PMANon Agnès Buzyn, un donneur de sperme n'est pas un "père biologique"

Par Rozenn Le Carboulec le 07/11/2018
Agnès Buzyn

Le 5 novembre, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a été critiquée pour avoir repris des éléments de langage de la Manif pour tous sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Parler de "père biologique" au lieu de donneur de sperme en ce qui concerne la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes. C'est ce qu'a fait Agnès Buzyn, lors d'une interview ce 5 novembre. Invitée sur LCP, la ministre de la Santé a notamment affirmé : "La façon dont on va écrire la filiation va bien acter qu'il y a un père. On ne nie pas le père. Le père biologique existe évidemment, et si nous allons vers l'accès aux origine des enfants (...), si c'est voté et si nous allons dans cette direction, ça voudra dire que l'enfant pourra accéder à cette figure paternelle".

Puis d'ajouter : "Cela évite de nier cette évidence qu'on a été conçu d'une certaine façon avec un père biologique et deux mères qui s'occupent de vous". 

Les éléments de langage de la Manif pour tous

"Figure paternelle", "père biologique"... Voilà qui rappelle grandement les éléments de langage de la Manif pour tous, qui brandit sans cesse la menace de "PMA sans père" lorsqu'on aborde la procréation médicalement assistée pour les couples de lesbiennes et les femmes célibataires. Ce qui n'a pas manqué de faire bondir un certain nombre d'internautes.

Des propos faux au regard de la loi

Mais au-delà de l'idéologie contenue dans ce type de propos, parler de "père biologique" en ce qui concerne la PMA pour toutes marque une différence de traitement entre couples hétérosexuels et couples de lesbiennes. Un choix de sémantique particulièrement inquiétant, de la part de la ministre qui portera le projet de révision de la loi de bioéthique, attendu au tournant par les associations LGBT+.

Contactée par TÊTU, l'avocate Caroline Mecary insiste sur ce qu'elle considère comme "un abus de langage" et une "grande confusion mentale" : "Quand il s'agit de permettre aux couples hétéros d'avoir accès à la technique de procréation médicalement assistée avec donneur anonyme, personne ne parle de 'père' ! Mais dès que l'on aborde la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires, un donneur devient un 'père'. Non, il reste un donneur, qu'il y ait levée de l'anonymat ou pas".

Et l'avocate de rappeler qu'une telle formulation est surtout totalement fausse d'un point de vue juridique : "Il y a une confusion entre la place de chacun en droit et les faits. Le père est quelqu'un qui a un lien de filiation juridique avec l'enfant, pas un lien biologique". L'article 311-19 du code civil est d'ailleurs on ne peut plus clair à ce propos : "En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation", précise-t-il.

Encore des efforts à faire au gouvernement

Ce n'est pas la première fois que des membres du gouvernement emploient des éléments de langage inappropriés, voire problématiques, pour parler des personnes LGBT+. Le 31 octobre, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a employé sur France Inter le terme de "choix" à propos de l'orientation sexuelle. Deux jours plus tôt, le 29 octobre, le président de la République lui-même a été critiqué pour avoir parlé dans un tweet de "tolérance" en ce qui concerne l'homosexualité.

Visiblement, certains membres du gouvernement ont encore besoin d'être sensibilisés aux questions LGBT+. En réponse aux propos d'Agnès Buzyn, l'Association des familles homoparentales (ADFH) a tweeté : "Un donneur de sperme ne sera jamais un père. Une donneuse d’ovocyte ne sera jamais une mère. À votre disposition pour aborder ces sujets Agnès Buzyn et utiliser la bonne sémantique". À bon entendeur...

Crédit photo : capture LCP.