologique, suite à un rapport sexuel à risque datant de plus de trois mois. Un « outil essentiel » selon Jean-Luc Romero, ambassadeur de la « Région l’Île-de-France sans sida ». Rencontré à Villiers-le-Bel (Val d’Oise), sur le nouveau site d’assemblage des autotests de la société française AAZ, le conseiller régional IDF ajoute :

« Au départ, j’avoue que j’étais un peu réticent. J’imaginais que si j’avais appris ma séropositivité chez moi, ça m’aurait fait un peu peur. Mais on s’est rendus compte que, rien que dans notre pays, il y a 25 000 personnes qui ne connaissent pas leur statut. Donc ça paraissait en fait extrêmement important. »

« Un public cible qui ne se sait pas atteint par le virus »

Commercialisé pour la première fois en septembre 2015 dans les pharmacies, l'autotest se vend chaque année à près de 100 000 exemplaires. Son prix oscille entre 20 et 30 euros s’il provient de l’entreprise AAZ. Un nouveau kit, produit par la société Biosynex, est récemment arrivé sur le marché et coûte quant à lui 10 euros.

Pour ceux qui n’auraient pas les moyens de se les procurer, les autotests sont distribués gratuitement par plusieurs associations comme HF Prévention et Aides. En juillet 2017, la région Île-de-France a également voté à l’unanimité un plan de 1,5 millions d’euros pour lutter contre le sida, qui comprend notamment l’achat de 100 000 autotests VIH, distribués aux différentes associations parisiennes et franciliennes.

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Les autotests ont-il un réel impact dans le dépistage et la propagation du virus ? Oui, selon Farida Adlani, vice-présidente de la région Île-de-France, qui nous raconte cette anecdote :

« Nous avons récemment inauguré un bus, Valérie Pécresse et moi, avec l’association HF Prévention, dans une université de Jussieu, pour faire de la prévention auprès des étudiants. Le véhicule est resté deux jours sur le campus et environ 14 personnes ont découvert leur séropositivité grâce à cet autotest. Nous avons, bien évidemment, été très surprises de ces chiffres. Beaucoup de jeunes pensent encore qu’en s’embrassant ou qu’en s’asseyant sur la cuvette des WC ils vont contracter le sida, mais non ! Il y a un combat politique à mener sur la communication mais nous devons aussi aller voir ce public cible qui ne se sait pas atteint par le virus. »

« Hétérosexuels », mariés, pères, qui couchent avec des hommes

Mais les jeunes ne représentent pas le seul public concerné par les autotests. Jérôme André, directeur de HF Prévention, explique que son association intervient sur différents lieux de rencontres extérieurs (parkings, forêts, airs d’autoroutes...), où il peut y avoir de 250 à 3 000 personnes par jour : 

« Principalement des 'hétérosexuels', pères de familles, mariés, qui aiment leurs femmes et leurs enfants mais ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. Ces derniers n’ont pas forcément les moyens de se procurer un autotest ou de justifier la dépense auprès de leurs femmes. »

Ces hommes sont « des PDGs, des employés, des ouvriers, des étudiants qui ne peuvent pas s’assumer et aller dans le milieu gay parisien. Ils ne vont pas non plus être sur les applis de rencontres car ils ont une sexualité cachée. Quand ils viennent nous voir, on va d’abord réaliser des TROD (Test rapide d'orientation diagnostique) et on va distribuer, ensuite, des autotests. En moyenne, sur ces lieux de rencontres, on trouve 9% de personnes nouvellement séropositives ».

« Un outil supplémentaire et complémentaire »

Grégory Braz, chargé de mission Nouvelles stratégies de santé chez Aides, confirme l’importance, et la fiabilité, de l’autotest « pour connaître son statut sérologique dans le cas d'une prise de risque supérieure à trois mois ». « C’est un outil supplémentaire et complémentaire », ajoute-t-il. Son association en a distribué environ 1 200 entre avril et décembre 2017, à une majorité de personnes (316) qui déclarent avoir eu des risques répétés.

Sida : l'autotest VIH, quel bilan trois ans après ?

Si une personne a eu un rapport à risque inférieur à trois mois, Aides conseille de réaliser un TROD ou une prise de sang dans un laboratoire, en donnant un ou deux autotests en passant afin qu’elle parlent de ce nouveau moyen de dépistage auprès de son cercle d’amis. 

 
Crédit photo : capture d'écran Twitter.