agressionUne étudiante trans' menacée de mort à Limoges : une enquête a été ouverte

Par Rozenn Le Carboulec le 14/09/2018
Limoges

Le 6 août dernier, Ajda*, une étudiante transgenre, a été agressée et menacée de mort devant un supermarché de Limoges. Plus d'un mois plus tard, elle n'a aucune nouvelle de la plainte qu'elle a déposée le lendemain des faits. Le vendredi 14 septembre, la préfecture de la Haute-Vienne a annoncé l'ouverture d'une enquête, après la publication d'un communiqué de SOS Homophobie dénonçant l'inaction des services de police.

"Je suis devenue parano. Je ne sors plus. Quand je vais au supermarché, je regarde à gauche, à droite, derrière et devant. Cette haine inouïe m'a complètement bouleversée." Ajda*, une étudiante transgenre de 28 ans, a été victime d'une violente agression, verbale et physique, sur le parking d'un supermarché de Limoges le 6 août dernier. "Lorsque je suis arrivée, une voiture a voulu me percuter. Le conducteur est descendu de sa voiture avec une femme. Je suis allée le voir et je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça. Il s'est mis à hurler 'Dégage pédé', puis 'tafiole', 'tarlouze', 'tapette' et a fini par me dire 'Je fais ce que je veux', raconte à TÊTU, encore sous le choc, cette réfugiée politique d’un pays du Caucase.

L'agression ne s'est pas arrêtée là. Alors qu'elle s'éloignait, Ajda s'est aperçue que l'homme la suivait :

"Il m'a dit : 'pédé, si je te tue je ne risque rien', 'chérie, viens je t'encule, je te baise' , 'je te ferai la peau', 'viens tafiole, je te lâche pas'. Il avait un bâton avec lequel il tapait sur sa portière. Je me suis réfugiée au supermarché", poursuit-elle. 

Même si le véhicule n'a fait que la frôler, Ajda souffre de plusieurs blessures, constatées par le CHU de Limoges, entraînant plusieurs jours d’interruption totale de travail (ITT).

SOS Homophobie demande l'ouverture d'une enquête

Le lendemain, Ajda, qui a eu le réflexe de prendre en photo la plaque d'immatriculation de la voiture de l'agresseur, se rend à l'hôtel de police de Limoges pour porter plainte. Sur le procès verbal, que TÊTU a pu consulter, a été retenue l'infraction "d’injures non-publiques en raison de l’orientation sexuelle". Mais plus d'un mois après les faits, elle reste sans nouvelles de sa requête. "Pourtant, la police de Limoges possédait la plaque d’immatriculation et la description de mon agresseur, la marque de sa voiture, et ils auraient pu exploiter les enregistrements de la caméra de surveillance du supermarché", déplore-t-elle.

"Ni le caractère évidement public des insultes transphobes tenues sur un parking de supermarché, ni les coups et blessures constatées par le CHU, ni les menaces de mort, ni la tentative de meurtre à l’aide d’une voiture n’ont été retenus par les services de police", regrette pour sa part SOS Homophobie. Dans un communiqué publié ce vendredi 14 septembre, l'association a demandé l’ouverture d’une enquête dans les plus brefs délais, en se réservant le droit de se porter partie civile.

« On reproche aux personnes LGBT de ne pas porter plainte »

Dénonçant l'inaction des services de police de Limoges, SOS homophobie rappelle qu'elle a reçu, en 2017, 186 témoignages d’actes transphobes, contre 121 en 2016. Soit une augmentation de 53%.

De son côté, Ajda confie être presque davantage traumatisée par l'attitude de la police que par l'agression dont elle a été victime. Elle confirme ce que TÊTU avait évoqué dans un article récemment : pour les personnes LGBT+, porter plainte s'assimile parfois à un parcours du combattant. "Maintenant je comprends mieux pourquoi mon agresseur me disait que s'il me tuait, il ne risquerait rien. Après on reproche aux personnes LGBT de ne pas porter plainte quand elles subissent une agression...", regrette-t-elle. Et d'ajouter : "Ce sentiment d’impuissance me nuit chaque jour. Je suis seule et anéantie".

A LIRE AUSSI : Les policiers sont-ils formés aux questions LGBT+ ? La galère du dépôt de plainte pour homophobie

Dans la soirée du 14 septembre, la préfecture de la Haute-Vienne a finalement répondu sur Twitter : « La plainte déposée par la victime a donné lieu à l’ouverture d’une enquête. L’auteur connu des services de police a été identifié et est actuellement recherché. Un témoin a été entendu ce jour ». 

*Prénom d'emprunt.

Crédit photo : capture Google Maps.

Article mis à jour le lundi 17 septembre.