[PREMIUM] Multi-instrumentiste, chanteuse et DJ phare des soirées LGBT, Léonie Pernet nous a reçu dans son studio d'enregistrement où elle nous a parlé de la mythologie du Pulp, de la diversité de la communauté LGBT+, de poésie et de pères. Interview.
Le succès critique de "Crave", son premier album sorti en septembre 2018, est indéniable. La DJ électro qui a marqué de son empreinte les soirées lesbiennes (et plus largement la nuit LGBT) ne veut plus qu'on lui dise qu'elle fait de l'électro. Avec son premier album, Léonie Pernet nous a ouvert la porte d'un univers où les chants sacrés rencontrent le rock indé, la techno et Jeanne Moreau. Une richesse musicale qui rejoint celle de son discours politique.
La chanteuse, dont l'indignation est aussi calme que réfléchie, nous accueille sur le canapé qu'elle vient d'installer dans l'appartement du XVIIIe où elle enregistre. « Enfin un canapé dans mon studio, c’est une petite révolution pour moi ! », rigole-t-elle en se roulant une cigarette, avant de répondre à nos questions.
Dans "Crave", tu chantes en français, en anglais et en arabe. C'est aussi le cas de Camélia Jordana dans son dernier album "LOST". Tu penses que l'on peut enfin utiliser l'arabe dans la musique qui sort en France, hors raï et musique traditionnelle ?
Camélia Jordana a eu la Victoire de la Musique dans la catégorie « Musique du monde », c’est quand même curieux ! Il y a aussi d'autres artistes, dont Acid Arab qui a rendu l’arabe « fancy » dans l’électro. Au départ, ce n'était pas gagné. Donc oui, il semblerait qu’on puisse utiliser davantage la langue arabe. Mais on a quand même toujours cette putain de catégorie « Musique du monde ». De quel monde parle-t-on ? Celui qui n’est pas le nôtre ?
Tu dirais que les choses n'ont pas tant changé depuis Rachid Taha ?
Je ne voudrais pas livrer d’analyse non-réfléchie. Ce que je peux dire, c’est que chanter en arabe, c’est beau et ça a du sens. L’histoire de l’immigration dans notre pays est extrêmement forte. Il serait temps de l’embrasser. Sans la catégoriser dans la rubrique « Musique du monde ».
Dans ta chanson « Father », tu chantes « Father is a she » (« Papa est un elle »). De quoi parles-tu ? D’un parent transgenre ?
Je parle de cette situation où, quand les enfants grandissent seuls avec leur mère, cette dernière devient parfois dans leurs yeux une figure à la fois maternelle et parternelle. Ces paroles sont inspirées en partie d’un court moment de ma vie personnelle. "Father" ne parle pas d’un "père qui serait une femme transgenre", si on peut formuler cela ainsi. C'est drôle que tu me poses cette question : un ami me parlait récemment d’un « père » qui a entamé sa transition pendant l’adolescence de sa fille. Lui parlait de "son père", cela m'a beaucoup questionnée sur les bons mots à employer.
"Certains pédés et gouines de droite estiment qu’ils ont monté en grade. Ils regardent en dessous pour voir sur qui ils peuvent pisser à leur tour. Et en dessous, ils voient les non-blancs, les musulmans et les immigrés."...