Alors que s'est achevée ce vendredi 4 janvier une consultation en ligne lancée par le Conseil économique, social et environnemental, les premiers résultats sont désolants, avec en tête des revendications l'abrogation de la loi Taubira. Des chiffres qui s'expliquent notamment par une mobilisation massive des réseaux anti-mariage pour tous.
La grande consultation en ligne lancée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), visant à répondre aux revendications des gilets jaunes, s'est achevée vendredi 4 janvier. En tout, quelque 9059 contributions ont été déposées pour 31.044 participants et 260.854 votes. Le Cese proposait aux citoyens "avec ou sans gilet jaune" de s'exprimer sur six sujets : "inégalités sociales", "justice fiscale", "inégalités territoriales", "pouvoir d'achat", "participation des citoyens" et "transition écologique".
Dans les contributions les plus votées figurent des textes pour demander "la fin des subventions dans l'éolien", "le retour à l'universalité des allocations familiales", "la prise en compte du vote blanc" ou "la création d'un référendum d'initiative citoyenne" (900 votes).
Mais - oh surprise - c'est une toute autre revendication qui arrive en tête des votes : l'abrogation de la loi Taubira. La proposition, qui dénonce "un bouleversement sans précédent de l'ordre des filiations par la déstructuration des fondements de la famille traditionnelle", a recueillie près de 5.900 votes.
Des résultats étonnants
Un résultat étonnant, quand on sait que les principales revendications des gilets jaunes sont surtout axées sur le pouvoir d'achat, la fiscalité et la hausse de taxes. Comment expliquer alors de tels chiffres ? Depuis le 15 décembre, plusieurs réseaux anti-mariage pour tous se sont mobilisés pour squatter la plateforme du Cese.
C'est notamment le cas d'un collectif très proche de La manif pour tous (ils reprennent d'ailleurs le slogan du mouvement) : "On ne lâche rien". C'est ce groupe qui est à l'origine de la contribution sur l'abrogation de la loi Taubira.
La page d'accueil du site internet du collectif appelle les internautes à "défendre la famille" en votant "avant le 4 janvier". Preuve, s'il en fallait une, que ces résultats sont le fruit d'une forte mobilisation du collectif : vendredi 4 janvier à 12h, soit quelques heures avant la fermeture de la consultation, 4.700 votes avaient été recueillis pour l'abrogation de la loi Taubira. A la fin de journée, on en comptait près de 5.900.
Pourquoi une telle mobilisation ?
Dans une interview à nos confrères d'Arrêt sur images, Virginie Tellenne (aka. Frigide Barjot) a assuré qu'elle n'était pas à l'origine de cette proposition, qui viendrait, selon elle de la Manif pour tous. "Elle a un très grand réseau, c'est grâce à cela qu'ils ont réuni tant de votes". Comme le souligne la Croix, cité par le Huffpost, le mouvement a fait le tour des ronds-points entre le 3 et le 22 décembre pour sonder les gilets jaunes sur leur vision de leur famille.
En tout cas, si elle assure ne pas être à l'origine de cette proposition pour abroger la loi Taubira, Virginie Tellenne en a bien lancé une autre, via son association "L'avenir pour tous", et arrivée en troisième position de la consultation du Cese. Cette dernière réclame un référendum d'initiative citoyenne (RIC) sur l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, promesse de campagne d'Emmanuel Macron.
Une proposition longue et pas franchement claire intitulée : "PMA pour toutes : préférer une procréation par co-parentalité des géniteurs et éducateurs pour les familles hors de la conjugalité homme-femme fertile". Selon le texte, la PMA pour toutes les femmes va contribuer à "effacer les structures sexuées de notre procréation et donc la biologie-même de notre humanité homme-femme".
De réelles préoccupations pour les gilets jaunes ?
Le texte s'emploie ensuite à dénoncer, sans détour, la loi Taubira qui aurait "effacé le principe d'unicité de la filiation sexuée". Difficile de croire, dans ces conditions, que le collectif "L'avenir pour tous" ne serait pas, lui aussi, à l'origine du vote massif pour l'abrogation de cette loi.
Selon l'Obs, cette proposition a été très relayée par le "Collectif de citoyens appelant à un rassemblement pour la démocratie" qui a envoyé énormément d'e-mails, y compris aux médias, pour inciter, notamment, à voter pour un "RIC" sur la loi bioéthique.
