discriminationVIH : une personne séropositive sur deux a renoncé à avoir des enfants

Par Youen Tanguy le 19/09/2018
séropositivité

Si le niveau de bien-être des personnes ayant contracté le VIH est proche de celui de la population générale, elles sont encore nombreuses à cacher leur séropositivité à leurs proches, selon une enquête Ipsos pour Gilead, rendue publique ce 19 septembre.

Les chiffres sont alarmants. Près d'une personne vivant avec le VIH sur trois (31%) n'a parlé de sa séropositivité qu'à trois de ses proches au maximum, selon une enquête Ipsos pour le laboratoire pharmaceutique Gilead, dont TÊTU dévoile en exclusivité les résultats ce mercredi 19 septembre.

Preuve que l'évocation du VIH est toujours tabou en 2018, ils sont 43% à mentir "souvent" à leur entourage sur leur situation et 41% à cacher leurs rendez-vous médicaux et leurs traitements à leurs proches.

Un bon niveau de bien-être mais...

Point positif de l'enquête : les personnes interrogées évaluent leur niveau de "bien-être général" à 6,9/10 en moyenne. "Une évaluation équivalente à celle de la population générale qui est environ de 6,7/10", note l'enquête.

Pour autant, vivre avec le VIH a encore de lourds impacts dans la vie quotidienne des répondant.e.s, dont 60% ont renoncé à demander un prêt immobilier.

Des conséquences sociales et familiales

57% d'entre eux confient que leur séropositivité a fortement impacté leur vie sexuelle et 43% leur vie de couple et près d'une personne sur deux a renoncé à son désir de parentalité (47%). En outre, 29% ont retardé leur projet d'avoir des enfants.

Ils sont également 38% à avoir renoncé à se marier ou à se pacser et 18% à avoir retardé leur décision. Pire : huit personnes sur dix (78%) ont anticipé ou concrétisé un divorce ou une séparation avec leur conjoint.e suite à la découverte de leur séropositivité.

Et si le sujet n'est pas une obsession, une personne sur trois (34%) assure penser à sa séropositivité au moins une fois par jour et presque une sur cinq (17%) confie y penser plusieurs fois par jour.

Des délais trop longs

Mais les moments les plus difficiles semblent se concentrer autour de la découverte de la séropositivité. Notamment à cause du délai entre le test positif et le démarrage du traitement : un tiers des répondant.e.s (31%) déclarent avoir attendu plus d'un an.

Une attente jugée trop longue pour deux tiers d'entre eux, dont 46% craignaient de contaminer leur partenaire ou leur entourage.

Manque d'information

Autre problème selon l'enquête : le manque d'information sur le VIH et l'évolution de la maladie. Ainsi, près d'une personne sur deux estime manquer d'information sur l'évolution de la maladie au cours de sa vie (45%), les innovations thérapeutiques à venir (42%) et son espérance de vie (41%).

"Si les patients témoignent d'une qualité de vie satisfaisante d'un point de vue social et professionnel et que les choses s'améliorent, parler de sa séropositivité est toujours tabou dès lors que l'on entre dans la sphère privée, analyse Luc Barthélémy, directeur de clientèle santé à l'Ipsos. La vision de l’entourage, la fréquence à laquelle on pense à la maladie et l’impact sur la parentalité sont encore très importants."

Campagne de communication

En parallèle, Gilead lance une campagne de communication nationale du 17 septembre au 15 décembre 2018 intitulée "Passe le mot, pas le virus". Le but ? Faire la promotion des trithérapies et du préservatif. Une initiative sensibilisant à la prévention qui, si elle est toujours la bienvenue, risque de ne pas plaire à tout le monde.

Plusieurs associations, dont Aides et Médecins du Monde, dénoncent depuis plusieurs années le monopole de Gilead sur les traitements contre l'hépatite C ou, plus récemment, le Truvada (médicament utilisé pour la PrEP ou la trithérapie), dont le générique sera finalement distribué en Europe prochainement.

Pour les besoins de cette enquête, 200 patients âgés de 16 ans ou plus vivant avec le VIH, recrutés via les infectiologues et les pharmaciens (libéraux et hospitaliers), ont été interrogés par téléphone ou par internet depuis le 20 juin 2018.

Crédit photo : Phxere