GPAGPA et "mère d'intention" : la Cour de cassation attend l'avis de la CEDH

Par Romain Burrel le 05/10/2018
GPA

La Cour de cassation a sollicité vendredi l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme sur la question du statut de la "mère d'intention" d'un enfant né par gestation pour autrui (GPA) à l'étranger. Une femme qui a désiré et élevé l'enfant mais n'en a pas accouché.

La Cour de cassation ne se mouille pas. Cette "mère d'intention" peut-elle être reconnue en droit français comme seule mère ? Amenée à statuer pour la première fois sur ce point, la formation la plus solennelle de la Cour de cassation, l'assemblée plénière, a décidé d'attendre l'avis consultatif de la CEDH pour se prononcer sur le cas devenu emblématique des époux Mennesson.

La Cour de cassation réexaminait la demande de ce couple qui réclame depuis 18 ans la transcription pure et simple en droit français des actes de naissance de ses jumelles. Fiorella et Valentina sont nées en 2000 de GPA en Californie, où ce procédé est légal.

Sylvie et Dominique Mennesson, installés en région parisienne, apparaissent sur ces actes de naissance californiens comme seuls père et mère.

Plus compliqué pour la mère

Ils avaient essuyé un refus de la Cour de cassation en 2011, mais avaient ensuite fait condamner la France par la CEDH en 2014. Cette décision ouvrait la voie à ce réexamen. Depuis, la jurisprudence de la Cour de cassation a changé : les enfants nés par GPA à l'étranger peuvent avoir deux parents légaux en France. Toutefois cette reconnaissance doit passer par l'adoption pour le conjoint du parent biologique.

La reconnaissance de l'entière paternité de Dominique Mennesson paraît aujourd'hui acquise, puisqu'il est père biologique des jumelles.
C'est plus compliqué pour Sylvie qui ne peut pas avoir d'enfant, en raison d'une malformation rare et n'a aucun lien biologique avec ses filles. La mère porteuse avait reçu un don d'ovocytes d'une amie du couple. Car selon un vieux principe de droit romain repris par la loi française, la mère reste celle qui accouche.

Estimant que la jurisprudence européenne est encore floue sur cette question de la "mère d'intention", la Cour de cassation a demandé son avis à la CEDH avant de trancher. Cela lui permet d'éviter un conflit de jurisprudence avec les juges de Strasbourg qui, déjà saisis de la question par d'autres voies, doivent la trancher à moyenne échéance.

« Patate chaude »

Patrice Spinosi, l'avocat des parents Mennesson, avait demandé la reconnaissance de la filiation s'agissant des deux parents. Ou, à défaut, de recourir à cet avis de la CEDH.

Jointe au téléphone par TÊTU, Caroline Mécary, avocate spécialisée dans le droit de la famille, est très sévère à l'égard de cette « non-décision » :

« En lui demandant son avis, la Cour de cassation a refilé la patate chaude à la CEDH !  Très sincèrement, elle aurait dû prendre ses responsabilités. Soit en établissant une retranscription partielle, dans la droite ligne de sa jurisprudence du 5 juillet 2017. Soit en prononçant une retranscription intégrale. C’est un manque de courage de la part de la Cour. Là, elle s’obstine à vouloir effacer juridiquement la mère. »

Et l’avocate de prédire que « la CEDH saisie de cette demande d’avis pourrait statuer que celle-ci relève de la marge d’appréciation des Etats. Auquel cas, elle renverra l'affaire vers la Cour de cassation... » 

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Avec AFP