Président, il s'avère que notre revendication de RIC est bien la revendication des #GiletsJaunes, et qu'y soumettre le projet de loi qui change radicalement la procréation humaine de sexuée à 2 pers. à unipersonnelle asexuée, a pour but d'informer tous les citoyens concernés !! https://t.co/8fYLdSJ119
— Virginie Tellenne Ù (@FrigideBarjot) January 6, 2019
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Mais, comme pour l'abrogation de la loi Taubira, c'est totalement hors-sujet, même pour les premiers opposants à la PMA pour toutes. "Ce n'est ni le sujet ni la préoccupation des gilets jaunes. Spontanément, ils n'en parlent pas", a même concédé Ludovine de La Rochère, la présidente de la Manif pour tous (LMPT) à La Croix.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux gilets jaunes ont tenu à se désolidariser de cette proposition, rappelant qu'elle ne fait absolument pas partie de leurs revendications. "NON les gilets jaunes n'ont pas demandé l'abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous, dénonce @ZabouF sur Twitter. Par contre, le collectif 'Manif pour tous' a squatté la consultation du Cese pour demander l'abrogation de la loi Taubira, sans aucun rapport avec les revendications des gilets jaunes."
NON les #GiletsJaunes n'ont pas demandé l'abrogation de la loi #Taubira sur le mariage pour tous
par contre, le collectif "manif pour tous" a squatté la consultation du @LECESE pour demander l'abrogation de la loi Taubira, sans aucun rapport avec les revendications des GJ— ᦠIsabelle ã (@ZabouF) January 5, 2019
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Le Cese dit "en tenir compte"
Contacté par TÊTU, un membre du Cese reconnait l'influence de ces groupes sur les résultats, à l'image de ce qu'on avait pu voir pendant les Etats généraux de la bioéthique où des militants de La Manif pour tous étaient bien souvent sur-représentés. "Nous ne sommes pas naïfs, nous explique cette source. Ce type d'agissement a toujours existé et nous allons en tenir compte."
Avant de temporiser : "Cette consultation est un vrai succès en termes de participation et nous avons d'autres contributions que celle sur la loi Taubira." Ces sujets seront-ils conservés pour l'analyse des résultats ? Selon nos informations, une commission temporaire doit se réunir ce lundi 7 janvier pour en décider.
"Sur la base des résultats de cette consultation, mais aussi d'auditions et de la consultation de citoyens tirés au sort, un avis sera élaboré et présenté au vote en mars 2019, afin d'apporter une réponse globale aux enjeux révélés par le mouvement des gilets jaunes et s'inscrire dans le débat national", avait précisé cette assemblée constitutionnelle de représentants sociaux et associatifs le 15 décembre dernier.
Grand débat national à venir
Mais si l'avis du Cese n'est que consultatif, le "grand débat national" qui doit débuter le 15 janvier prochain, pourrait bien, lui, rouvrir le débat du mariage pour tous.
Invitée d'Europe 1 ce lundi 7 janvier, la présidente de la Commission nationale du débat public Chantal Jouanno a assuré qu'aucun thème n'était exclu. "Peut-être que nos concitoyens voudront le faire (rouvrir le débat sur le mariage pour tous, NDLR), a-t-elle lâché. Nous n'interdisons aucun thème. C'est ensuite au gouvernement de décider ce qu'il en fera.
"Impensable pour le président de SOS Homophobie Joël Deumier, qui estime qu'on "ne débat pas des droits humains consacrés !". "Dans une société démocratique et dans un Etat de droit, ils sont acquis et intangibles", abonde-t-il.
On ne débat pas des droits humains consacrés ! Dans une société démocratique et dans un Etat de droit, ils sont acquis et intangibles. Comment peut-on déclarer cela @Chantal_Jouanno sans prendre le risque de libérer la parole #homophobe ? #Debatnational https://t.co/E3Tp0EhmBO
— Joël Deumier (@joeldeumier) January 7, 2019
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Officiellement, quatre grands thèmes sont au programme de ce débat : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté (dont l'immigration), l'organisation de l'État et des services publics.
Crédit photo : Wikimedia Commons.