Sylvain vient d'ouvrir le seul bar LGBT+ du département de l'Eure. Un "point de ralliement" pour une communauté queer normande quelque peu oubliée. Il a donc toute sa place dans nos Queertopies, dans lesquelles TÊTU met en avant des personnes qui, à leur manière, oeuvrent au bien-être des LGBT.
Un vent arc-en-ciel souffle sur la Normandie. Après l'ouverture d'une nouvelle discothèque à destination d'un public LGBT+ près de Caen, un nouveau lieu vient de s'ajouter au carnet de bal des queers normands et des touristes de passage. A environ une heure au sud de Rouen, dans une zone industrielle de Guichainville, en banlieue d'Evreux, vient d'ouvrir le Clem Bar. Tabourets en forme de bouchons de champagne, mobilier industriel, banquettes cosy... L'endroit se veut accueillant et dans l'ère du temps. Derrière le comptoir, où s'alignent les verres, les alcools et les sirops Monin, il y a Sylvain. Veste zippée siglée "Le Clem", grand sourire, pas de doute, c'est lui le patron. Et ce bar c'est d'abord une promesse.
Si l'endroit s'appelle "Le Clem", c'est en hommage à Clément, le mari de Sylvain. En 2017, ce sergent de la base aérienne 105 d’Évreux s'est donné la mort suite au harcèlement dont il aurait été victime à son travail. “Ouvrir un bar LGBT+, c'est un projet que nous avions ensemble”, raconte Sylvain. Quelques temps après le décès de son époux, il s'est lancé, en solo, et a, bien évidemment, tenu à dédier ce projet à son ancien compagnon.
Un emplacement stratégique
Il a d'abord tenté d'ouvrir un bar dans le centre ville d'Evreux. Mais dans la commune de 50.000 habitants, le jeune barista a peiné à trouver son public. “Il n’y a plus aucune vie nocturne LGBT+ à Evreux" déplore l'entrepreneur. “En Normandie, il n’y a presque plus rien. Si vous voulez vous amuser, il faut se rendre à Caen, Rouen ou au Havre”, ce qui demande plusieurs heures de déplacement pour certains... Et encore. Depuis décembre 2018, le Blink, dernier bar gay du Havre a mis la clef sous la porte.
Mais ni sa tentative avortée à Evreux, ni le climat compliqué pour les lieux de convivialité LGBT n'ont refroidi Sylvain, déterminé. Il a trouvé ce spot, un peu à la sortie de la ville Une nouvelle localisation qui permet de se rapprocher des communes environnantes d’Evreux et ainsi s’offrir une clientèle plus large. “La zone est simple d’accès, bien desservie par les transports en commun et nous avons un large parking surveillé”, précise Sylvain. Mais surtout, le Clem Bar est mitoyen aux locaux du Clem Sauna, un établissement qui s'étend sur 400m2. Du côté du sauna, l’entrée est 100% masculine quasiment tous les jours d’ouverture. Cependant, les mercredis, tout le monde y est accepté. “Aussi bien les couples d’hommes, que de femmes ou les couples hétéros”, précise Sylvain. Un modèle inclusif qui semble de plus en plus nécessaire pour ce type d'établissement, surtout en province.
Changer le monde à sa manière
D'ailleurs, c'est ce modèle inclusif qu'a souhaité le patron pour son bar, qu'il imagine comme un “point de ralliement” et un "refuge". Pour lui, l’importance de tenir un bar LGBT+ permet à la clientèle d'être elle-même. “[Dans un bar LGBT+] l’ambiance et les discussions ne sont pas forcément les mêmes qu’ailleurs”, raconte le gérant. "Il est plus simple ici d’aborder certains sujets car ils savent qu’ils ne seront pas jugés et trouveront toujours un interlocuteurs ayant vécu une situation similaire”.
Néanmoins, Sylvain insiste sur le fait qu'il s'agit d'un “bar ouvert à tous” avec pour seul concept de “passer une bonne soirée”. Ouvert de midi à 23 heures, et jusqu’à 1h du matin le week-end, Sylvain veut laisser la possibilité à tout le monde de venir apprécier une bière ou un verre de vin au Clem. “Ça fait un mois que nous sommes ouverts et nous commençons déjà à avoir notre clientèle”, précise Sylvain, “le vendredi soir, on a pas mal de jeunes.”
“De toute manière il me suffit de voir les gens discuter et s’amuser autour d’une bière, j’ai le smile”
Un établissement sûr et engagé
Au delà de son côté festif - avec ses soirées karaoké chaque vendredi soir - le Clem Bar se veut d'être un établissement militant de prévention. “Je défends tout ce qui a un rapport avec la prévention”, précise Sylvain, “notamment avec l’association ENIPSE (Équipe Nationale d’Intervention en Prévention et Santé pour les Entreprises) qui vient pratiquer des dépistages du VIH tous les mois de manière discrète et gratuite”. Sylvain, qui a toujours été “intégré dans la vie LGBT+", précise que le bar est également partenaire du Festival de film LGBT+ “Ciné Friendly” à l’Omnia de Rouen.
Et pour l'avenir, Sylvain est optimiste. “Il n’est pas exclu de voir l’entreprise s'agrandir petit à petit ; un night-club pourrait voir le jour éventuellement”, conclut le gérant. En attendant, il est possible d'aller déguster la trentaine de bières et les nombreux vins que Sylvain propose au Clem Bar, 10bis rue Concorde, Guichainville, Haute-Normandie.
À LIRE AUSSI : QUEERTOPIE. Avec Queer Chevelu, la coiffure devient un acte militant